Associations céréale-protéagineux : trouver le juste équilibre

Une synthèse nationale d’essais sur les associations de céréales à paille et de protéagineux vient d’être réalisée. Quel que soit l’objectif de production poursuivi, toutes les stratégies d’associations ont amélioré, en moyenne, la productivité globale ainsi que le taux de protéines des céréales par rapport aux cultures pures.
Toutes les stratégies d'associations améliorent, en moyenne dans les essais, la productivité globale

Associer des légumineuses aux céréales est un levier connu et répandu en agriculture biologique pour apporter de l’azote au système de culture, grâce à la capacité des légumineuses à fixer l’azote atmosphérique. Les objectifs de production d’une telle association sont divers : plus de protéines pour la céréale à paille1, ou une production sécurisée du protéagineux, ou un compromis des deux.

Selon ces objectifs, les densités de céréale et de protéagineux doivent être adaptées au semis. Ces différents objectifs sont-ils atteignables ? Comment les performances agronomiques de l’association dans sa globalité mais aussi de chaque espèce associée évoluent-elles par rapport à une espèce cultivée en pur ?

Huit combinaisons d’espèces testées, et trois objectifs de production

Les résultats présentés ci-après proviennent de l’analyse par Arvalis de neuf essais menés entre 2021 et 2023 sur différentes associations céréales-protéagineux conduites en bio. Leur but est d’acquérir des références locales en agriculture biologique et d’accompagner les agriculteurs sur les itinéraires techniques de ces cultures.

Il est notamment attendu de ces associations qu’elles améliorent la nutrition azotée des céréales mais leurs objectifs sont différents : produire principalement de la céréale avec un taux de protéines élevé (stratégie « Protéine »), produire un mélange équilibré de céréale et de légumineuse à graines (stratégie « Équilibre »), ou sécuriser la production du protéagineux (stratégie « Légumineuse »).

Les deux premières stratégies visent avant tout la complémentarité entre espèces de l’association pour l'acquisition des ressources minérales mais aussi hydrique et lumineuse (encadré). Dans la stratégie « Légumineuse », la céréale sert de tuteur au protéagineux et, grâce à sa croissance plus rapide, elle occupe l'espace au démarrage de la cultures associée, limitant ainsi le développement d'adventices ; enfin elle garantit une récolte en cas d'échec du protéagineux.

Complémentarité, facilitation ou compétition ?

De nombreuses interactions régissent le développement des espèces au sein d’une association céréale-protéagineux. La céréale a une croissance qui démarre généralement plus rapidement que celle du protéagineux. Elle est aussi plus compétitive pour absorber l’azote minéral du sol et « force » la légumineuse à fixer davantage l’azote de l’air que lorsque cette dernière est conduite en pur.

La légumineuse ne fournit pas d’azote à la céréale - la part provenant de la sénescence de ses feuilles ou d’exsudats racinaires est négligeable. Chaque espèce exploite une niche écologique différente pour l’azote. En effet, en valorisant principalement l’azote issu de la fixation atmosphérique, le protéagineux laisse le champ libre à la céréale pour exploiter l’azote minéral du sol. Comme le nombre de pieds de céréales au m² est plus faible en association qu’en culture pure, la céréale dispose donc de plus d’azote par pied.

Des phénomènes de « facilitation » régissent l’absorption des autres minéraux. Notamment, par ses exsudats racinaires, la légumineuse acidifie localement le sol, ce qui solubiliserait le phosphore du sol, au bénéfice de la céréale.

Concernant l’acquisition d’eau et l’accès à la lumière, il s’agit moins de compétition que de complémentarité des architectures racinaires et aériennes et des cycles de croissance des deux espèces. Cela permet à l’ensemble du couvert de mieux valoriser la disponibilité de ces ressources dans l’espace et dans le temps.

La stratégie « Protéines » a été évaluée principalement dans des essais Arvalis (carte ci-dessus). Les deux dernières stratégies ont été principalement évaluées sur la plateforme d’expérimentation en agriculture biologique XP’BIO 892.

Le choix des espèces dépend avant tout des débouchés locaux. La féverole est souvent présente dans les associations testées car elle est plébiscitée par les organismes stockeurs. La stratégie « Protéines » associe de la féverole au blé tendre d’hiver, du pois à l’orge d’hiver, et de la lentille à l’orge de printemps. La stratégie « Équilibre » associe le blé tendre d’hiver à la féverole ou au pois, le blé dur à de la féverole, et l’orge d’hiver ou de printemps au pois. La stratégie « Légumineuse » associe du blé tendre d’hiver à la féverole, du blé tendre d’hiver, de l’orge d’hiver ou du triticale au pois, de l’orge de printemps à la lentille (dont les périodes de semis coïncident bien), et du triticale au pois fourrager.

