Qualité en colza & tournesol : les leçons de la récolte 2021

Impuretés, germination, sclérotes… La dernière récolte de colza et de tournesol s’est distinguée par une qualité inégale des lots de graines. Quels sont les impacts réels sur leur valorisation et comment les prévenir ?
Colza & tournesol : les facteurs de qualité à surveiller

La qualité des récoltes de colza et de tournesol est globalement stable d’une année à l’autre mais peut néanmoins être soumise à des variations ou des « accidents » selon le contexte climatique ou parasitaire de l’année.

En effet, la présence d’impuretés botaniques liées à des évolutions de la flore adventice, la présence de champignons, ou des phénomènes physiologiques comme la germination sur pied, peuvent dégrader cette qualité, avec des conséquences variables sur la commercialisation et sur la qualité des produits transformés (huile et tourteau).

La récolte 2021 a été très particulière de ce point de vue, car plusieurs incidents de qualité ont été signalés, même s’ils n’ont pas été majoritaires sur l’ensemble du territoire.

Un taux global d’impuretés botaniques à surveiller

La norme de commercialisation pour les oléagineux autorise actuellement un taux global d’impuretés de 2 % au plus dans les lots de graines. Le dépassement de ce seuil entraine des réfactions de la qualité des lots. Si ce taux global n’a pas évolué en 2021, des signalements de présence d’impuretés1 botaniques ont été plus fréquents, surtout concernant l’ambroisie.

Les impuretés botaniques (ici des graines de datura stramoine, toxiques) peuvent dégrader la qualité des lots de graines de colza et de tournesol.
La pression des adventices en cultures influe sur le taux d’impuretés botaniques détectées dans les graines récoltées. Certaines espèces adventices posent un problème particulier pour la qualité des récoltes de tournesol : le datura et l’ambroisie. Ces deux adventices sont classées comme espèces envahissantes nuisibles à la santé humaine. Il est assez fréquent de retrouver des graines de datura ou d’ambroisie dans les récoltes de tournesol - comme, d’ailleurs, dans la plupart des cultures de printemps (maïs, soja…).

Les seuils réglementaires s’appliquant aux graines oléagineuses pour ces impuretés botaniques sont ceux de la Directive UE 2022/32 : 1000 mg de graines de datura par kilo de matières premières pour l’alimentation animale, et 50 mg/kg pour les graines d’ambroisie. En alimentation humaine, il n’y a pas de réglementation pour ces impuretés botaniques s’appliquant aux graines oléagineuses ou aux produits dérivés.

Datura et ambroisie : leur gestion commence au champ

Dans le cas des graines de datura stramoine (Datura stramonium), le seuil réglementaire vise à protéger la santé des animaux, car cette plante contient des alcaloïdes tropaniques, toxiques pour tous les mammifères (atropine et scopolamine). Des discussions ont d’ailleurs lieu actuellement au sein de la Commission européenne afin d’abaisser la limite réglementaire du taux de graines de datura dans les matières premières de l’alimentation animale.

Pour les graines d’ambroisie, l’objectif visé par la mise en place d’une limite réglementaire dans les aliments pour animaux est différent car elles ne présentent pas de toxicité ; il s’agit de limiter la propagation de cette espèce invasive sur le territoire français et européen. En effet, l’ambroisie pose un problème de santé publique pour l’Homme car son pollen est très allergisant. Un rapport de l’Autorité européenne pour la sécurité des aliments (EFSA) en 2010 indiquait que les graines non traitées, en particulier les mélanges de graines pour oiseaux, sont souvent contaminées par des graines d’ambroisie et pouvaient donc être une source importante d’introduction de l’ambroisie dans de nouvelles régions, auparavant non infestées.

"Comme dans la plupart des cultures de printemps, il est assez fréquent de trouver des graines de datura ou d’ambroisie dans les récoltes de tournesol."

Aussi la limite réglementaire de 50 mg/kg dans les aliments pour animaux s’applique-t-elle uniquement dans le cas de graines non destinées à la transformation. Ainsi, dans le cas de graines de tournesol destinées à la trituration, pour la production d’huile et de tourteau, ce seuil réglementaire ne s’applique pas, à condition que des mesures de prévention aient été prises pour éviter la dissémination de l’ambroisie dans l’environnement au cours du transport vers l’usine de trituration, laquelle a été préalablement informée.

Sclerotinia sclerotiorum a fortement touché le tournesol et le colza au printemps 2021. Non toxiques, les sclérotes sont considérés comme des impuretés par la filière oléagineuse.
Les mesures à mettre en place pour limiter la présence de ces impuretés sont, bien sûr, tout d’abord la gestion au champ, par une lutte combinée : à l’échelle de la rotation, ainsi que par le nettoyage des machines agricoles et par le nettoyage des récoltes - pour le datura, avec un nettoyeur séparateur muni de grilles adaptées (par exemple, à trous ronds de 3,5 mm).

La présence des graines de datura semble mieux maîtrisée ces dernières années dans les cultures du tournesol, les variétés tolérantes aux herbicides y ayant contribué. En revanche, les remontées d’informations des acteurs économiques indiquent une augmentation des lots de tournesol contenant des graines d’ambroisie livrés en usine en 2021.

Quelle conséquence la germination des graines a-t-elle sur la qualité ?

Touchant les céréales, les pois protéagineux, les lentilles et le colza, le phénomène de germination sur pied se met en place lorsqu’une forte humidité permanente, due par exemple à des pluies répétées, entrave l’entrée en dormance des graines.

