Évolution des rendements : quels seront les effets du climat sur le maïs ?
L’effet des projections climatiques du GIEC (encadré) sur le maïs grain a été étudié à partir de deux stations météo, Agen (47) et Cognac (16), en comparant les périodes 1980-2000 et 2040-2060.
Deux scénarios du réchauffement climatiqueLes experts du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ont défini quatre trajectoires d’émissions et de concentration de gaz à effet de serre, d’ozone, d’aérosols ainsi que d’occupation des sols nommées RCP (Profils représentatifs d'évolution de concentration). Les scénarios RCP représentent une évolution du bilan radiatif à l'horizon 2300, exprimés en W/m² (puissance par unité de surface). Plus cette valeur est élevée, plus le système terre-atmosphère gagne en énergie et se réchauffe. Le scénario RCP 4.5 aboutit à une stabilisation des émissions de gaz à effet de serre qui conduirait à une augmentation de la température moyenne de +1,1 à +2,6°C à l’horizon 2100. Le scénario RCP 8.5, plus pessimiste, prévoit une augmentation de la température de +2,6 à +4,6°C d’ici 2100.
Les températures et l’évapotranspiration potentielle (ETP) augmentent sous l’effet du changement climatique, tandis que la pluviométrie annuelle reste relativement stable. Cependant, l’évolution de la pluviométrie fluctue fortement selon les périodes de l’année : elle tend à augmenter en hiver et à diminuer en été. Sur la période estivale, la baisse de la pluviométrie combinée à une augmentation de l’ETP conduit à une augmentation du déficit hydrique (pluie - ETP) pour les cultures d’été.
Dans le cas du maïs, le déficit hydrique(1) atteint en moyenne 201 mm à Agen et 216 mm à Cognac à l’horizon 2040-2060 dans le scénario RCP 8.5 (encadré), contre 151 mm et 184 mm respectivement pour la période 1980-2000, soit 1 à 2 tours d’eau supplémentaires. Si elle n’est pas compensée par l’irrigation, cette augmentation du déficit hydrique provoque des baisses de rendement d’autant plus marquées pour les cultures de printemps, comme le maïs, dont les stades clés se positionnent pendant la période estivale.
Le changement climatique modifie aussi le cycle des cultures : dans le cas du maïs, le stade « maturité » est avancé de plus de trois semaines sur les deux territoires testés. Ce raccourcissement des cycles réduit le nombre de jours où la plante perçoit le rayonnement, avec comme conséquence, là encore, une diminution des rendements.
Une augmentation de l’ETP annuelle est constatée pour les deux secteurs d’Agen et de Cognac sur la période 2040-2060. On note une augmentation plus forte pour le profil RCP 8.5 (scénario pessimiste) que pour le profil RCP 4.5 (figure 1).
Élévation de l’ETP sur la période estivale
En considérant la période printanière, du 1er mars au 15 juin, l’ETP augmente de l’ordre de 30 à 40 mm sur la période 2040-2060, quel que soit le scénario climatique, pour les deux stations étudiées. En parallèle, la pluviométrie reste relativement stable avec le scénario de simulation climatique RCP 4.5, comme avec le profil RCP 8.5. La variation constatée est d’une quinzaine de millimètres au maximum.
Sur la période estivale, du 16 juin au 31 août, on observe une augmentation des sommes d’ETP à l’horizon 2040-2060, davantage marquée avec le scénario RCP 8.5 (+ 51 mm en moyenne en RCP 4.5 contre + 83 mm en RCP 8.5 sur la station d’Agen), notamment en raison d’une hausse des températures (+ 104 à 115°Cj respectivement pour Cognac et Agen en RCP 4.5). La pluviométrie évolue peu en scénario RCP 8.5 (-20 mm pour la station météo d’Agen, non visible pour celle de Cognac). Elle est stable, voire augmente légèrement, en scénario RCP 4.5 (+ 5 et + 15 mm).
Le cycle du maïs de précocité-type demi-tardive a été simulé sur les secteurs de l’étude (dates de semis fixées au 5 avril dans le Lot-et-Garonne et au 23 mars en région de Cognac). On observe un avancement des dates de floraison et du stade « maturité des grains » (humidité des grains à 32%). Pour les deux secteurs, la date de floraison moyenne simulée sur la période 2040-2060 se situe avant le 10 juillet, soit une avance d’environ 12 jours par rapport à la période 1980-2000. Le stade « maturité des grains » est avancé de 19 jours pour le scénario RCP 4.5 et de 22 jours pour le RCP 8.5 dans le secteur d’Agen (respectivement de 21 et de 25 jours pour Cognac).
