Pourquoi faut-il mieux évaluer le tassement des sols ?
Pascale Métais : Un sol tassé perd de la porosité, ce qui réduit la circulation et le stockage de l’eau, ainsi que les nutriments dissous. La profondeur, la densité et la vitesse d’enracinement des plantes s’en trouvent également affectées. On observe alors des pertes de rendement, de biomasse ou encore de qualité dans le cas des tubercules. Le tassement se produit lorsqu’un sol n’est pas assez ressuyé et sous la contrainte des passages d’engins. Cela dépend donc du type de sol, des conditions météo et des systèmes de culture. Or, en tendance, le poids des machines augmente, de même que les aléas climatiques et les interventions culturales. Remédier à un sol tassé reste difficile, la prévention est donc essentielle en évitant d’intervenir sur un sol trop humide. Quand ce n’est pas possible, il faut veiller à adapter le matériel pour réduire la charge à l’essieu et la pression sur le sol.
P. A. : Comment estimer le risque de tassement ?
P.M. : Les processus physiques en jeu nécessitent des calculs assez complexes pour quantifier un tassement. L’outil gratuit en ligne Terranimo(1), à utiliser soi-même ou à l’aide d’un conseiller, apporte une aide précieuse dans le choix des mesures qui limitent les tassements. Créé par des équipes de recherche danoise et suisse, cet outil estime les risques en fonction de la machine - de son poids, du nombre d’essieux, des pneumatiques - et de l’état hydrique du sol. L’utilisateur peut tester différentes situations - comme une pleine charge, une demi-charge, des roues jumelées - pour évaluer les adaptations à effectuer afin de réduire les tassements. Terranimo calcule la résistance du sol, c’est-à-dire sa capacité à supporter les contraintes sans se déformer durablement, ainsi que la contrainte appliquée en surface et sa propagation en profondeur. La confrontation de la résistance et de la contrainte permet d’estimer le niveau de risque de tassement - fort, moyen ou faible - dans chaque couche de sol, jusqu’à plus d’un mètre de profondeur.
P. A. : Les utilisateurs peuvent-ils mieux prévoir leurs interventions grâce à cet outil ?
P.M. : La principale limite de Terranimo est de renseigner précisément l’état hydrique du sol, ce qui n’est pas aisé en l’absence d’un référentiel utilisable au champ. Pour y remédier, Arvalis pilote le projet de recherche J-DISTAS visant à coupler Terranimo avec un modèle de calcul de l’humidité du sol. L’objectif est de construire, d’ici la fin du projet en 2022, un outil complet de calcul des jours disponibles les plus propices aux opérations culturales. Il évaluera la faisabilité des interventions dans un contexte d’évolution des pratiques : désherbage mécanique, gestion des couverts et des repousses à l’interculture, semis ou récolte d’une nouvelle culture, etc. Ce nouvel outil servira à produire des références destinées aux agriculteurs, comme la détermination d’ordres de grandeur de poids des matériels selon les types de sol et l’appréciation de l’état hydrique. En calculant un nombre de jours disponibles pour les différentes interventions, l’outil aidera au dimensionnement des matériels agricoles, de façon à limiter les risques de travaux en mauvaises conditions. Des conseils sur la faisabilité des interventions pourront également être diffusés par région.
(1) Terranimo existe sous deux versions, disponibles en français sur internet :
• une version danoise : www.terranimo.dk (plus régulièrement mise à jour et plus précise) ;
• une version suisse : ch.terranimo.world (plus ergonomique et plus rapide).
Propos recueillis par Benoît Moureaux
b.moureaux@perspectives-agricoles.com
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