Gérer les adventices avec moins de phytos : comment trouver des solutions sur mesure

Le projet CoSAC a permis de concevoir, d’évaluer et de promouvoir des systèmes de culture conciliant réduction de l'usage des herbicides, maintien de la production et du revenu agricole et préservation de la biodiversité.
Un champ virtuel et un OAD pour évaluer la résilience d'un système de culture

Une des principales problématiques sur les exploitations est la gestion des adventices, dont la présence peut fortement pénaliser, voire remettre en cause, les productions. Cependant, la flore adventice est aussi l’un des piliers de la biodiversité dans les paysages agricoles. La réduction de l’usage des herbicides demandée par le plan ECOPHYTO oblige à reconsidérer la gestion chimique des adventices. Les méthodes alternatives économes en herbicides doivent combiner de nombreuses techniques, souvent préventives, et sont ainsi difficiles à intégrer dans les systèmes de culture, notamment céréaliers, qui par ailleurs doivent maintenir leurs rendements et leurs marges économiques. Le projet CoSAC(1) (2015-2019) visait à concevoir, évaluer et promouvoir de tels systèmes alternatifs.

Mieux comprendre tous les mécanismes en jeu

Le premier objectif du projet était d’identifier et de quantifier les effets sur la flore adventice des techniques ou combinaisons de techniques innovantes permettant de réduire l’usage des herbicides, ainsi que leur robustesse dans différentes gammes pédoclimatiques et de flores adventices. Des essais au champ ont été menés pour cela.

Afin de mieux comprendre les mécanismes biophysiques régissant la dynamique des communautés adventices, des essais en conditions contrôlées ont également été menés. En effet, connaître les causes d’un effet induit par une innovation technique est essentiel pour savoir dans quelles conditions et avec quelle ampleur celle-ci va être efficace. Ces processus clefs sous-jacents relatifs à la compétition pour la lumière (croissance initiale, morphologie aérienne potentielle et réponse de cette morphologie à l’ombrage), pour l’azote (demande en azote et valorisation de l’azote au sein de la plante, architecture racinaire) et pour l’eau (réponse de la morphologie à la disponibilité en eau) ont été étudiés pour une large gamme d’espèces d’adventices, de cultures de rente et de services, en serre et en parcelles jardinées. Ces résultats permettent de connaître le fonctionnement des plantes dans des couverts hétérogènes cultures-adventices ou mélanges de cultures. Ils simplifient aussi la caractérisation de nouvelles espèces.



Gagner du temps grâce à la Modélisation

Dans le cadre de CoSAC, ces informations ont été intégrées dans le modèle de recherche FlorSys afin de l’améliorer. De nouvelles techniques culturales ont été ajoutées, comme le désherbage chimique localisé. Ce modèle mécaniste est utilisé comme champ expérimental virtuel et simule le développement, la croissance et la reproduction des cultures de rente, des couverts et des flores adventices au fil des années en fonction du système de culture et du pédoclimat (figures 1 et 2). Il évalue ensuite l’impact des adventices à la fois sur la production agricole (gain ou perte de rendement) et sur la biodiversité (offre trophique pour différentes guildes de pollinisateurs, réduction de la lixiviation de l’azote…).

Grâce aux simulations avec FlorSys, des traits des cultures qui réduisent la perte de rendement due aux adventices ont été identifiés. Par exemple, concernant la compétition pour la lumière, les cultures qui réduisent l‘épaisseur de leurs feuilles au profit de la surface d’interception de la lumière et, surtout, qui ont une plus grande largeur de plante pour une même biomasse (comme le maïs ou le colza) sont mieux en mesure de réguler les adventices.

Le modèle a également évalué l’intérêt de techniques innovantes telles que la détection automatisée d’adventices (par drone ou robot terrestre) couplée à des pulvérisations localisées d’herbicide. Les simulations de FlorSys ont par exemple montré qu’en monoculture de maïs, une pulvérisation localisée d’herbicides sur les seules taches d’adventices dans l’inter-rang combinée avec un traitement systématique sur le rang contrôle les adventices aussi bien qu’une pulvérisation sur le champ complet, tout en réduisant l’usage d’herbicides de 25 à 40 %.