Le choix de la précocité s’avère déterminant
À partir des bilans hydriques, les rendements du maïs ont été calculés en considérant plusieurs précocités variétales et niveaux d’irrigation(2), en se basant sur des fonctions de production (encadré). Les pertes de rendements estimées dans l’étude ont été comparées aux rendements moyens d’un maïs demi-tardif irrigué à 120 mm sur la période 1980-2000, pris comme donnée de référence pour chacun des deux secteurs. Ce volume d’irrigation, inférieur aux besoins médians, est représentatif de ces secteurs sous contraintes d’irrigation. Les pertes de rendement prennent en compte l’évolution du déficit hydrique mais n’intègrent pas le raccourcissement du cycle des maïs. Ainsi, à l’horizon 2040-2060, le maïs demi-tardif irrigué à 120 mm subit des baisses de rendement de 11 % (Cognac) à 14 % (Agen) dans le cas du scénario climatique le plus pessimiste (figure 2). Ce niveau de rendement reste supérieur à celui obtenu avec d’autres précocités de maïs testées en irrigation réduite ou en pluvial.
En passant à un maïs précoce irrigué à 50 mm en Lot-et-Garonne, ou en conservant un maïs demi-tardif irrigué à 65 mm en Charente, les niveaux de rendement sont, en toute logique, inférieurs à ceux du maïs de référence demi-tardif irrigué à 120 mm, quelle que soit la période climatique considérée. Toutefois, l’écart de rendement tend à se réduire entre 1980-2000 et 2040-2060 : dans l’hypothèse du scénario climatique RCP 8.5 à Agen, la baisse de rendement est de 6 % pour le maïs précoce irrigué à 50 mm contre 14 % pour le maïs demi-tardif ; ce qui montre l’intérêt de bien raisonner le choix de la précocité.
En maïs pluvial, le niveau de rendement est évidemment inférieur à celui de la référence irriguée et le choix de la précocité semble moins déterminant. Il y a peu d’écart entre un maïs très précoce et un maïs demi-précoce en conduite pluviale, sauf avec le scénario pessimiste où les différences sont plus marquées. Sur la période 1980-2000, le maïs pluvial du secteur d’Agen est en retrait d’environ 30 % par rapport à la référence demi-tardive à 120 mm d’irrigation ; les écarts se resserrent un peu en 2040-2060 (-20 % environ dans le meilleur des cas). En utilisant un maïs précoce, deux tours d’eau (50 mm) font gagner + 17 q/ha en moyenne, soit environ trois quintaux pour 10 mm. Sur le secteur charentais, en considérant le scénario climatique pessimiste, la baisse de rendement par rapport à la référence en sec atteint -43 % en moyenne pour le maïs demi-tardif en sec, -38 % pour le maïs demi-précoce en sec et -31 % pour le maïs précoce en sec. Le maïs demi-tardif en sec est celui qui accuse les pertes de rendement les plus importantes.
Ces simulations montrent qu’une irrigation de sauvegarde est pertinente tout en modifiant la précocité. Le maïs « pluvial » subit des pertes de rendement élevées mais montre toutefois un intérêt à être intégré dans l’assolement quand le contexte le nécessite. Adapter la conduite du maïs dans le cadre du changement climatique a d’autant plus de sens que conserver des cultures de printemps dans la rotation est important pour le maintien de rotations diversifiées.
(1) Déficit hydrique entre les stades « 10 feuilles » et « maturité du grain » pour un sol représentatif du secteur (réservoir utile à Agen de 150 mm et de 145 mm à Cognac).
(2) Les cas-types sont issus du projet CLIMASSOL dont l’objectif était de comparer des assolements co-construits avec des agriculteurs (voir l’article « Des assolements pour construire le futur » de ce même numéro).
À quoi sert une fonction de production ?Une fonction de production, aussi appelée fonction de réponse à l’eau, calcule la perte théorique de rendement selon le stress hydrique subi par la culture. L’indicateur agroclimatique « évapotranspiration réelle sur évapotranspiration maximale (ETR/ETM) » peut ainsi être traduit en pourcentage de perte de rendement. Ce type de fonctions est défini à partir d’expérimentations de terrain. Elles ont pour objectif de calculer un rendement annuel dans l’outil ASALEE (outil de comparaison des assolements).
0 commentaire
Réagissez !
Merci de vous connecter pour commenter cet article.