L’agrivoltaïsme génère en moyenne un revenu de 2000 à 4000 € /ha, à partager avec le propriétaire foncier.
Diversifier son activité pour s’assurer un revenu – fixe qui plus est – grâce à la production d’énergie renouvelable. Au lendemain d’une campagne céréalière catastrophique, la proposition est tentante. « il n’y aura pas de place pour tout le monde », prévient Maxime Cumunel, délégué général de l’association France Agrivoltaïsme. D’abord parce que les objectifs nationaux, fixés à 33 % d’énergie renouvelable dans le bouquet énergétique en 2030, limitent mathématiquement le nombre de projets qui peuvent voir le jour. Les volumes de production sont même définis par région, voire par département. Ensuite, parce que ces projets ne sont techniquement pas possibles partout : le périmètre autour du point de raccordement au réseau constitue une limite immuable.
La méthanisation, un nouveau métier à apprendre
Une fois mis de côté les aspects liés aux objectifs de production des territoires et aux possibilités techniques, reste à choisir le projet énergétique le plus adapté à sa ferme et à ses besoins. Aujourd’hui, deux principales options existent pour les grandes cultures : méthanisation ou agrivoltaïsme.
« La méthanisation, c’est véritablement un nouveau métier », insiste Hélène Berhault-Gaborit, animatrice au sein de l’Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France (AMMF). Avant de se lancer, il est essentiel de se former, de visiter des installations existantes, d’échanger avec des agriculteurs-méthaniseurs pour se constituer un réseau... Un temps qui s’ajoute à celui à consacrer aux aspects administratifs, qui jalonnent inévitablement – et intensément – le montage d’un tel projet. « La méthanisation, c’est 365 jours par an, 24h/24 », ajoute Yves Debien, agriculteur et administrateur à l’AAMF. Cela veut dire que dans son plan de financement, il faut budgétiser un, voire plusieurs salariés agricoles, pour compenser son absence sur la ferme. Un poste de dépense supplémentaire qu’il serait imprudent de prendre à la légère : « Aujourd’hui, la plupart des installations qui souffrent, c’est à cause d’un problème de main-d’œuvre », affirme l’administrateur.
L’agrivoltaïsme nécessite une vision à très long terme
Les projets agrivoltaïques ne nécessitent pas que le chef d’exploitation acquière de nouvelles compétences. Du moins, sur le principe. « On parle de projets sur le très long terme, qui engagent sur 30 voire 40 ans, car c’est en général la durée des contrats proposés par les fournisseurs d’énergie aux agriculteurs », expose Maxime Cumunel. Qui, aujourd’hui a la certitude de pouvoir continuer aussi longtemps à produire des grandes cultures sur une parcelle donnée ? « Le changement climatique, les évolutions de marché, des prix du foncier ou même l’incapacité à maintenir les rendements à 90 % tel que le prévoit la loi, peuvent contraindre l’agriculteur à faire évoluer sa production », poursuit le spécialiste. Autant de possibilités à prévoir tant dans l’agencement de l’installation (passage des engins en cas de changement de culture, ou des animaux en cas de changement de production agricole, par exemple), que dans les perspectives d’évolution de son métier d’agriculteur.
L’agrivoltaïsme suppose donc d’être capable de se projeter loin, à la fois sur des sujets liés à la transformation de l’exploitation, et à sa transmission. « Les montages juridiques et financiers doivent prévoir un maximum de souplesse pour adapter le projet à toutes les évolutions possibles et imaginables », insiste Maxime Cumunel.
Des échelles d’investissement différentes
Autres points qui différencient les projets de méthaniseur et d’installations agrivoltaïques : le montant de l’investissement dans l’infrastructure, et la durée avant la mise en route de l’installation. « Un méthaniseur représente un investissement qui va de 3 à 10 millions d’euros », expose Hélène Berhault-Gaborit. Les banques demandent en général 15 à 20 % d’autofinancement, subventions comprises. Quant au délai entre le début de la réflexion sur le projet et la mise en route du méthaniseur, « il est en moyenne de 3 à 5 ans, hors recours », selon l’experte.
