Faut-il décaler la date de semis des céréales d’hiver ?
Perspectives Agricoles : Quels effets recherche-t-on en décalant la date de semis ?
Lise Gautellier Vizioz : L’objectif est de s’éloigner de la période de levée préférentielle des ray-grass et des vulpins afin de réduire les densités d’adventices dans les cultures. Les mauvaises herbes sont alors plus faciles à gérer par des passages mécaniques ou des applications chimiques. De nombreux essais ont été réalisés par Arvalis sur cette thématique, à la fois en blé tendre et en orge d’hiver. Ils montrent que le décalage de la date de semis réduit les populations de graminées, ce qui facilite leur gestion et agit bénéfiquement sur les rendements et les marges brutes des cultures.
P. A. : Quelle est l’efficacité de ce levier sur les populations d’adventices ?
L. G. V. : Les décalages les plus courts étudiés dans les essais d’Arvalis sont généralement d’une vingtaine de jours. Les dates de semis étant très différentes selon les régions françaises, l’indicateur retenu est la somme des températures en degrés jours avec une base de 0°C. Par exemple, passer de début à mi-octobre équivaut à une somme de températures proche de 200 degrés jours. À ce niveau de décalage du semis, une réduction de 18 à 89 % des populations de vulpins et de ray-grass a été observée, la moyenne étant proche de 60 %. Plus la somme de degrés jours augmente entre les deux dates testées, plus la réduction des populations adventices des témoins non traités est importante. Entre 250 et 300 degrés jours de décalage, les efficacités sont en moyenne de 70 %. Entre 350 et 400 degrés jours, la réduction des populations d’adventices est proche de 85 %. Au-delà de 400 degrés jours, la réduction moyenne des populations de graminées reste proche de 85 %, avec des valeurs comprises entre 50 et 99 %.
P. A. : Quand mettre en œuvre le décalage de la date de semis ?
L. G. V. : Cette mesure est à utiliser sur des parcelles très infestées, en échec de désherbage ou faisant face à des problèmes de résistance. Les solutions herbicides pourront alors être appliquées dans de meilleures conditions, c’est-à-dire sur des populations réduites. Pour ce type de parcelles « difficiles », le risque économique d’un décalage du semis de vingt jours en blé tendre est limité, même en cas d’automne pluvieux. En revanche, si la présence de graminées adventices est faible, la baisse du potentiel de la culture dû au décalage du semis peut contrebalancer le gain obtenu par la réduction de la nuisibilité des adventices. Il n’est donc pas judicieux de décaler la date de semis sur des parcelles peu infestées.
P. A. : Quelle place faut-il accorder aux autres moyens de lutte ?
L. G. V. : Il est important de rappeler qu’à sensibilité équivalente, quel que soit l’herbicide, celui-ci sera toujours plus performant sur de faibles populations d’adventices. Il est donc utopique de penser que la chimie peut résoudre seule le problème sur des populations d’adventices moyennes à fortes. Les phénomènes de résistances, plus présents en cas d’utilisation accrue de produits phytosanitaires, ainsi que le respect des mesures réglementaires, compliquent également l’équation. La gestion des adventices passe ainsi par un raisonnement pluriannuel, par le choix des rotations les plus appropriées et la combinaison des leviers agronomiques disponibles. En plus du décalage de la date de semis, on peut accentuer les faux semis et/ou introduire un labour occasionnel, qui reste le levier le plus efficace contre les graminées. Le désherbage mécanique peut également apporter un plus, bien qu’il soit davantage adapté aux cultures de printemps ou d’été. Les produits phytopharmaceutiques doivent rester un dernier recours pour finaliser le contrôle des adventices.
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