La germination des graines de colza dans les siliques avant la récolte est toutefois un phénomène peu fréquent en France ; les derniers signalements dataient de 2014 sur quelques territoires (Allier, Bourgogne, Champagne, Picardie). Toutefois l’été pluvieux de 2021 n’a pas épargné le colza, en particulier dans la région Est.

Le processus de germination des graines induit une activité métabolique de l’embryon qui modifie la composition de la graine. Les conséquences sur la qualité dépendent de l’ampleur du phénomène de germination, c’est-à-dire la part de grains qui germent, ainsi que du stade d’avancement de la germination. Si le phénomène est en phase de démarrage, avec une simple percée visible de la radicule, et de faible ampleur, l’impact est alors limité.

Bien qu’il soit difficile de définir a priori le niveau d’impact sur la qualité, les principaux risques concernent la teneur en huile des graines de colza, qui peut être partiellement « consommée » lors de la germination. Celle-ci dépend toutefois de la variété ainsi que de nombreux facteurs affectant la physiologie de la plante, principalement durant la période allant de la floraison à la maturation.

La qualité de l’huile peut également être altérée, car la germination favorise un processus d’acidification (augmentation du taux d’acidité oléique). En général, celui-ci est plutôt dû à des accidents de conservation, lorsque des graines trop humides sont stockées à des températures excessives. Une telle acidification peut aussi résulter de l’endommagement mécanique des graines (fissurées ou cassées).

L’humidité est le facteur clé à surveiller

Concernant la récolte 2021, les données issues de l’observatoire « Qualité des graines » ont montré une teneur en eau moyenne des graines de colza à la récolte 2021 de 7,9 %, soit un point au-dessus de la moyenne des cinq dernières années et la plus élevée depuis 2007. Par rapport aux années précédentes, ce taux élevé d’humidité a favorisé la germination des graines sur pied mais aussi au stockage pour les lots non séchés. Ainsi, le taux moyen de graines germées observé a varié de 0,3 % à 2,4 % selon les bassins, avec un maximum enregistré dans le bassin Est. Bien que ce phénomène de germination puisse avoir localement des effets néfastes, les données de l’observatoire indiquent que l’impact a été faible sur la qualité de la récolte 2021.

"Les sclérotes qui se forment dans les tissus des plantes peuvent se retrouver dans les graines récoltées."

Quelques précautions prises à la collecte limiteront l’impact de la germination sur la qualité des graines de colza. La ventilation des lots contenant des graines germées réduit l’humidité mais, surtout, le métabolisme de la graine ainsi que le développement de micro-organismes. Ces facteurs peuvent occasionner des échauffements et accélérer l’acidification de l’huile. Un séchage doit être envisagé pour les lots rentrés avec plus de 10-12 % d’humidité.

Le sclérotinia a été très présent sur tous les oléoprotéagineux

Le sclérotinia, dû au champignon Sclerotinia sclerotiorum, est une maladie commune à de nombreuses cultures oléoprotéagineuses : tournesol, colza, pois, féverole, lupin, lentille, pois chiche et soja. Elle provoque un dessèchement prématuré des tissus s’accompagnant de l’apparition de mycélium.

Des sclérotes se forment au sein des tissus, puis tombent au sol. Ces organes de reproduction peuvent se conserver jusqu’à dix ans dans le sol, contaminant ainsi les parcelles à moyen terme. Ils peuvent aussi se former dans les différents organes (tiges, capitule du tournesol) et se retrouver dans les graines récoltées. Ils doivent être distingués des sclérotes retrouvés sur certaines céréales à paille (blé, orge, avoine, seigle et graminées sauvages), dus à Claviceps purpurea ; l’ergot du seigle est en effet hautement toxique, ce qui n’est pas le cas des sclérotes issus de S.sclerotiorum.
Le printemps 2021, humide et doux, a été particulièrement favorable à l’apparition et au développement du sclérotinia sur l’ensemble des cultures oléoprotéagineuses, ce qui a posé des questions pour les débouchés : la présence de sclérotes est-elle dommageable pour la qualité alimentaire ? Des réfactions de qualité peuvent-elles s’appliquer ?

Les sclérotes ont un impact modéré sur la qualité

Favorisée par les étés pluvieux, la germination des graines de colza (sur pied ou au stockage) peut augmenter l’acidification de l’huile.

Il n’existe pas de seuil réglementaire pour la présence de sclérotes provenant de S. sclerotiorum dans les graines de tournesol, de colza ou des légumineuses à graines. En effet, ils ne contiennent pas de substances toxiques . Les sclérotes sont considérés comme des impuretés. Lors de l’analyse d’un échantillon, ils sont décomptés à la pince (analyse physique selon la norme NF EN ISO 658 ou méthode interne) et s’ajoutent aux autres impuretés. Un lot peut être refusé par l’acheteur selon son taux d’impuretés.

Lors de la trituration, les sclérotes peuvent gêner le passage des graines au niveau des aplatisseurs. Il est possible de contourner le problème en effectuant un pré-broyage avec un broyeur à cylindres, mais toutes les usines n’en sont pas équipées. Dans le cas d’une trituration avec décorticage, les sclérotes peuvent s’avérer difficiles à séparer des produits décortiqués et poser un problème de réduction de la teneur en protéines du tourteau.

Si les graines oléagineuses sont transformées à la ferme, une teneur élevée en sclérotes peut causer des problèmes au pressage, en élevant la température et en générant des goûts indésirables dans l’huile vierge.
Il est donc préférable de limiter le nombre de sclérotes en utilisant un nettoyeur-séparateur.

 

(1) La norme NFEN ISO 658 spécifie que les impuretés dans les graines oléagineuses sont les corps étrangers, organiques ou non, autres que les graines de l’espèce en question. Les graines germées ne sont donc pas considérées comme des impuretés.

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