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Variétés de blé tendre cultivées en France : cinquante ans de progrès génétique
Face aux évolutions climatiques, économiques et sociétales, le levier variétal est attendu pour répondre à de nombreux enjeux liés à la production du blé tendre. Le progrès génétique au cours des cinquante dernières années en France a fait l’objet de plusieurs études qui reposent sur des essais spécifiques de comparaison des variétés qui ont marqué l’histoire du blé tendre depuis les années 1950.
Récemment, les progrès permis par l’évolution des variétés cultivées ont été réévalués dans deux études. Tout d’abord, cinq essais menés entre 2013 et 2014 ont comparé les vingt-et-une variétés inscrites en France et très largement cultivées entre les années 1950 et 2012 : Champlein, Capitol, Hardi, Talent, M.Huntsman, Arminda, Camp Rémy, Festival, Thésée, Soissons, Sidéral, Vivant, Trémie, Charger, Isengrain, Apache, Caphorn, Bermude, Premio, Barok et Rubisko, de la plus ancienne à la plus récente. Les évolutions de rendement, de résistance à la verse et de qualité technologique ont été mesurées sur les parcelles protégées des maladies (protection fongicide), tandis que les parcelles non protégées ont permis de mesurer les progrès en matière de résistance aux maladies.
Les bases de données des réseaux d’inscription et de post-inscription ont également été exploitées pour caractériser de manière dynamique dans le temps le profil des variétés cultivées sur la période 2003 -2019 : les rendements ajustés par variété et par grande zone de culture, et les cotations de 1 à 9 pour tous les autres caractères. Les surfaces annuelles de culture par variété de 2005 à 2019 ont été fournies par les enquêtes réalisées par FranceAgriMer. Associées aux profils variétaux, les évolutions des caractéristiques de la sole française de blé tendre ont été calculées.
Une dilution des protéines limitée malgré la progression des rendements
La pente du rendement a été déterminée dans les essais « Progrès génétique » 2013-2014. Pour cela, le rendement moyen mesuré sur deux ans de chaque variété a été exprimé en fonction de l’année d’inscription de la variété (figure 1). Ces essais révèlent une augmentation moyenne du rendement de 0,5 q/ha par an. Ce progrès est confirmé par l’analyse des bases de données historiques de caractérisation variétale des variétés de blé tendre cultivées entre 2005 et 2019 : le gain annuel du potentiel de rendement (hors blés BAF) se situe entre 0,5 et 0,6 q/ha suivant la zone de précocité considérée.
Parallèlement à cette progression des rendements, la teneur en protéines des variétés a, elle, baissé de 0,026 point par an sur soixante ans – soit 1,5 % de protéines en moins dans le grain entre 1955 et 2012. L’analyse des données historiques corrobore cet ordre de grandeur, avec -0,25 point sur quatorze ans (entre 2005 et 2019). Toutefois, la quantité d’azote exportée par unité de surface cultivée est très nettement supérieure aujourd’hui, en raison de l’augmentation des rendements et surtout de l’amélioration de la GPD (Grain Protein Deviation). Cette capacité des variétés à optimiser à la fois rendement et teneur en protéines fait l’objet d’un bonus à l’inscription depuis 2014 afin d’encourager la sélection de variétés efficaces sur la valorisation de l’azote.
Des variétés de plus en plus résistantes aux maladies
Contrairement à ce qu’on pouvait attendre, la progression du rendement observée entre les variétés des années 1950 et celles des années 2010 (essais 2013-2014) n’est pas plus élevée en l’absence de traitements fongicides qu’avec. Autrement dit, ces essais n’ont pas mis en évidence de progression significative sur la résistance globale aux maladies. La disparition des souches virulentes adaptées à des variétés absentes de la sole française depuis de nombreuses années pourrait l’expliquer.
En revanche, d’après l’analyse des bases de données historiques, à l’échelle de la France entière, il est constaté une nette progression du niveau des notes de résistance (échelle de 1 à 9) des variétés cultivées à la septoriose (figure 2), à l’accumulation de mycotoxines (déoxynivalénol) et au piétin-verse : respectivement de +0,9, +0,7 et +0,9 point entre 2005 et 2019.
Vis-à-vis de l’oïdium et des rouilles, les niveaux de résistance sont stables, en raison d’un bon niveau de résistance atteint par les variétés cultivées depuis le début des années 2000 mais aussi des contournements de résistance plus fréquents.
Une qualité technologique en adéquation avec le marché
Selon l’analyse des essais 2013-2014, la qualité des protéines des variétés inscrites entre 1955 et 2012 a évolué vers des profils plus tenaces, grâce au développement de variétés disposant de la forme allélique 5+10 au locus GluD1 codant pour les protéines de haut poids moléculaire. Cela se traduit par une amélioration de la qualité du gluten mais également par un meilleur comportement à la panification type pain courant français dans les conditions climatiques de 2013 et 2014.
L’analyse des données historiques 2005-2019 montre, quant à elle, une amélioration de +1,25 kg/hl des poids spécifiques(PS), et de +0,5 % de la GPD (figure 3). Cet indice mesure l’écart à la relation négative existant entre la teneur en protéines et le rendement en grains. Au niveau physiologique, la GPD est fortement corrélée à la capacité des variétés à absorber de l’azote après floraison, indépendamment de la quantité d’azote déjà absorbée à la floraison. Le progrès enregistré sur la GPD a limité à -0,25 % la baisse des teneurs en protéines liée à l’augmentation des rendements entre 2005 et 2019.
Ainsi, largement orienté par les règles d’inscription au catalogue français, le progrès génétique en blé tendre se poursuit et a bien été valorisé au cours de ces quinze dernières années par la filière. Tout en maintenant la qualité technologique, il s’est traduit par une augmentation du potentiel de rendement des variétés cultivées et une nette amélioration de leurs niveaux de résistance aux maladies.
Cependant, ce progrès a été largement absorbé par les effets négatifs du changement climatique et dans une moindre mesure par les modifications des itinéraires culturaux, en particulier le déclin des légumineuses dans les rotations, ce qui ne le rend pas toujours perceptibles par les agriculteurs.
Associée au développement d’outils d’aide à la décision, l’offre de variétés plus résistantes aux maladies doit permettre de diminuer l’usage des produits fongicides. Mais la durabilité des résistances étant difficilement prévisible, les risques de contournement peuvent rapidement remettre en cause ces progrès et nécessitent une vigilance régulière.
En savoir plus
Consultez les progressions du rendement, de la teneur en protéines, du poids spécifique, et de la résistance à l’accumulation de DON et aux rouilles jaune et brune sur http://arvalis.info/1sm
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