Alimentation des vaches laitières : Le nouveau système de l’INRAE

L’INRAE rénove régulièrement le système d’alimentation des ruminants afin d’y intégrer les connaissances les plus récentes en matière de nutrition animale. Le dernier système de rationnement en date, présenté ici, n’est mis en pratique sur le terrain que depuis fin 2019, avec l’arrivée de la cinquième version du logiciel INRAtion.
Comment l'INRA calcule la ration des ruminants
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Le projet Systali, qui a abouti à la publication du « Livre rouge » de l’alimentation des ruminants par l’INRAE, a refondu le système d’alimentation (apports nutritionnels, besoins et ingestion) dans le but de mieux quantifier les réponses zootechniques aux rations. Ces lois de réponse ont été élaborées à partir de bases de données regroupant des essais de l’INRAE ainsi que de la littérature internationale. Outre le niveau de production (production laitière et taux protéique pour les ruminants laitiers, ou croissance pour les ruminants à l’engraissement), de nouveaux paramètres environnementaux (tels que les rejets d’azote et de méthane), sanitaires (risque d’acidose) et de composition fine (acides gras du lait ou des muscles) sont désormais prédits par la version 5 du logiciel INRAtion.

« Le nouveau système de l’INRAE signe la fin de l’additivité des valeurs nutritionnelles. »

Beaucoup de nouveautés

Les besoins des animaux ont été largement réactualisés. Les besoins énergétiques d’entretien ont notamment été revus à la hausse. Concernant les besoins en protéines digestibles dans l’intestin (PDI), les besoins non productifs ont aussi été réévalués : ainsi, ils ont augmenté de 250 g de PDI/jour pour une vache produisant 35 kg de lait par jour.

Les besoins productifs en PDI sont désormais fonction de la teneur en protéines de la ration. L’efficacité d’utilisation des protéines est d’autant plus faible que la concentration en protéines est élevée dans la ration. Les besoins des animaux sont donc désormais liés à la ration.

Les principales évolutions concernent les apports nutritionnels et la valeur des aliments. La prévision de l’ingestion des animaux intègre à présent la concentration en protéines de la ration et la valeur d’encombrement basale des concentrés. La valeur de l’unité fourragère lait (UFL) a été revue : 1 UFL équivaut désormais à 1760 kcal, contre 1700 kcal auparavant. Les valeurs PDIN et PDIE ont été abandonnées pour le seul indicateur PDI.

Un nouveau critère, la balance protéique du rumen (BalProRu), évalue l’état de nutrition azotée du rumen. BalProRu est égale à la différence entre la quantité estimée de matières azotées totales (MAT) ingérées et la quantité de MAT estimée au niveau du duodénum, hors ammoniac. L’objectif est de bâtir une ration avec une BalProRu proche de 0. Si BalProRu est trop faible, alors l’azote est limitant pour les performances. À l’inverse, une BalProRu trop élevée induit des rejets d’azote dans l’urine.

Pour les concentrés, un « niveau d’encombrement basal » a été créé. En pratique, dans le nouveau système, les valeurs « tables » des aliments sont légèrement modifiées par rapport aux précédentes tables INRA : +0,05 UFL en moyenne (0 à +0,09), et –4 à +5 g PDI par kilo de matière sèche (kg MS) pour les fourrages (figure 1). De même, la valeur énergétique des concentrés est légèrement revue à la hausse. Les valeurs protéiques sont peu modifiées pour les aliments concentrés moyennement riches en protéines, et sont revues à la baisse pour les aliments concentrés riches en protéines (de 10 à 15 g PDI/kg MS en moins).

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Les valeurs nutritionnelles ne sont plus fixes, mais sont modulées selon trois critères : le niveau d’ingestion (NI) de l’animal, la proportion de concentrés (PCO) et la BalProRu de la ration. En pratique, ces valeurs « tables » sont uniquement indicatives et seront ajustées en fonction de la ration et de l’animal qui la consomme.

