OléoInnov : des tourteaux de colza au service de la chimie « verte »
Les tourteaux d’oléagineux, de colza et tournesol notamment, constituent une ressource abondante et bon marché (200 à 300 €/tonne) pour développer des procédés de bioraffinerie. Si les tourteaux de colza sont essentiellement utilisés pour l’alimentation animale ou la production d’énergie, des alternatives ont émergé depuis deux décennies. Les tourteaux oléagineux sont en effet riches en protéines, en polysaccharides, en vitamines et en minéraux. Cette composition biochimique, ainsi que leur structure physique, en font des substrats de choix pour la culture des champignons filamenteux.
En particulier, les champignons dits de la pourriture blanche, qui dégradent les bois morts, possèdent un large éventail de catalyseurs leur permettant de modifier, transformer et décomposer les polysaccharides et les lignines de la biomasse végétale (figure 1). Ils peuvent également transformer les composés phénoliques, dont les tourteaux sont riches, en molécules plateforme - des briques élémentaires à partir desquelles il est possible de synthétiser, par recombinaison chimique ou biotechnologique, d’autres molécules plus complexes. La capacité de ces champignons à réaliser la transformation des composants des tourteaux a ainsi fait l’objet d’un intérêt croissant pour développer des procédés biotechnologiques performants dans un contexte de développement durable.
OléoInnov, producteur de solutions pour la chimie verte
En 2012, Terres Inovia et Terres Univia ont proposé au laboratoire de Biodiversité et Biotechnologie Fongiques (BBF) de Marseille (UMR 1163 Inra- Université Aix-Marseille) une collaboration sous la forme de projets de recherche appelés Oléochampi. Cette collaboration avait pour finalité de développer des procédés durables permettant la production de molécules à haute valeur ajoutée à partir de tourteaux de colza. Après six années de recherche, deux procédés de bioconversion innovants ont été développés et protégés. Le premier procédé produit un biocatalyseur, et le deuxième, des molécules antioxydantes biosourcées.
À la suite de ces projets, les partenaires ont décidé, d’un commun accord, de fonder une start-up appelée OléoInnov, dont l’activité serait basée sur les résultats obtenus lors des projets Oléochampi.
La société OléoInnov a été créée en janvier 2019 par les différents acteurs ayant participé aux contrats de recherche. Afin d’être épaulée dans le démarrage et le développement de son activité, OléoInnov est accompagnée par l’incubateur(1) inter-universitaire Impulse (Marseille) depuis juillet 2018, et adhère au pôle Terralia depuis mai 2019.
La start-up a pour mission d’améliorer la valeur ajoutée des coproduits des filières agricoles par voie biotechnologique en produisant des molécules hautement valorisables, tout en répondant aux enjeux de l’économie circulaire au sein des filières. Société de biotechnologie, OléoInnov participe activement au remplacement de solutions nocives pour l’environnement et pour la santé des utilisateurs par d’autres, plus écologiques, pouvant s’intégrer dans les programmes de développement durable décidés lors de la COP21(2). D’autre part, elle utilise le potentiel élevé et innovant des champignons pour produire des molécules biosourcées potentiellement utilisables dans des domaines à forte valeur ajoutée comme la santé, mais qui sont actuellement absentes des marchés en raison de la difficulté à les produire par synthèse chimique.
"L’avenir des oléoprotéagineux est peut-être dans la chimie verte."
Chimie « verte », chimie biosourcée - quelle différence ?
Warner, dans les années quatre-vingt-dix, la chimie « verte » cherche à concevoir des produits et des procédés chimiques qui réduisent, voire éliminent, l’utilisation et la synthèse de substances dangereuses. Souvent assimilée à la chimie verte, la chimie du végétal produit des molécules chimiques, communément appelées molécules biosourcées, à partir de ressources végétales : céréales, chanvre, oléagineux, bois… Par nature, ces molécules répondent à la plupart des objectifs fondamentaux de la chimie verte : biodégradabilité, moindre toxicité des produits, usage de catalyseurs et utilisation de ressources renouvelables.
Un biocatalyseur utilisé pour le blanchiment et la dépollution
À l’heure actuelle, l’activité d’OléoInnov repose sur deux produits qui se positionnent sur des marchés à forte croissance : un biocatalyseur et des molécules antioxydantes biosourcées. Le biocatalyseur a de nombreux domaines d’applications biotechnologiques : en pharmacie et cosmétique, dans l’agroalimentaire, et en environnement.
Dans un premier temps, le développement de solutions pour le blanchiment des toiles de jeans et la bioremédiation d’effluents colorés est envisagé (figure 2). Une gamme de solutions contenant le biocatalyseur est déjà en cours de formulation. Les premiers essais de blanchiment de jeans sont très prometteurs. Ces solutions permettent notamment de limiter l’utilisation des produits chimiques chlorés. En outre, le biocatalyseur peut être utilisé pour décolorer les effluents industriels et les rendre plus faciles à traiter.
De plus, l’utilisation de ces solutions réduit également la consommation d’eau et d’énergie par rapport aux procédés actuels. Enfin, le biocatalyseur présente une efficacité élevée permettant de réduire les quantités de produits utilisées.
Des applications en cosmétique et en santé humaine
OléoInnov souhaite également commercialiser des molécules biosourcées présentant des propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires et anti-cancérigènes scientifiquement reconnues. Ces composés possèdent des activités antioxydantes comparables à la vitamine E et supérieures à celles d’autres antioxydants naturels connus comme la vitamine C ou le ß-carotène. Ils ont donc toutes les qualités pour être utilisés dans les crèmes et lotions cosmétiques, dans les compléments alimentaires et dans les médicaments. Par rapport à d’autres antioxydants naturels, ces molécules présentent l’avantage d’être lipophiles (elles se lient aux lipides) : cette propriété leur confère une meilleure affinité pour les membranes cellulaires par rapport aux molécules hydrophiles comme la vitamine C.
Étant produites par des procédés basés sur la valorisation de ressources agricoles abondantes, leur approvisionnement est donc durable. De plus, ces molécules sont actuellement absentes du marché, malgré leur potentiel important, car il n’existe aucun procédé permettant de les produire à des coûts acceptables.
Outre la commercialisation de ces produits, OléoInnov souhaite poursuivre ses recherches pour développer de nouveaux procédés de bioconversion à partir de ressources agricoles, et ainsi élargir ses marchés dans les cinq prochaines années. Ce travail de R&D sera en partie effectué en collaboration avec le laboratoire BBF qui héberge le Centre international de ressources microbiennes - Champignons filamenteux, unique en France. Ainsi l’équipe d’OléoInnov aura accès à sa plateforme technique, à sa collection de souche fongique et à son expertise dans l’étude des champignons filamenteux et/ou de leurs enzymes comme source d’innovations pour valoriser la biomasse vers la chimie et l’énergie.
(1) Un incubateur de start-up est une structure mixte université/ recherche qui apporte un soutien aux projets innovants valorisant la recherche publique. Il propose un accompagnement personnalisé et, durant deux ans, un financement spécifique « au risque » (avance remboursable en cas de succès).
(2) La COP21 est le programme de développement durable à l’horizon 2030 développé par les Nations-Unies. Les programmes COP sont mis à jour tous les trois ans environ.
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