Panneau biface, tracker, ombrière... : comment ça marche
Pour s’appliquer aux grandes cultures, les dispositifs agrivoltaïques1 se voient imposer des contraintes structurelles. Ainsi, conserver la libre circulation et l’utilisation des engins agricoles sous ou entre les structures photovoltaïques a une incidence sur leur hauteur minimale ou sur l’écartement entre deux rangées ou piliers. Dans le même temps, au vu des investissements impliqués, la production d’électricité doit être rentabilisée.
Trois grands types d’installations compatibles « GC »
Les installations recensées dans les projets français actuels d’agrivoltaïsme en grandes cultures diffèrent tout d’abord par la structure portante - haute ou basse par rapport au sol, en rangées ou en « canopée » - et par l’espacement entre les rangs ou les piliers.
Un autre élément de différenciation est le type de panneaux photovoltaïques utilisés : modules cristallins ou couches minces, opaques ou translucides, biface ou non, verticaux, horizontaux ou inclinés, fixes, coulissants ou orientables, avec suivi automatique de la course du soleil (tracking) ou non…
Ces facteurs ont une incidence sur le taux d’occupation du sol de la structure et sur la production d’électricité attendue. Chaque configuration présente ainsi des atouts et des inconvénients spécifiques.
On distingue les « ombrières » des « murs » de panneaux verticaux biface2 :
• Une ombrière surplombe toute la parcelle et supporte des panneaux disposés sur des travées ou des câbles à 4 m de haut ou plus afin de permettre le passage des engins agricoles. Elle fournit un ombrage, modulable ou non, à la culture au-dessous (d’où son nom) ; selon la configuration, le rayonnement solaire sur les cultures est réduit de 20 à 50 %. Il en existe deux grands types. Les dispositifs en « table » supportent des panneaux horizontaux, fixes ou coulissants. Cette technologie a été développée notamment par Ombrea (encadré 1). L’ombrage est assez important et ne convient pas aux cultures exigeant un fort ensoleillement.
Cependant, la majorité des projets développés actuellement pour les grandes cultures sont des ombrières équipées de panneaux orientables qui suivent peu ou prou la course du soleil. Les panneaux inclinables selon un seul axe peuvent être orientés vers l’est le matin et l’ouest le soir, comme pour la technologie Sun’Agri (encadré 2), ou être asservis en continu par des trackers3 ; c’est l’option retenue par la technologie Agrovoltaïco de la société italienne REM-Tec (encadré) et par la canopée agrivoltaïque du groupe français TSE (interview article "Une nouvelle source de revenus ?"). Quand les panneaux sont équipés de trackers, l’ombrage généré dans la journée est partiel et tournant sur la parcelle ; mais il peut être adapté à certaines conditions climatiques (vent, grêle, gel, pluie...).
Des « tables » supportant des panneaux coulissants
Les panneaux coulissants de l'ombrière Ombrea sont déployés selon les besoins des cultures. Ils sont ouverts au maximum en cas de faible luminosité et/ou de besoins de lumière plus importants pour la culture, ou pour laisser tomber la pluie (situation 1). Ils peuvent être intégralement déployés pour limiter au maximum l’insolation, afin de limiter l’évapotranspiration des plantes, de limiter la dessication du sol et d’abaisser la température de l’air, mais aussi pour protéger la culture du froid nocturne ou d’intempéries. L’ombrage n’est jamais nul. Plus d’informations sur https://www.ombrea.fr.
Une ombre modulée par des panneaux orientables
La structure de l'ombrière Sun'Agri supporte des panneaux mono-axiaux à plus de 4 m de haut. Les trackers modifient l’orientation des panneaux de ±90°. Dans la journée, les panneaux sont orientés à l’est le matin et à l’ouest le soir pour protéger les plantes d’une forte insolation tout en optimisant la production électrique (situation 1). Ils peuvent être orientés parallèlement aux rayons du soleil (situation 2) pour assurer à la culture une insolation maximale (ombrage journalier inférieur à 5 %) ou à la verticale pour optimiser l’arrosage par la pluie ; la production électrique est alors en berne. Enfin, ils peuvent être disposés à l’horizontale (situation 3) afin de protéger les plantations du refroidissement nocturne (3°C gagnés en moyenne) ou des intempéries (grêle, pluie violente).
• Les rangées de panneaux verticaux biface forment des « murs » faisant face à l’est et l’ouest (encadré 3). La production d’électricité est souvent inférieure à celle des ombrières (300-500 kWc/ha) mais est maximale le matin et le soir, au pic de consommation (à des périodes où le prix de revente de l’électricité sur les marchés est a priori le plus intéressant). Les deux seules installations opérationnelles de taille importante (2 et 4 MWc) se trouvaient jusqu’à présent en Allemagne, mais TotalEnergie a inauguré l’année dernière un premier démonstrateur4 près de Channay, en Côte-d’Or.