Les valeurs énergétiques et protéiques de la ration calculées par le logiciel INRAtion-v5 ne correspondent donc plus à la somme pondérée des valeurs « tables » de chacun des aliments : c’est la fin de l’additivité des valeurs nutritionnelles. Ces valeurs sont désormais modulées par les trois paramètres précédents (NI, PCO et BalProRu), afin de prendre en compte les interactions métaboliques et digestives. Une moins bonne digestibilité de la matière organique ingérée est, par exemple, obtenue lorsque la part de concentrés est accrue dans la ration, et/ou lorsque le niveau d’ingestion est augmenté et/ou en cas de déficit en azote dégradable dans la ration.

Le rationnement en pratiqueLes modèles utilisés dans le système INRA 2018, qui intègrent des lois de réponse, permettent de calculer une ration complète ou semi-complète (avec plan de complémentation individuel) couvrant les besoins des animaux au pâturage ou à l’auge. Le logiciel INRAtion-v5 prédit aussi les performances qui seront permises avec une ration pouvant différer du potentiel des animaux. Ils calculent également de nouveaux indicateurs tels que les rejets de méthane et d’azote ainsi que le risque acidogène. L’optimisation des rations calculées par le logiciel a pour objectif de satisfaire la production et le bilan énergétique visés, tout en veillant à conserver une bonne efficience de l’utilisation des protéines et à limiter les excès d’azote.

Quel est l’impact sur les apports des rations ?

Afin de simuler l’évolution des apports entre l’ancien système de rationnement (INRA 2007) et le nouveau (INRA 2018), 47 rations de vaches laitières ont été calculées à l’aide de l’outil Systool, en faisant varier le niveau d’ingestion (entre 2,5 et 4,2 kg MS ingérée par 100 kg de poids vif), ainsi que la part de concentrés dans la ration (entre 14 et 55 % de la MS ingérée).

Trois types de données ont été analysées : les valeurs prédites par le système INRA 2007 (où les valeurs « tables » sont égales aux valeurs « ration », car ce système est additif), les valeurs « tables » INRA 2018 (valeurs théoriques avant calcul de la ration) et les valeurs « ration » INRA 2018 (valeurs réelles intégrant les interactions digestives). Comme indiqué précédemment, les valeurs « tables » INRA 2018 sont plus élevées d’environ 0,05 UFL/kg MS que les valeurs « tables » INRA 2007. À l’inverse, lorsque qu’on compare les valeurs réelles de la ration sous INRA 2018 (intégrant les interactions digestives) aux valeurs additives sous INRA 2007, la valeur énergétique de la ration 2018 est inférieure d’environ 0,04 UFL/kg MS, avec une certaine variabilité selon le type de ration (figure 2).

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Cette variabilité s’explique majoritairement par le niveau d’ingestion de l’animal et la part de concentrés dans la ration. À ration identique, l’augmentation du niveau d’ingestion entraîne une augmentation du taux de passage des liquides et des particules dans le rumen, ce qui induit une moins bonne digestibilité de la matière organique et une moindre valorisation de l’énergie.

D’autre part, l’accélération du transit augmente la part de protéines by-pass au détriment des protéines issues de la synthèse microbienne, ce qui a tendance à augmenter légèrement la teneur en protéines digestibles dans l’intestin de la ration, et à augmenter plus fortement le ratio PDI/UFL. L’augmentation de la part de concentrés induit également une plus faible digestibilité de la matière organique. Par exemple, passer de 30 à 50 % de concentrés dans la ration réduit cette digestibilité d’environ 2,3 points. Enfin, la balance protéique du rumen joue un rôle sur la digestibilité de la ration. Une BalProRu faible (en raison d’un manque d’azote dégradable) induit une limitation des performances de production, alors qu’une BalProRu élevée induit une meilleure digestibilité de la matière organique, mais également un possible gaspillage de l’azote.

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