Accords UE-Mercosur : Et s’ils étaient une chance pour la France ?
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Excédents agroalimentaires en forte progression, impact limité sur les filières de la viande bovine, de la volaille et du sucre, besoin de nouveaux marchés pour les produits phares des exportations françaises... Autant de points qui plaident en faveur des accords avec le Mercosur, selon Jean-Luc Demarty 1, lors d’une conférence au SIA organisée par la Coopérative Agricole.
Des accords suscitant la méfiance
Il y a 34 ans, l’Union européenne (UE) concluait un accord d'association commerciale établissant une zone de libre-échange avec les pays du Marché commun du Sud2 ou Mercosur. Cet accord fait toujours débat au sein de l'UE - un débat relancé par le récent audit de la Commission européenne.
« Pourquoi la notion même de libre-échange a-t-elle une connotation négative ? », demandait l’animateur de la Coopérative Agricole à Jean-Luc Demarty. « Sans doute parce que jusqu’en 2008, la libéralisation du commerce a été un échec », a répondu ce dernier. « Mais entre 2008 et 2023, les excédents agroalimentaires de l’Europe sont passés de 10 à 70 milliards d’euros (M€) - une tendance à la croissance très forte. » Et pour la France ? « Il y a une spécificité française ! En moyenne sur 2008-2023, nos excédents ont stagnés autour de 8 M€, mais nos exportations agroalimentaires hors UE ont été excédentaires de 6 M€ : la France a donc profité du libre-échange. »
Cela dit, 6M€ par rapport aux 70 M€ d’excédents européens, c’est moins de 10 %, alors que la France représente 17 % de l’agriculture européenne. « Depuis 2015, nous sommes devenus déficitaires au sein de l’Europe. Pour moi, ce dernier point est un scandale », reprend Jean-Luc Demarty. « Un scandale qui n’est pas dû aux accords de libre-échange mais à la politique agricole commune de ces 25 dernières années. C’est toutefois en train d’être partiellement corrigé grâce à la récente Loi d’orientation agricole. »
Ouvrir les marchés, une nécessité
Le Mercosur reste la zone économique la plus compétitive du monde concernant les produits agricoles, notamment le bœuf, la volaille et le sucre - les plus sensibles pour l’UE. « Il y a pourtant beaucoup à gagner sur le Mercosur », avance-t-il. « Sur les produits manufacturés, les services mais aussi sur les produits agricoles - notamment, pour la France, sur les produits laitiers, les vins et les spiritueux. » Il fallait trouver un accord qui ne détruise pas ces trois filières « Et c’est ce qui a été fait », affirme Jean-Luc Demarty. » En 2019, on a négocié des contingents tarifaires - des quasi quotas ; car, au-delà de ces contingents, les droits de douane sont tels que les importations sont découragées. » Sur le bœuf et la volaille, cela revient à autoriser à importer du Mercosur environ 1,5 % de la consommation domestique totale de l’UE, et pour le sucre, encore moins. « Prétendre que l’impact sera dramatique sur ces filières n’est pas raisonnable. Plusieurs analyses récentes sérieuses ont montré que [les accords du Mercosur] avaient un effet très limité sur la viande bovine » précise Jean-Luc Demarty. « De plus, cet effet peut être corrigé par des aides compensatrices […] Les agriculteurs français reçoivent ainsi de l’UE 7 M€ d’aides au revenu (essentiellement découplées) pour compenser les coûts de production supérieurs à ceux de nos concurrents extra-européens, dont le Mercosur. »
Dans les accords de libre-échange avec l’Europe figurent également des volets très ambitieux sur le développement durable. Ainsi, dans l’accord avec le Mercosur, l’Accord de Paris sur le Climat devient pour la première fois une clause essentielle. « Concrètement, cela veut dire que si l’un des signataires du Mercosur ne respecte pas l’Accord de Paris de manière grave et répétée, il peut y avoir suspension unilatérale, totale ou partielle, de l’accord », souligne-t-il.
Dernier élément en faveur de l’accord, selon Jean-Luc Demarty : l’Europe, et notamment la France, ont besoin d’ouvrir de nouveaux marchés « - encore plus aujourd’hui, avec ce que prépare l’administration Trump pour l’Europe ! »
(1) Jean-Luc Demarty a participé, au sein de la Commission européenne, à toutes les grandes négociations commerciales multilatérales et bilatérales de l’Union européenne de 1988 à 1995, et les a dirigées de 2005 à fin 2019.
(2) Les membres fondateurs du Mercosur - Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay - ont été rejoints par la Bolivie en décembre 2023. D'autres États sont membres associés : Chili, Colombie, Équateur, Guyane, Pérou et Suriname. (Le Venezuela a été suspendu en 2017.)
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