Engraissement des jeunes bovins : associer herbe et maïs fourrage
L’apport de fourrages riches en protéines produits sur l’exploitation constitue un levier pour améliorer le niveau d’autonomie protéique des élevages de bovins viande. Les prairies multi-espèces, et des cultures fourragères spécifiques, comme le trèfle violet et la luzerne, fournissent protéines et fibres quand elles sont récoltées à un stade précoce sous forme d’ensilage ou d’enrubannage. Leur richesse en énergie dépend aussi du stade de récolte et de l’espèce, un critère primordial pour l’équilibre de la ration, l’énergie étant le facteur limitant de la croissance.
L’enrubannage d’herbe peut ainsi se substituer à une part d’ensilage de maïs pour les jeunes bovins (JB) à l’engraissement. Cette pratique autorise jusqu’à 15 % de réduction de concentrés azotés achetés (tourteaux) sans perturber les performances des animaux. Elle impacte toutefois la durée d’engraissement et, logiquement, le coût alimentaire.
Quand le maïs fourrage manque, il est techniquement possible de valoriser un enrubannage d’herbe pour engraisser des jeunes bovins. Cependant, modifier son système de production pour aller vers de l’engraissement à l’herbe ne montre pas d’intérêt économique si le produit final n’est pas plus valorisé. L’enrubannage d’herbe peut donc être intégré à la stratégie des éleveurs, face à la volatilité des cours des matières premières, aux fluctuations des prix du maigre et de la viande, sans oublier les attentes sociétales et environnementales.
Une dizaine d’essais d’engraissement de jeunes bovins ont été réalisés depuis 2013-2014, pour étudier les performances technico-économiques des rations intégrant de l’enrubannage d’herbe par rapport à des rations témoins à base d’ensilage de maïs. Y ont contribué : Arvalis(1)(4), la Chambre d’Agriculture de Bretagne(2), la Chambre d’Agriculture de Vendée(3) et l’INRAE de Theix (figure 1).
35 % d’herbe au maximum
La ration témoin est basée sur le maïs fourrage. Pour que les rations soient comparables, la complémentation en énergie et en azote est donc ajustée selon les valeurs énergétique et protéique des fourrages récoltés et enrubannés. Les régimes sont équilibrés en termes d’énergie et en protéines à 100 g PDI/UFV.
Pour les rations combinant herbe et maïs fourrage, la part maximale d’enrubanné en substitution du maïs fourrage peut atteindre 35 % de la ration ingérée, à condition que cette herbe soit de bonne qualité, c’est-à-dire supérieure à 0,80 UFV/kg MS. Au-delà, les performances technico-économiques se dégradent. Il est alors compliqué de maintenir une densité énergétique élevée, ce qui pénalise fortement les performances des animaux. Sur la série de dix essais présentés, une variation de ±0,05 UFV/kg MS d’herbe a conduit à une variation de ±100 à 200 g de GMQ. Pour maintenir des performances de croissance supérieures ou égales à 1420 g/j avec 30 % d’herbe dans une ration à base de maïs fourrage, la teneur en énergie de l’herbe doit être supérieure à 0,80 UFV/kg MS et 12 % MAT. Dans les essais, l’introduction d’enrubannage a allongé la durée d’engraissement de 21 jours en moyenne.
Moins de tourteaux et plus de blé
Dans le régime avec de l’herbe enrubannée, la quantité de maïs fourrage consommée est fortement réduite, à 440 kg MS/JB contre 1300 kg MS/JB pour le régime témoin sans herbe. La part de maïs fourrage n’est pas la seule impactée. Au cours de l’engraissement, les jeunes bovins ont en effet consommé chacun 190 kg de blé en plus (+3 %) et 50 kg de tourteaux en moins (-15 %) dans le régime à base d’herbe que dans le régime témoin.
L’augmentation de la consommation en céréales suite à l’introduction d’une part significative d’herbe dans les régimes à base de maïs ensilage pèse sur le bilan économique. Le coût alimentaire par animal varie évidemment selon les différentes conjonctures. Pour le comparer sur sept ans (2012-2013 et 2018-2019), les prix de l’enrubanné de graminées-légumineuses et de celui de luzerne ont été fixés en fonction du coût de production et de la variabilité annuelle du rendement des prairies (main d’œuvre comprise). Ils atteignent en moyenne 114 €/t MS pour les graminées et 158 €/t MS pour la luzerne. Sur les sept scénarios étudiés, la ration à base d’herbe présente un gain économique 1 année sur 7 (campagne 2012-2013), lorsque que le prix des concentrés est élevé (blé à 229 €/ t brute et tourteau de colza à 323 €/t brute). Cependant, le coût alimentaire est supérieur de 27 €/JB en moyenne avec l'ajout d’herbe et de 40 €/JB avec l’ajout de luzerne.
Pour certains de ces essais, la qualité de la viande (couleur et profil en acides gras) a été notée à l’abattoir. L’introduction d’herbe et de légumineuses dans les rations de JB améliore le profil en acide gras (augmentation des oméga 3 totaux) de la viande et n’entraine ni gras jaune ni viande plus rouge. Pour qu’il existe un intérêt économique sur le coût alimentaire, il faudrait une meilleure valorisation de la viande afin de couvrir l’augmentation du coût alimentaire.
Au-delà de ces aspects économiques, il convient également de tenir compte des effets sur l’assolement et sur le temps de travail pour analyser l’intérêt économique de la finition des bovins avec des rations utilisant de l’herbe, en substitution partielle du maïs fourrage.
(1) Stations expérimentales de La Jaillière (44), Saint Hilaire en Woëvre (55) et des Bordes (36), en partenariat avec la chambre régionale d’Agriculture des Pays de la Loire et l’OIER des Bordes.
(2) Station expérimentale de Mauron (56) en partenariat avec l’Institut de l’élevage. Guillaume A. Le Pichon D., Bastien D., 2014. Luzerne enrubannée en complément du blé pour l’engraissement des jeunes bovins, Renc. Rech. Rum.21, p116.
(3) Ferme expérimentale des Etablières (85) en partenariat avec l’Institut de l’élevage. Guillaume A. Le Pichon D., Bastien D., 2014. Luzerne enrubannée en complément du blé pour l’engraissement des jeunes bovins, Renc. Rech. Rum.21, p116.
(4) FERARD et al., 2015. Analyse technique et économique de l’utilisation d’enrubannage ou d’ensilage de graminées et de légumineuses pour la finition des bovins. Renc. Rech. Ruminants (3R) 22, p 245-248.
0 commentaire
Réagissez !
Merci de vous connecter pour commenter cet article.