Les densités de semis des espèces en association, exprimées en pourcentage de la densité de semis préconisée en culture pure, ont été adaptées en fonction de ces différents objectifs de production : en moyenne 70 % de céréale-30 % de protéagineux dans la stratégie « Protéines », 55 %-45 % dans la stratégie « Équilibre », et 20 %-80 % dans la stratégie « Légumineuse ».

STRATÉGIE « PROTÉINES » : teneur en protéines et rendement en hausse

Dans la stratégie « Protéines », la céréale représente en moyenne 84 % de la récolte en poids de grains, ce qui satisfait l’objectif de produire majoritairement de la céréale.

Cette stratégie a conduit, en moyenne, sur l’ensemble des associations testées dans le cadre de cette stratégie, à l’augmentation conjointe de la productivité globale et de la teneur en protéines de la céréale, ce qui répond aux objectifs visés (figure 1). Le rendement total de l’association, qui n’est pas fertilisée, est ainsi en moyenne un peu supérieur à celui de la céréale non fertilisée (39,9 q/ha contre 36,6 q/ha) grâce au gain de productivité de la céréale.

STRATÉGIE « PROTÉINES » : l’objectif est atteint et la productivité, améliorée

STRATÉGIE « PROTÉINES » : l’objectif est atteint et la productivité, améliorée


Figure 1 : Rendement et taux de protéines des céréales et des légumineuses des associations de la stratégie « Protéines ».  Moyennes de 6 valeurs pour 3 associations distinctes : Blé tendre-Féverole (4 essais), Orge d’hiver-Pois (1 essai), Orge de printemps-Lentille (1 essai). 0N : culture non fertilisée ; 60 à 90 N : culture fertilisée avec l’équivalent de 60 à 90 kg d’azote. Les extrémités des bâtons indiquent les valeurs maximale et minimale des rendements observés. Les pourcentages dans les rectangles indiquent la répartition des espèces à la récolte en poids. 5 sites d’essais conduits en 2022 et 2023 dans les départements 24 et 32.

Le rendement de la céréale associée est inférieur de 3 q/ha en moyenne à celui de la céréale pure non fertilisée. Cependant, la céréale associée ne représente que 70 % de la surface semée et non 100 % ; si la céréale pure non fertilisée avait été semée sur la même surface que la céréale associée, en proportion, son rendement aurait été de 36,6 x 0,7 = 25,6 q/ha. La productivité de la céréale associée, de 32,6 q/ha, est donc nettement supérieure à celui de la céréale pure non fertilisée, et équivaut même à la productivité de la céréale pure fertilisée (et à quel prix !) : 46,4 x 0,7 = 32,5 q/ha.

Le taux de protéines des céréales en association augmente de 0,7 % en moyenne par rapport à la céréale en pure non fertilisée, et de 0,6 % par rapport à la céréale pure fertilisée. Cela peut sembler peu mais c’est nettement plus qu’en fertilisant, puisque l’apport d’azote à la céréale pure n’augmente que de 0,1 % en moyenne sa teneur en protéines.

De son côté, le rendement de la légumineuse en association est de 6,3 q/ha en moyenne pour 30 % de la surface semée, à comparer aux 19,6 x 0,30 = 5,9 q/ha qui seraient attendus en moyenne pour cette légumineuse en pur sur la même surface. Les protéagineux bénéficient donc eux aussi de l’association.

STRATÉGIE « ÉQUILIBRE » : une production sécurisée et en prime, un net gain de protéines

Les associations « Équilibre » ont bien répondu à l’objectif de production équilibrée entre céréale et légumineuse, au vu de la répartition moyenne des deux espèces dans le rendement total récolté : 52 % de légumineuse et 48 % de céréale.

Les performances agronomiques globales de l’association sont toujours meilleures que celles d’une culture en pur (figure 2), que ce soit de céréale ou de légumineuse. Ainsi, le rendement global de l’association (33,5 q/ha) est comparable au rendement de la céréale pure non fertilisée (32,4 q/ha) et est supérieur à celui de la culture pure de légumineuse (27,9 q/ha).

