Marché des grains : faire face au nouveau contexte mondial

Sur les marchés mondiaux, la concurrence est vive et aiguise la volatilité des prix des céréales comme des oléo-protéagineux. De quelles armes les filières disposent-t-elle pour rester dans la course ? Comment ajuster la production à la demande nationale et à l’export ? Le point complet en vidéo.
Culturales 2023

Quelles sont les besoins mondiaux en céréales ? Depuis cinq ans, le marché des céréales est tendu car l’offre est inférieure à la demande, mais aussi très volatile en raison du contexte mondial instable.

« La guerre en Ukraine, qui produit environ 30 % du blé mondial, aggrave la situation », souligne Anne-Laure Paumier, directrice du département des relations internationales chez Intercéréales, lors d’une conférence aux Culturales 2023, le 14 juin dernier.

« Les 7 millions de tonnes de blé ukrainien attendues en 2023 1 sortent en effet pour moitié par voie terrestre, et pour moitié par voie maritime. La volatilité du marché est donc toujours très forte. » Ndlr : Depuis, la Russie a suspendu sa participation au corridor maritime, en juillet 2023.

Contexte mondial : quelles opportunités pour nos filières ?

La France importatrice d'huiles

Côté huiles, la hausse des prix est aussi très forte et perdure. « La crise sanitaire (CoVid) puis par la guerre en Ukraine ont engendré une grande volatilité des prix et des tensions au sein du marché des huiles qui nous ont, un moment, pénalisé », reconnaît Françoise Labalette, responsable du pôle Économie et Filières chez Terres Univia. « L’Ukraine est en effet le premier fournisseur de tournesol de la France, et les opérateurs ont dû s’organiser autrement : ils importaient de l’huile, à présent ce sont surtout des graines, qui doivent être triturées. »

Mais la France s’adapte, et vise l’autonomie. « Il faut continuer à travailler notre souveraineté en huiles et protéines végétales », confirme Françoise Labalette. Les agriculteurs français semblent l’avoir entendue : ils produisent plus de tournesol depuis deux ans. « Les capacités françaises de trituration des oléagineux sont envisagées à la hausse, de même que la production de tourteaux » se réjouit Pierre Lethuillier, responsable filière à Coop-Ile-de-France Nord.

Une forte demande pour le blé de force

« La France doit aussi produire plus de blé améliorant et de force (BAF) pour répondre à la demande de protéines », ajoute Pierre Lethuillier. « C’est une production rentable, notamment grâce aux primes qui ont doublé en deux ans. » Par rapport au blé tendre, en effet, les charges du BAF (notamment de fertilisation) sont un peu plus élevées et le rendement est un peu moins élevé, mais la marge est supérieure. « La recherche d’autonomie et de souveraineté doit s’appliquer aux productions végétales, mais aussi aux intrants », pointe Stéphane Jézéquel, directeur scientifique d’Arvalis.

Les grains comme outil de géostratégie

En matière d’exportations agricoles, la concurrence est rude et le contexte international agité. « Les échanges agricoles ont toujours été une arme dans les politiques étrangères – par exemple, avec la fermeture du marché indien au pois français », rappelle François Labalette. « Il faut s’attendre à une concurrence accrue du blé russe sur la durée », indique Pierre Lethuillier, « car le pays est très grand, et avec le changement climatique, ses surfaces agricoles augmentent vers le nord, bien que le sud soit plus exposé à de graves sécheresses ». La production russe est ainsi sujette aux aléas, mais son blé est plus protéiné et pas cher. Et en 2023, la production de blé tendre russe devrait dépasser de 40 Mt.

De leur côté, les Américains ont des contraintes de production légères. « Ils peuvent cultiver des plantes OGM, n’ont pour ainsi dire pas de contraintes réglementaires ni de soucis d’approvisionnement en intrants, et ils ont du carburant en abondance » , souligne Stéphane Jézéquel. « La France ne doit pas pour autant renoncer à son modèle d’agriculture ! Alors il faut produire autant (sinon plus) mais autrement, notamment avec moins d’intrants. »

La réponse des instituts techniques est de territorialiser davantage les conseils techniques : de trouver des systèmes de culture multi-performants dans une situation locale donnée. « Pour tout cela, il faut du temps, plus d’accompagnement et de formation, mais aussi plus d’aide de l’État, car les solutions à mettre en œuvre sont vraiment complexes. » Le hic, c'est que ni les Russes ni les Américains ne semblent avoir de telles visions.

(1) Estimations de mars 2023.

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