Comment irriguer avec des ressources en eau limitées ?
Perspectives Agricoles : Quelles sont les conséquences d’un manque d’eau pour les maïs ?
Thomas Joly : La demande en eau du maïs, croissante entre le stade « 10 feuilles » et la floraison femelle, reste importante pendant le remplissage des grains, soit en général de juillet à août. Un stress hydrique précoce, survenant entre le stade « 10 feuilles » et la floraison, a pour effet de réduire l’indice foliaire, mais aussi et surtout de pénaliser le nombre de grains fécondés, notamment par la baisse du nombre d’ovules viables. Un stress hydrique tardif, intervenant entre la floraison et le stade repère « humidité des grains à 50 % », au-delà duquel un tour d’eau supplémentaire n’est généralement plus valorisé, accélère la sénescence en fin de cycle, augmente le nombre de grains avortés et pénalise leur remplissage. La non-couverture des besoins en eau aux stades clés de la culture peut provenir de restrictions d’irrigation mais aussi de la capacité des équipements si le débit est inférieur à la demande climatique, ou encore de décisions d’affectation des ressources en eau entre les cultures de l’exploitation. L’emploi d’un outil de pilotage peut améliorer significativement la productivité de l’eau. Les prises de décisions s’accompagnent d’une bonne connaissance des marges réalisées sur les cultures afin d’arbitrer selon les ressources disponibles.
P. A. : En cas de ressource en eau limitante, quelle stratégie d’irrigation faut-il adopter ?
T. J. : Le raisonnement dépend du type de restriction auquel la ressource est soumise. Si le volume est limité mais assuré, la stratégie consistera à répartir l’eau disponible. Pour cela, il faut s’appuyer sur un calendrier prévisionnel de distribution des apports. Il s’agit d’encadrer au mieux la floraison femelle et ainsi la période de plus forte sensibilité de la culture qui s’étend du stade « 10-12 feuilles » au stade « 50 % d’humidité du grain ». Les doses par apport seront donc réduites. Les pluies éventuelles seront valorisées en retardant légèrement le déclenchement de l’irrigation : rajouter 1 jour pour 5 mm de pluie. En revanche, si la limitation se traduit par un risque d’arrêt précoce, la stratégie consistera à utiliser l’eau disponible dès le début de la période d’irrigation. L’objectif est de préserver au maximum la réserve en eau du sol en baissant les seuils de déclenchement, tout en adaptant le rythme des apports aux pluies éventuelles. Il faut toutefois éviter de surirriguer, notamment à l’approche du risque d’interdiction, ce qui pourrait être contre-productif au regard des risques de perte en eau que le sol ne peut pas stocker, de lixiviation de l’azote ou encore d’asphyxie racinaire en sol hydromorphe.
P. A. : Comment arbitrer, le cas échéant, entre les différentes cultures ?
T. J. : Sans connaitre le climat à venir et l’état des ressources en eau d’irrigation, la répartition entre les cultures d’hiver et les cultures d’été est une première étape de la décision d’assolement. Il s’agit d’un levier d’adaptation aux risques climatique et économique. Viennent ensuite l’organisation de la campagne d’irrigation et la répartition des volumes. Les décisions prises selon la sensibilité des cultures, les caractéristiques des parcelles ou du matériel d’irrigation, tout comme le choix des dates de semis, auront une incidence directe sur la valorisation de l’irrigation. Encore une fois, les arbitrages à réaliser entre les cultures d’une exploitation passent par la connaissance des marges brutes des cultures, à l’échelle de la surface irrigable de l’exploitation, et l’analyse des conséquences économiques des stratégies adoptées.
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