Ergot de seigle : différencier les parcelles de seigle selon leur risque
L’ergot du seigle (Claviceps purpurea) est un champignon ascomycète s’installant à la floraison sur les ovaires des graminées sauvages ou adventices (vulpin, ray-grass…) et parfois directement sur les céréales cultivées. Les sclérotes constituent la forme de conservation du champignon. Ils contiennent des toxines de la famille des alcaloïdes.
La sensibilité des céréales à l’ergot dépend avant tout de leur mode de reproduction. Le seigle, culture allogame (fécondation croisée entre deux plantes) a une floraison plus longue et plus ouverte que celle des blés autogames. Les fleurs sont ainsi plus susceptibles d'être contaminées par l’ergot si l’inoculum est présent dans l’environnement.
Seigle et risque "ergot" (Claviceps purpurea) : de nouvelles règles à partir du 1er janvier 2022
Dans son dernier avis de 2017, l’Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments (EFSA) a conclu que l’exposition aux alcaloïdes de l’ergot de certaines catégories de populations pouvait être trop élevée et nuire à la santé des consommateurs. La Commission européenne a donc voté le 15 avril 2021 la révision du règlement 1881/2006 pour la consommation humaine.
La teneur maximale en ergot dans le seigle est actuellement de 0,5 g/kg. Le nouveau règlement (tableau 1) abaisse la teneur maximale des sclérotes d’ergot dans les lots de seigle à 0,2 g/kg au 1er juillet 2024. En ce qui concerne les produits de mouture de seigle et le seigle mis sur le marché pour le consommateur final, non réglementés jusqu’ici, le nouveau règlement impose, dès le 1er janvier 2022, une teneur maximale en alcaloïdes de l’ergot de 500 µg/kg. À compter du 1er juillet 2024 cette réglementation passe à 250 µg/kg.
Un réseau de parcelles d’agriculteurs, animé par Arvalis, a été initié dès 2012 pour étudier l’occurrence de l’ergot au champ. Il comporte 206 parcelles de seigle couvrant l’ensemble du territoire en vue de hiérarchiser les déterminants agronomiques de l’ergot. La base de données ainsi constituée a été enrichie par l’étude du climat favorisant l’installation de l’ergot sur les épis. Cette étude a identifié les principaux facteurs influençant les contaminations en ergot.
Travail du sol et semences indemnes
La maîtrise des sclérotes présents dans le sol est le premier levier de gestion. Un sclérote peut produire plusieurs milliers d’ascospores susceptibles de contaminer à la floraison les graminées environnantes dans un rayon de 20 m. Les sclérotes sont viables dans le sol pendant deux ans.
Dans les parcelles contaminées, un travail du sol profond enfouira suffisamment les sclérotes pour que ces derniers y germent, empêchant l’émission des ascospores dans l’air. L’année suivante, un second labour doit être évité car il remonterait à la surface 60 % des sclérotes précédemment enfouis.
L’utilisation de lots de semences contaminés par l’ergot introduit l’inoculum dans des parcelles saines. Vis-à-vis de ce risque, deux techniques de lutte ont fait leur preuve. Toutefois, l’une d’elles, le traitement des semences associant des fongicides (prochloraze et le triticonazole, ou carboxine et thirame), n’est plus envisageable car ces substances actives ont été retirées du marché. Le tri des semences est ainsi actuellement l’unique voie curative. L’objectif étant de semer des lots totalement indemnes de sclérotes.
En cumulant ces éléments de gestion de l’inoculum, Arvalis a défini le risque inoculum à la parcelle en trois catégories (voir le « Zoom » sur la grille de risque).
Les parcelles ayant un risque « inoculum » moyen présentent des contaminations en ergot en moyenne dix fois plus élevées que les parcelles à risque faible. Si le risque est fort, les teneurs moyennes en ergot sont 24 fois plus élevées que celles constatées lorsque le risque « inoculum » est faible.
Comment identifier les variétés de seigle les plus sensibles à l’ergot ?
Il n’existe aucune variété de seigle résistante à l’ergot. On observe en revanche des différences de sensibilité entre les variétés de seigle. Celles qui ont une floraison plus longue ou plus ouverte facilitent l’accès aux spores de l’ergot, elles sont théoriquement plus sensibles à l’ergot. Les variétés dont les fleurs restent fermées disposent ainsi d’une barrière mécanique à l’entrée des spores, elles sont théoriquement moins sensibles à l’ergot.
Dans le cas du seigle, le gène Rfp1 (issu de Iran IX) augmente fortement la production pollinique, ce qui diminue la période de sensibilité à l’ergot. Les hybrides ne possédant pas ce gène sont les variétés les plus sensibles.
Les parcelles semées avec les hybrides les plus sensibles présentent des contaminations en ergot en moyenne neuf fois plus élevées que les parcelles semées avec les autres variétés (lignées et hybrides ayant le gène Rfp1).
Contrôler les graminées malgré les restrictions
La présence de graminées en sortie d’hiver dans les céréales est le troisième facteur le plus important après les risques « inoculum » et « variétal » : ces graminées constituent une source potentielle de contamination de la récolte - et de la parcelle à plus long terme. La contamination peut être directe (les sclérotes des graminées non contrôlées se retrouvent dans la récolte) ou indirecte (les graminées servent de relais à l’ergot, avant de contaminer la céréale en floraison).
Le recours au désherbage d’automne est une nécessité dans de nombreuses situations, faute de solutions chimiques efficaces en sortie d’hiver.
En situation à risque, la fauche des bords de champ avant la floraison des graminées sauvages est recommandée si la réglementation l’autorise.
Dans l’étude réalisée par Arvalis, les parcelles dont le désherbage en culture est jugé insatisfaisant par les agriculteurs présentent en moyenne des niveaux de contamination en ergot trois fois plus élevés que les parcelles dont le désherbage est jugé satisfaisant.
Récoltes de seigle contaminées : le nettoyage des grains est indispensable
Compte tenu de l’importante sensibilité du seigle à l’ergot, il est fort probable que les récoltes soient contaminées si l’inoculum est présent dans l’environnement. La grille agronomique présentée dans les pages suivantes donne des indications sur les leviers à déployer en amont afin que le lot récolté soit le moins contaminé possible. Si cela se produit, le nettoyage des lots de grains s’avère indispensable. L’efficacité des trieurs optiques ou des tables densimétriques, peu présents chez les organismes stockeurs (OS), est élevée : ils éliminent 96 à 99 % de l’ergot présent dans les lots. L’utilisation d’un nettoyeur-séparateur, équipement plus couramment installé chez les OS, doit être optimisée pour éliminer le plus efficacement possible les sclérotes. Il a été démontré dans de précédents travaux(1) qu’il est possible d’éliminer 43 % de l’ergot avec un débit réduit et un réglage de l’aspiration suffisamment poussé pour récupérer les sclérotes, ces derniers ayant une plus faible densité que celle des grains. Ces actions curatives de nettoyage sont des solutions efficaces, mais elles ont un coût élevé (temps de triage, équipements) et peuvent être difficiles à mettre en œuvre à grande échelle pendant les périodes de pointe de la collecte. L’intérêt économique de cette opération doit être étudié au regard de la réglementation et de l’objectif de commercialisation des lots concernés. La prévention au champ est donc bien à privilégier en premier lieu.
(1) Perspectives Agricoles n°427, novembre 2015, « Sclérote d’ergot - Le nettoyeur-séparateur rotatif apporte un plus », p.41 (http://arvalis.info/253)
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