Des panneaux verticaux, fixes mais biface
Dans le système Next2Sun, l’espace entre les rangées de panneaux est compatible avec les pratiques agricoles en grandes cultures, et l’emprise au sol est limitée : 90 % du sol reste exploitable pour l’agriculture. La verticalité des panneaux réduit les dépôts de poussières, et donc la fréquence de la maintenance. La répartition de l’ombre et de la lumière est relativement homogène sur la parcelle. Ce type de dispositif n’offre toutefois pas de protection vis-à-vis des intempéries et des gelées nocturnes mais peut faire office de brise-vent selon l’orientation des vents dominants. Les cultures de plus de 90 cm de haut doivent être évités, de même que les épandages afin de ne pas masquer les panneaux. Enfin, l’obligation d’orienter les rangées de panneaux selon un axe nord-sud peut ne pas coïncider avec l’orientation optimale du travail du sol. Il est nécessaire de bien calibrer les espaces pour les travaux agricoles, notamment pour les demi-tours.
Un partenariat nécessaire avec la recherche agronomique
Les dispositifs agrivoltaïques génèrent un microclimat sous ou à proximité des panneaux qui dépend de la géométrie de l’ombre portée, du taux local d’ensoleillement, de la saison, etc.
Sous les ombrières, des modifications de la température de quelques degrés (en moins en été, en plus en hiver), de l’humidité du sol et de l'évapotranspiration des plantes ont bien été constatées.
Aujourd’hui en France, les dispositifs agrivoltaïques en grandes cultures sont en majorité des démonstrateurs. Les réels bénéfices agronomiques (progression et/ou stabilisation des rendements) et sociétaux (production d’énergie verte, progression et/ou stabilisation du revenu agricole) restent à évaluer, de même que les éventuels impacts négatifs.
Ces résultats devront être mis en balance avec l’efficience énergétique des installations et le besoin d’autonomie énergétique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’ADEME préconise que d’importants moyens expérimentaux soient mis en œuvre pour chaque projet agrivoltaïque, afin d’évaluer son impact sur les cultures par des comparaisons sous/hors du dispositif agrivoltaïque. La plupart des opérateurs optempèrent, tant c’est une clé pour le déploiement de cette technologie.
Le groupe TSE Agri-PV, par exemple, suivra pendant neuf ans les performances agronomiques des cultures sur ses sept sites en grandes cultures selon un protocole co-construit avec des partenaires scientifiques (INRAE, l’Idele, école d’agronomie de Purpan) et agricoles. Deux caméras et plus de 800 capteurs météorologiques, mécaniques et agronomiques seront déployés sur leur démonstrateur d’Amance.
(1) L’agrivoltaïsme se distingue du photovoltaïsme par le(s) service(s) apporté(s) en réponse à une problématique agricole et par la synergie entre la production agricole, principale, et la production d’électricité photovoltaïque, secondaire.
(2) On rencontre aussi en grandes cultures des panneaux monofaces à montage biaxial sur pylône individuel, pilotés par tracker. Toutefois ils n’offrent pas de service agronomique et ne sont donc pas considérés comme des dispositifs agrivoltaïques.
(3) Dispositif de pilotage automatique de l’inclinaison des panneaux photovoltaïques de façon qu’ils suivent la course du soleil.
(4) Le projet de TotalEnergies est mené en partenariat avec la société allemande Next2Sun pour la partie technique, et pour la partie agronomique, avec le collectif d’agriculteurs « La ferme de Bel-Air », la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or et la coopérative Dijon Céréales, le bureau d’étude agronomique Agrosolutions ainsi que le pôle Innovation en agroécologie AgrOnov.
Depuis 2021, la société REM Tec a développé un autre système d’ombrières où les panneaux fixes, disposés en ligne ou en damier, sont suspendus à des câbles. La production électrique de cette technologie est plus performante que la précédente, et l’écartement plus large entre les rangs peut atteindre 25 m, permettant ainsi à tous les engins agricoles d’y circuler, y compris les pulvérisateurs dernier cri.
EN SAVOIR PLUS
• Quatre projets sont actuellement déployés ou en développement en France par Sun’Agri. Plus d’informations sur https://sunagri.fr.
• Sept ombrières-pilotes couvrant environ 5-6 ha chacune sont prévues par TSE-AgriPV en grandes cultures en France. Le site-pilote d’Amance vient d’être inauguré en Haute-Saône, les trois prochains à être lancés seront Brouchy, Souleuvre-en-Bocage et Verdonnet. Plus d’informations sur https://tse.energy/solutions-agrivoltaiques-et-agri-pv.
• TotalEnergies a inauguré un premier site-pilote avec des « murs » de panneaux biface verticaux et prépare de nouveaux projets en France. Plus d’informations sur https://renouvelables.totalenergies.fr.
• Des informations pratiques sont disponibles sur les sites de l’association « France Agrivoltaïsme » : https://france-agrivoltaisme.org/, ainsi que de la Fédération française des producteurs agrivoltaïques : https://www.ffpa.fr.
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