Pour ce qui est de l’agrivoltaïsme, comptez 5 à 10 ans pour la mise en route, et plusieurs dizaines de millions d’euros d’investissement. Côté revenu, un hectare d’agrivoltaïsme génère 2000 à 4000 € de revenu par an, « à partager avec le propriétaire foncier si l’exploitant est fermier », précise Maxime Cumunel. Ainsi, celles et ceux qui pensent faire fortune dans l’énergie font fausse route. « C’est bien un revenu complémentaire, pour apporter de la résilience aux exploitations », argue Maxime Cumunel. Idem côté méthanisation : « Au-delà de sécuriser une partie de son revenu, l’objectif est aussi de gagner en résilience sur l’autonomie en engrais grâce aux digestats », commente Hélène Berhault-Gaborit.
Des facteurs de réussite communs
Malgré ces différences, certains facteurs de réussite s’appliquent tout aussi bien aux projets de méthanisation que d’agrivoltaïsme. Notamment la capacité des porteurs de projet à s’entourer des bons partenaires. « S’associer à d’autres agriculteurs est plus sécurisant : ça permet de répartir la charge de travail et la charge mentale ; car gérer un méthaniseur est une responsabilité lourde à porter seul. Mais ça suppose d’être bien en accord avec ses associés, et de partager les mêmes objectifs », pointe la spécialiste. Dans le cas où il serait difficile d’emmener d’autres agriculteurs dans son projet, attention à limiter l’implication des énergéticiens ou entreprises non agricoles. « Les agriculteurs doivent détenir plus de 50 % du capital pour maximiser le retour sur investissement », insiste Yves Debien.
En agrivoltaïsme, la qualité de la relation entre les différents acteurs du projet est centrale : l’agriculteur, le développeur de l’installation, l’énergéticien mais aussi la coopérative et la chambre d’agriculture départementale (souvent chargée des études préalables) sont concernés. « Ce que l’on constate chez France Agrivoltaïsme, c’est que les agriculteurs qui se lancent sont vraiment pro-actifs pour aller chercher les partenaires adaptés à leur projet. Cette maturité est un bon signal quant aux perspectives de développement de notre filière », se réjouit Maxime Cumunel.
Enfin, si les efforts à fournir pour favoriser l’acceptabilité des projets sont évidents pour la méthanisation, il est fortement déconseillé d’en faire l’impasse pour l’agrivoltaïsme. « Même si pour l’instant ça ne fait pas encore trop de bruit car les gens ne savent pas trop ce que c’est, c’est un sujet qui monte », assure Maxime Cumunel. En marketing de l’innovation, on distingue trois grands profils en réaction à l’adoption de nouvelles technologies : les « early adopters », les neutres… et les opposants. Il n’y a aucune raison pour que cela ne s’applique pas à l’agrivoltaïsme.
Des échéances électorales défavorables à l’agrivoltaïsme
Bien qu’un cadre réglementaire favorable à l’émergence de l’agrivoltaïsme ait vu le jour en 2023, plusieurs facteurs sont à ce jour susceptibles d’influer sur la trajectoire que prendra cette filière naissante. Le nouveau Gouvernement peut proposer de nouveaux amendements, voire annuler la réglementation existante. L’évolution de la composition de l’Assemblée nationale suite aux élections législatives peut également jouer sur l’avenir des textes. Chez France Agrivoltaïsme, on guette aussi sérieusement l’impact des élections dans les Chambres d’agriculture début 2025.
En effet, ce sont les Chambres qui déterminent les zones adaptées au « photovoltaïque sur terres incultes » : dans les territoires où elles seront nombreuses, les projets portés par des producteurs de grandes cultures sont susceptibles d’être plus souvent retoqués. Enfin, en 2026, les Français voteront aux élections municipales. Or, les projets de production d’énergie tendent à cristalliser l’opinion publique. Les positions défendues par les candidats pourraient définitivement enterrer certains projets. À date, près de 3000 dossiers d’agrivoltaïsme sont en phase d’instruction.
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