Céréales à paille : les vrais & faux de l’irrigation
Les céréales à paille sont sensibles au manque d’eau de la montaison jusqu’au remplissage des grains. C’est à ce moment que l’irrigation peut être nécessaire et s’avère la plus rentable. Cependant, sur sols superficiels à réserve utile (RU) limitée, si la réserve en eau du sol est basse dès le début du cycle du blé, il peut être intéressant de déclencher une irrigation plus précocement.
La date la plus précoce du premier tour d’eau varie selon l’espèce cultivée et le type du sol. Pour le blé tendre, le besoin d’irrigation débute au stade « 2 nœuds » en sols superficiels, et à « 3 nœuds » en sols profonds. Pour le blé dur et l’orge de printemps, plus sensibles au stress hydrique, le déclenchement peut survenir un peu plus tôt : à « 1 nœud » ou à « 2 nœuds » selon ces mêmes types de sols. Il est important de disposer d’un outil de pilotage (sondes, bilan hydrique) pour bien gérer le déclenchement et le rythme de l’irrigation.
Dans le cas où les apports d’azote n’ont pu être valorisés courant mars, il peut être nécessaire de réaliser une irrigation plus précoce pour mettre l’engrais à disposition des cultures. Une irrigation de 20 mm réalisée dans les 15 jours suivant l’apport permettra de bien valoriser l’azote.
À quel moment ne faut-il plus irriguer ?
L’irrigation doit être stoppée durant huit jours au cours de la floraison afin de limiter l’impact des maladies des épis (fusarioses, Microdochium spp.) en blé tendre et blé dur. La période la plus sensible à ces contaminations est la sortie des étamines et l’ouverture des glumes. Toutefois, l’impact de l’irrigation à cette période cruciale sera limité si l’on a la certitude qu’une période chaude et sèche entoure l’irrigation.
Comparé aux effets sur le rendement d’un stress hydrique survenant à la fin de la montaison (et à intensités de stress équivalentes), l’effet d’un stress après la floraison est moins marqué, et beaucoup d’agriculteurs pensent encore qu’il est inutile d’irriguer après la floraison. Pourtant, le déficit hydrique étant souvent plus élevé pendant cette période, son effet est plus important sur le rendement et par conséquence, l’irrigation entre les stades « dernière feuille ligulée » et « grain laiteux » est régulièrement plus payante.
En conditions très sèches, l’irrigation postfloraison est peut-être très efficace sur le rendement et est souvent sous-utilisée.
Chez le blé, la période de sensibilité au stress hydrique s’achève vers le stade « grain laiteux ». Le manque d’eau à ce stade affecte le remplissage des grains et se traduit par un moindre poids du grain - un phénomène accentué en cas de fortes températures (maximales supérieures à 25 °C). L’effet négatif des fortes températures est atténué par l’irrigation, car la transpiration plus élevée permet de limiter la température au sein de la culture.
Irriguer n’est pas sans conséquences
L’irrigation influence le cycle des céréales de multiples façons. Elle augmente le potentiel de rendement et donc les besoins en azote de la culture. Les apports d’eau effectués courant montaison, en particulier, jouent fortement sur le nombre de grains, mais leur interaction avec l’alimentation azotée modifie aussi la teneur en protéines. L’augmentation parallèle de la biomasse et du nombre d’épis peut accroître le risque de maladies des épis, notamment autour de la floraison. Au cours du remplissage, l’irrigation améliore le poids de mille grains, le poids spécifique et le calibrage des orges. Cependant, sur blé dur irrigué, une pluviométrie excessive en fin de cycle peut accroître le risque de germination sur pied, de moucheture et de mitadinage. Il faut donc prendre des précautions et piloter très finement l’irrigation - d’où l’intérêt des outils de pilotage.
Ainsi, lorsque l’irrigation est mise en œuvre sur les blés, il faut veiller à adapter les autres facteurs de production pour atteindre le double objectif de rendement et de qualité - et notamment, la fertilisation azotée. En sol profond, une majoration de la dose d’azote de 10 à 20 kg est ainsi nécessaire, tandis qu’en sols superficiels, il faut prévoir 30 à 40 kg d’azote de plus. Ce supplément de dose doit être apporté à la fin de la montaison afin de garantir une alimentation azotée optimale jusqu’à la fin du cycle. Un outil de pilotage de l’azote facilitera à la fois le calage de la dose et le meilleur moment de son application.
2,5 q/ha pour 10 mm d’eau en moyenne - c’est le gain de rendement permis par l’irrigation sur blé.
Chez les céréales à paille, la sensibilité variétale reste le premier facteur de risque de verse physiologique. Cependant, au même titre que le vent ou un orage, l’irrigation peut déclencher cette verse lorsqu’elle intervient après l’épiaison. Les gouttes d’eau s’accrochant dans les barbes alourdissent l’épi et ce, d’autant plus qu’on avance dans le cycle. Pour minimiser le risque de verse, il faut adapter les réglages du matériel, notamment le canon, en utilisant une buse de plus petit diamètre avec une pression plus basse, et en apportant des doses plus petites grâce à une pluviométrie horaire plus faible - et, bien sûr, éviter d’irriguer s’il y a du vent. D’une façon générale, en parcelle irriguée, toute la conduite de la culture sera ajustée de façon à limiter le risque de verse.
Les céréales sont généralement irriguées en période sèche, peu favorable aux maladies fongiques. Cependant, parce qu’elle élève le taux d’hygrométrie, l’irrigation peut favoriser le développement des maladies foliaires comparé à une conduite en sec. Le canon a moins d’impact sur le risque de maladie fongique en raison de la rapidité de l’apport d’eau, sauf dans les zones arrosées en fin de journée ou dans les zones de recouvrement. Le sprinkler en couverture intégrale favorise davantage les contaminations par les champignons (plus fréquentes également au pied du pivot), étant donné la longue durée de l’apport d’eau.
Pour limiter le risque de fusariose sur le blé, il convient de ne pas irriguer durant les huit jours qui suivent la sortie des premières étamines. En blé dur, espèce sensible à cette maladie, il faut être particulièrement vigilant afin de préserver la qualité du grain vis-à-vis des fusarioses et de la moucheture. Dans tous les cas, débuter l’irrigation en respectant les délais préconisés par les fabricants lorsqu’elle suit un traitement fongicide, et éviter d’irriguer s’il est prévu des pluies.
D’après « Les vrai-faux de l’irrigation », éditions ARVALIS-Institut du végétal, juin 2018.
Paloma Cabeza-Orcel - p.cabeza@perspectives-agricoles.com
En collaboration avec Yves Pousset, Sophie Gendre & Jean-Louis Moynier (Arvalis)
0 commentaire
Réagissez !
Merci de vous connecter pour commenter cet article.