Agroécologie : optimiser les services rendus par les sols
Évoluer vers une agriculture plus éco-efficiente et durable implique que les acteurs qui la mettront en œuvre (agriculteurs, conseillers techniques, chercheurs) possèdent des outils pour apprécier les aptitudes culturales des sols et appréhender l’impact de leurs pratiques - et cela rapidement et à un coût raisonnable.
Des outils pertinents existent déjà, comme l’analyse de terre ou le diagnostic de l’état structural de surface, pour évaluer les états physiques et chimiques des sols et prévoir leur évolution sous l’effet des pratiques culturales. Mais nous sommes très loin de disposer d’un tel niveau d’opérationnalité pour apprécier l’état et le fonctionnement biologique des sols cultivés (abondance, activité et diversité des organismes du sol).
Inclure la composante biologique dans les outils de diagnostic et de conseil apparaît essentiel pour évaluer et piloter la diversité des services que l’on attend des sols (support fertile de la production, stockage du carbone, limitation des émissions de gaz à effet de serre, régulation des bioagresseurs…).
Quatre ans de travaux impliquant de nombreux partenairesLe projet Agro-Eco Sol, conduit de juillet 2017 à décembre 2021, est porté par Auréa AgroSciences, l’INRAE (UMR Agroécologie, UMR ECOSYS - Plateforme Biochem-Env, UMR Eco&sols, US Infosol) et ARVALIS-Institut du végétal, en collaboration avec des coopératives (Dijon Céréales, Maïsadour, Terrena), un cabinet de conseil (Agrosolutions), des laboratoires spécialistes de la biologie des sols (Elisol environnement, Genoscreen, SEMSE) et des organismes de recherche publique (Université de Montpellier) et d’enseignement supérieur (AgroParisTech). Le projet est accompagné par l’ADEME dans le cadre du programme «Industrie et Agriculture éco-efficientes» du programme des Investissements d’Avenir.
Des bioindicateurs innovants utilisables «en routine»
Le projet Agro-Eco Sol (encadré) vise ainsi le développement d’une offre de conseil agroécologique incluant des indicateurs de la qualité biologique des sols en complément d’indicateurs de la fertilité physique et chimique. Ce projet est porté par le laboratoire d’analyses Auréa AgroSciences et s’applique, dans un premier temps, aux grandes cultures. Il s’agit d’industrialiser des processus inédits d’analyse de terre, pour délivrer un conseil de gestion globale des sols aux agriculteurs. Les services rendus seront aussi bien agronomiques qu’environnementaux. Les innovations du projet portent principalement sur les deux points suivants :
• l’industrialisation des bioindicateurs innovants : optimisation de l’ensemble du processus analytique afin d’augmenter la capacité de traitement, abaisser le prix de revient et réduire les délais d’analyse (protocoles de prélèvement harmonisés, modes opératoires optimisés et industrialisés grâce à l’utilisation d’automates) ;
• et l’élaboration d’un conseil opérationnel à partir de ces bioindicateurs : constitution de référentiels d’interprétation, définition de niveaux souhaitables des processus et des fonctions renseignés par ces bioindicateurs, ainsi que des leviers d’action possibles pour atteindre ces niveaux, construction d’algorithmes de conseil et réalisation de supports de formation et de communication.
Un autre objectif concerne l’accessibilité du service : dématérialisation de la collecte d’information et de la consultation des résultats et automatisation du conseil.
Le premier volet du projet se penche sur les mesures des bioindicateurs - issues du transfert de technologie entre les organismes de recherche et le laboratoire Auréa AgroSciences - et leur optimisation.
Six grands types d’indicateurs de la matière organique ou d’indicateurs biologiques seront mis en œuvre (tableau 1) : ils vont permettre une meilleure caractérisation de la matière organique labile, ainsi que de l’abondance, de l’activité et de la diversité des micro-organismes (bactéries, champignons) et de la faune du sol (collemboles, carabidés, vers de terre, nématodes), tous présentant un lien avec des fonctions du sol.
D’autres indicateurs, plus classiques, sont aussi mobilisés, comme les analyses physico-chimiques. Les prélèvements au champ sont associés à des observations spécifiques liées à la physique du sol, telles que la méthode du test-bêche et la description du sol nécessaire à l’intégration dans la typologie du sol.
L’innovation réside aussi dans le second volet du projet qui a pour but de construire le moteur d’interprétation des indicateurs, sur la base d’un diagnostic de satisfaction des fonctions agroécologiques liées au sol.
La première composante de ce moteur d’interprétation est la constitution d’une typologie croisant les sols, les climats et les systèmes de culture, afin de définir les niveaux souhaitables des fonctions du sol et les niveaux de priorisation de ces fonctions. Ainsi, chaque parcelle analysée, rattachée à une classe de la typologie, disposera de règles d’interprétation adaptées.
Satisfaire les fonctions agronomiques, environnementales et écologiques du sol
Le cœur du système d’interprétation repose sur le diagnostic de satisfaction des fonctions du sol, évalué par les bioindicateurs, au regard des niveaux souhaitables définis par la typologie. Ces fonctions visées dans le périmètre d’Agro-Eco Sol sont agronomiques (disponibilité en éléments nutritifs et en eau pour la plante...), environnementales (stockage du carbone, pertes d’azote dans les milieux...) et écologiques (maintien de la biodiversité...). Leur évaluation se fait grâce à des relations connues, et/ou expertisées par les chercheurs, entre les bioindicateurs, les processus et les fonctions du sol. Ces fonctions sont ensuite rattachées aux services écosystémiques, rendus à l’agriculteur et à la société, structurant les réponses apportées.
En cas de niveau de satisfaction insuffisant, des leviers sont déclenchés en prenant en compte le sol, le climat et le système de culture. Ces propositions d’évolution des pratiques visent à améliorer les performances technico-économiques et à réduire l’impact écologique (émissions atmosphériques, sol, eau).
L’offre de services issue d’Agro-Eco Sol nécessitera un accompagnement technique renforcé, notamment par la réalisation de supports de formation et de communication ; ce volet est également en cours de construction, essentiellement sur supports numériques diffusés par Internet (vidéos, webinaires…).
Le process analytique (prélèvement, préparation, analyse), les outils de gestion de données et les algorithmes d’interprétation et de conseil seront validés au printemps 2021, lors d’une phase de test en parcelles agriculteurs. Le projet s’achèvera début 2022, laissant la place au lancement de l’offre de services.
Christine Le Souder - c.lesouder@arvalis.fr
Matthieu Valé - m.vale@aurea.eu
0 commentaire
Réagissez !
Merci de vous connecter pour commenter cet article.