FlorSys a servi de base pour développer des méthodes et outils utilisables pour le conseil et, notamment, un nouvel outil d’aide à la conception de systèmes de culture, DeciFlorSys (figure 2). Ce dernier est composé d’une grille indiquant les techniques culturales à modifier en priorité pour impacter la flore adventice, et d’arbres de décision par contexte de production permettant de répondre à la question « que faut-il faire pour atteindre l’objectif x ? ». Il inclut enfin un prédicteur ultrarapide calculant l’IFT herbicides utilisé ainsi que les services (tel que l’offre trophique pour abeilles) et les préjudices résultant des systèmes de culture proposés par l’utilisateur (tableau 1).


Des expérimentations aux champs évaluant l’effet des couverts et du travail du sol

Plusieurs séries d’essais au champ de plus ou moins longue durée ont également été menées chez les différents partenaires pour quantifier et analyser les effets de la diversification des couverts couplés à différents niveaux de travail du sol dans plusieurs contextes pédoclimatiques et floristiques. La synthèse de ces essais a mis en évidence plusieurs résultats majeurs. Ainsi, les couverts (d’interculture ou associés au colza) peuvent réduire le développement de la flore adventice présente en même temps qu’eux mais n’ont aucun effet dans les cultures suivantes. L’augmentation du nombre d’espèces composant le couvert ne permet pas de mieux concurrencer les adventices. Par ailleurs, sa destruction chimique (au glyphosate) réduit davantage l’infestation des adventices dans la culture suivante que le gel ou le roulage.

L’effet du type de travail du sol sur la flore est plus marqué que l’effet des couverts mais dépend de sa date de réalisation. Les essais d’Arvalis à Boigneville (91) démontrent que le labour est un élément important pour gérer la flore adventice, surtout les graminées annuelles, et qu’en l’absence de labour, le semis sans déplacer la terre (à ne pas confondre avec l’absence permanente de travail du sol) limite les levées d’adventices davantage qu’un semis après un travail superficiel. L’effet des couverts est plus visible en semis direct, ce qui en fait un pilier fort de la régulation biologique dans ces systèmes.

Toutefois, les couverts ne peuvent pas à eux seuls assurer une régulation complète des adventices et cela s’observe sur la culture suivante. Ils doivent donc être épaulés par d’autres pratiques à l’échelle de la rotation pour limiter l’utilisation d’intrants.

« La gestion agroécologique des adventices requiert de combiner et d’adapter de nombreuses techniques culturales en fonction de la situation de production, car il n’y a pas de solution unique. »

Conseillers et agriculteurs ont participé de la conception à l’expérimentation des systèmes innovants

Afin de faciliter la valorisation et le transfert des résultats, des conseillers et des agriculteurs ont été impliqués à toutes les étapes du développement des outils, et de la conception des systèmes innovants comme de leur évaluation, via des formations, des enquêtes et des ateliers participatifs.

De nouveaux systèmes ont été conçus à dire d’experts ainsi qu’en ateliers avec des agriculteurs. En parallèle, des enquêtes auprès d’agriculteurs ont identifié des freins à l’adoption de certaines innovations techniques, mais aussi les pratiques qui améliorent la gestion des adventices. Ainsi, certains agriculteurs mettent en œuvre des systèmes de culture où la réduction des herbicides est compensée par des pratiques alternatives. Les stratégies « gagnantes » sont très diverses, souvent basées sur la diversification de cultures à la fois dans le temps (nombreuses espèces dans la rotation, équilibre entre cultures de printemps et d’hiver, occasionnellement prairie temporaire) et dans l’espace (mélanges de cultures, plantes de service), combinées avec un travail du sol bien raisonné (faux-semis, labour occasionnel). Mais ces stratégies comprennent aussi des monocultures de maïs avec travail du sol simplifié et des applications fréquentes d’herbicides à dose réduite.

Des leviers mobilisables lors de la conception de systèmes de culture ont ainsi été identifiés et leur durabilité globale, évaluée avec l’outil SYSTERRE et le modèle DEXiPM de l’Inrae. Ce sont autant de clefs de choix données aux agriculteurs, non seulement techniques mais aussi économiques, sociales (organisation des chantiers, temps de travail…) et environnementales.

(1) Un nouveau projet vient de débuter, DeciFlorSys (dans le cadre de Plant2Pro) afin de mettre un place un site web pour la diffusion des outils développés par le projet CoSAC.

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