STRATÉGIE « ÉQUILIBRE » : un objectif atteint et beaucoup de protéines

STRATÉGIE « ÉQUILIBRE » : un objectif atteint et beaucoup de protéines


Figure 2 : Rendement et taux de protéines des céréales et des légumineuses des associations de la stratégie « Équilibre ». Moyennes de 9 valeurs pour 5 associations distinctes : Blé tendre-Féverole (3 essais), Blé tendre-Pois (3 essais), Blé dur-Féverole (1 essai), Orge d’hiver-Pois (1 essai), Orge de printemps-Pois (1 essai). 0N : culture non fertilisée. Les extrémités des bâtons indiquent les valeurs maximale et minimale des rendements observés. Les pourcentages dans les rectangles indiquent la répartition des espèces à la récolte en en poids. 5 sites d’essais conduits entre 2021 et 2023 dans les départements 24, 32, 85 et 89.

L’association « Équilibre » est cependant celle dont la céréale a le moins gagné en productivité, en moyenne, dans nos essais, comparé aux autres stratégies. Son rendement est, en effet, un peu en retrait par rapport à la céréale pure non fertilisée cultivée sur 55 % de la surface : 15,9 q/ha, contre 32,4 x 0,55 = 17,8 q/ha. Toutefois cette stratégie apporte un net gain du taux de protéines moyen de la céréale : +3,4 % en moyenne ! À noter que sur l’essai de Migennes (89) en 2023, la féverole a davantage concurrencé le blé tendre que le pois.

Côté légumineuse, la productivité du protéagineux en association (17,6 q/ha) est, en proportion, nettement supérieure aux 27,9 x 0,4 = 12,6 q/ha attendus pour un protéagineux cultivé en pur sur 45 % de la surface en moyenne.

STRATÉGIE « LÉGUMINEUSE » : les légumineuses profitent de la présence de la céréale

Dans le cadre la stratégie « Légumineuse », quatre protéagineux (pois, pois fourrager, féverole et lentille) ont été semés à 60 à 100 % de leur densité de semis normale (en pur) en association avec une céréale dont la densité de semis était de 6 à 40 % de sa densité normale. À la récolte, la céréale reste minoritaire et représente en moyenne 38 % en poids de grains.

Le rendement moyen des associations est globalement supérieur à celui de la légumineuse cultivée en pur non fertilisée de +7 q/ha en moyenne, et de +2,2 q/ha à celui de la céréale pure non fertilisée (figure 3).

STRATÉGIE « LÉGUMINEUSE » : une récolte sécurisée et une céréale enrichie en protéines

STRATÉGIE « LÉGUMINEUSE » : une récolte sécurisée et une céréale enrichie en protéines


Figure 3 : Rendement des céréales et des légumineuses et taux de protéines des céréales des associations de la stratégie « Légumineuse ». Moyennes de 6 valeurs pour 6 associations distinctes : Blé tendre-Féverole (1 essai), Blé tendre-Pois (1 essai), Orge d’hiver-Pois (1 essai), Orge de printemps-Lentille (1 essai), Triticale-Pois (1 essai), Triticale-Pois fourrager (1 essai). 0N : culture non fertilisée. Les extrémités des bâtons indiquent les valeurs maximale et minimale des rendements moyens observés. Les pourcentages dans les rectangles indiquent la répartition des espèces à la récolte en poids. 3 sites d’essais conduits en 2022 et 2023 dans les départements 04 et 89.

Si l’on s’intéresse à présent à chaque espèce de l’association, le rendement de la légumineuse en association, de 17,2 q/ha, dépasse légèrement le rendement attendu pour la légumineuse pure cultivée en moyenne sur 75 % de la surface (21 x 0,75 = 15,8 q/ha). Dans le même temps, le rendement de la céréale associée est nettement supérieur à la céréale pure non fertilisée : 10,8 q/ha contre 6,5 q/ha (25,8 x 0,25 lorsqu’elle couvre 25 % de la surface). De plus, l’association apporte, en moyenne, une importante augmentation du taux de protéines de la céréale de +3,7 %.

Les associations « Légumineuse » répondent ainsi à l’objectif de sécurisation et de maximisation du rendement en légumineuse puisque cette dernière représente 62 % en moyenne du mélange récolté. Mais le triage, très souvent exigé par les organismes collecteurs, peut représenter un frein à leur commercialisation.

(1) Un challenge que précise l’article « Fertilisation du blé en AB : faut-il fractionner les apports d’azote organique ? », PA n°475 (mars 2020).

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  • LE PP pour les pois avec un environnement en plus d'éolien et de mèthaniseur , toute l'année c'est open bar pour les corbeaux pigeons

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