Comment limiter les risques d'ergot à la parcelle
Le cycle de la contamination des graminées (cultivées ou non) affectées par l’ergot se déroule en quatre étapes. Tout commence au printemps, dans une parcelle où le champignon a déjà sévi. Celui-ci a survécu à l’hiver dans le sol sous forme de sclérotes, qui constituent sa forme de conservation.
Vers le mois d’avril, les sclérotes « germent » : ils émettent un pédicelle qui réussit à atteindre la surface si le sclérote est enfoui à moins de 10 cm de celle-ci, puis ils éjectent leurs spores dans l’environnement. Ces spores sont disséminées par le vent et la pluie. Des contaminations, dites primaires, surviennent alors durant la floraison des céréales - mais aussi des graminées adventices ! - et pénètrent dans la plante par ses fleurs.
Le champignon se développe à la place du grain ; les épis touchés sont poisseux du fait de la présence de miellat. Il sporule à nouveau courant juin, engendrant une nouvelle vague de contaminations, dites secondaires.
La dernière étape se déroule en juillet, au moment de la maturation des grains : des sclérotes se développent dans les épis et sont soit récoltés, soit tombent au sol où ils entretiennent l’inoculum.
Toutes les cultures ne sont pas égales devant l’ergot
Presque toutes les graminées peuvent être contaminées par l’ergot : le seigle, le triticale, le blé, l’avoine ou encore l’orge, parmi les graminées cultivées ; le chiendent, le brome ou encore le fléole parmi les graminées sauvages.
Cependant, le degré de sensibilité diffère d’une espèce à l’autre : les seigles sont les céréales cultivées les plus sensibles à l’ergot. Viennent ensuite les triticales, qui sont nettement plus sensibles que les blés durs, eux-mêmes plus sensibles que les blés tendres, les orges ou les avoines.
Des études ont montré que plus la floraison de la graminée est longue et/ou plus les fleurs sont « ouvertes », et plus l’espèce - voire la variété au sein d’une même espèce - y est sensible. Les variétés ou espèces dont la fleur reste fermée offre, en effet, une barrière mécanique à l’entrée des spores.
Les sélectionneurs n’ont pas encore pu exploiter l’aspect « ouverture des fleurs » pour obtenir des variétés moins sensibles à l’ergot, faute d’avoir établi des critères fiables pour évaluer cette ouverture. Y aurait-il alors des gènes de résistance à l’ergot chez les céréales à paille ?
Des essais conduits par Arvalis en partenariat avec l’obtenteur Momont sur des variétés de seigle ont montré que les hybrides possédant le gène Rfp1 sont moins contaminés que les autres hybrides. La présence de ce gène augmente fortement la production pollinique : la fécondation est plus rapide, ce qui diminue la période de sensibilité à l’ergot. Cela démontre l’efficacité indirecte, malheureusement de ce gène spécifique au seigle. Car, pour l’instant, aucun gène de résistance n’a été identifié chez d’autres céréales à paille.
Retournez ces connaissances contre l’ergot !
Le climat augmente le risque de contaminations par C. purpurea. Ainsi, un déficit de rayonnement et/ou des températures inférieures à 4°C au stade « Dernière feuille étalée » des céréales, ou la présence de gel et/ou de plus de 40 mm de pluies à la floraison favorisent les accidents de fécondation qui, à leur tour, accroissent le risque « Ergot ».
S’il est difficile d’agir sur la météo, il est néanmoins possible de mettre à profit les connaissances acquises sur le cycle de développement du champignon pour limiter le risque de contamination à la parcelle.
Ainsi, si la parcelle où sera semée une céréale à paille a été infectée une première fois par le champignon, effectuez un labour profond avant le semis : il enfouira à plus de 10 cm les éventuels sclérotes restés dans le sol, qui ne pourront plus germer. Mais un second labour l’année suivante pourrait les remonter en surface ; pour éviter cela, effectuez impérativement au moins un travail superficiel du sol durant la campagne suivante.
Semez ensuite avec des semences indemnes de sclérotes, afin de ne pas (re)contaminer la parcelle. Pour les cultures de seigle, choisissez une variété moins sensible à l’ergot.
Une alternative est de ne pas ressemer une céréale à paille pendant au moins deux ans dans une parcelle contaminée. C’est la meilleure solution si le sol n’est pas labouré ou peu travaillé, comme en agriculture de conservation des sols.
Puisque toutes les graminées sont touchées par l’ergot, les adventices peuvent être une source extérieure de contamination. Il est donc indispensable de désherber minutieusement la parcelle infectée de ses graminées adventices. Pensez aussi à faucher les abords de la parcelle au début de la floraison des céréales à paille.
Une fois le risque à la parcelle activement diminué, le risque d’une contamination de votre récolte par des sclérotes d’ergot (tableau 1) sera limité.
Interview : comment sont gérés les lots de blé contaminés par l’ergot ?
La coopérative agricole Caproga des producteurs du Gâtinais « La Meunière » reçoit environ 600 000 tonnes de céréales et d’oléoprotéagineux de ses adhérents. Pour le blé, elle possède également une station de production de semences à Gondreville (45) et un moulin à Amilly (45). Valérie Roumier, responsable Qualité, explique comment la coopérative gère le risque « Ergot ».
Perspectives Agricoles : Comment s’établit la surveillance des lots de blé, et quel est son coût ?
Valérie Roumier : Pour les lots de grains destinés à la consommation humaine ou animale, les magasiniers effectuent à réception des lots un échantillonnage, puis un tri visuel des grains contaminés par l’ergot. Ils sont spécialement formés à cette détection.
Une seconde surveillance est établie sur les farines que nous moulons. Tout au long de la campagne, nous effectuons en routine une analyse par mois afin de déterminer le taux d’alcaloïdes présents dans la farine ; une analyse coûte environ 100 €.
Pour les semences, en revanche, nous disposons d’un trieur optique.
P. A. : À quelle fréquence détectez-vous des contaminations à l’ergot ?
V. R. : La teneur maximale en sclérotes d’ergot était il y a peu de 0,5 g par kilo de grain, mais depuis le 1er janvier 2022, elle a été abaissée à 0,2 g/kg, ce qui est plus contraignant. De ce fait, les rejets de lots, qui étaient jusqu’à présent très rares, sont en augmentation. Actuellement, sur plus de 1500 agriculteurs qui nous livrent, nous repérons une dizaine de cas de contaminations dépassant le nouveau seuil réglementaire.
P. A. : Quelles sont les conséquences pour le producteur qui a fourni un lot contaminé ?
V. R. : Étant donné la rareté des cas, nous n’avons pour le moment pas de politique de réfaction des lots et nous traitons au cas par cas. Dans tous les cas, nous avertissons l’agriculteur dont un lot est contaminé, et nous le sensibilisons aux pratiques qui diminuent les risques de contamination.
P. A. : Que devient le lot contaminé ?
V. R. : Le lot de grains contaminé est isolé et recyclé via la méthanisation. Une farine contenant trop d’alcaloïdes part aussi en méthanisation. Nous nettoyons les grains contaminés seulement sur la station de semences ; mais cela a un coût (transport, amortissement du trieur optique).
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