Jeunes bovins engraissés au maïs fourrage : une meilleure croissance avec des grains bien éclatés !
Un bon éclatement des grains du maïs fourrage est un prérequis essentiel à la bonne valorisation de la ration par les bovins, et ce d’autant plus que le stade de récolte du maïs est tardif et que sa durée de conservation est courte. Le jour du chantier, le test de la bassine(1) aide à vérifier visuellement le niveau d’éclatement du grain, afin de réajuster éventuellement les réglages de l’ensileuse. Après le chantier, la mesure du CSPS en laboratoire (encadré) quantifiera précisément ce niveau d’éclatement.
Les équipements de récolte ont récemment évolué et offrent de nouvelles possibilités. La technique de récolte de l’ensilage dit « brins longs » vise à obtenir une coupe longue des brins de maïs et un éclatement intense des grains grâce à une configuration spécifique des éclateurs (rainurage en croix) et un différentiel de vitesse élevé (40 à 50 %). Née aux États-Unis en 2008 puis apparue en France en 2015 sous le nom de shredlage, cette technique est aussi développée par d’autres constructeurs d’ensileuses avec des éclateurs de configuration proche (DuraShredder, XCut). L’ensilage « brins longs », déjà étudié en production laitière dans une douzaine d’essais indépendants en France et à l’étranger, n’a pas démontré d’intérêt zootechnique par rapport à une récolte classique. En revanche, peu de références sont disponibles sur les bovins à l’engraissement.
Afin d’évaluer distinctement les effets de l’éclatement du grain et de la taille des particules sur la conservation et la valorisation du maïs fourrage par les jeunes bovins, deux essais ont été mis en place sur la ferme expérimentale d’Arvalis à Saint Hilaire-en-Woëvre (55) en 2019-20 et 2020-21 dans le cadre du projet ECLAT’MAÏS(2).
Chaque année, le maïs fourrage a été récolté en bandes alternées selon trois modalités : éclatement faible, brins courts, éclateur classique (E-) ; éclatement élevé, brins courts, éclateur classique (E+) ; et éclatement élevé, brins longs, éclateur rainuré en croix (SCH). Les réglages de la longueur de coupe et de l’écartement entre éclateurs ont été ajustés pour chacune des modalités. Grâce à ce dispositif de récolte, les maïs obtenus étaient de composition chimique proche, de façon à comparer uniquement l’effet des modes de récolte. Les maïs fourrages ont été récoltés à une teneur en matière sèche élevée (grain denté, 34,9 % MS en 2019 ; grain corné : 37,2 % MS en 2020) pour des teneurs en amidon moyennes de 27 % en 2019 et 22 % en 2020.
Chaque année, trois lots de seize jeunes bovins de race Charolaise ont reçu une ration complète mélangée, distribuée une fois par jour, avec contrôle quotidien de l’ingestion par lot. Seule la paille était à disposition en libre-service, sur un quai à l’arrière de chaque case. Le maïs a été incorporé à plus de 50 % dans la ration en matière sèche, et complété par de l’orge et du tourteau de colza. La part de maïs élevée dans la ration et le stade de récolte tardif avaient pour but d’extrémiser les enjeux liés à l’éclatement du grain. Les rations bâties étaient identiques concernant la densité énergétique et protéique pour chaque lot de bovins. Elles ont été bâties selon les critères objectifs de respect d’équilibre chimique (teneurs en amidon et en fibres NDF/cellulose brute).
Du tri à l’auge avec le maïs brins longs
Le niveau d’éclatement du grain du maïs fourrage, mesuré après récolte par la méthode du CSPS, était conforme aux objectifs de l’essai pour les trois modalités, à savoir en moyenne de 49 % pour la modalité à éclatement faible (E-) et de 68 % pour les deux modalités à éclatement élevé, E+ et SCH. Concernant la taille des particules, les tamisages ont montré que la technique de récolte « brins longs » entrainait une augmentation des particules grossières (plus de 19 mm) au détriment des particules de taille intermédiaire (8-19 mm). À niveau d’éclatement identique, la seule différence de répartition des particules concerne donc les grosses fractions (plus de 8 mm).
Les profils fermentaires des trois modalités de maïs fourrage ont été évalués par des analyses de conservation en laboratoire. Aucune différence significative attribuable à la technique de récolte n’a été observée sur les différents paramètres étudiés : pH, acides lactique, propionique et butyrique, alcools, ammoniac.
Le tamisage des rations distribuées et des surplus a mis en évidence un tri significatif de la ration avec brins longs (SCH) la seconde année d’essai, alors qu’il n’était pas significatif en 2019-20. Ce constat a été confirmé visuellement par les techniciens, qui ont constaté que les grosses particules étaient davantage refusées par les animaux, en particulier en début d’engraissement (figure 1). Sur la phase de transition alimentaire (un mois), la croissance a d’ailleurs été significativement inférieure : -200 g/j de gain de poids moyen pour le lot « brins longs » (SCH) par rapport au lot « brin courts » (E+) alors que le niveau d’ingestion a été proche entre ces deux lots.
Brins courts et grains éclatés signent les meilleures performances
L’effet du niveau d’éclatement du grain sur la croissance des animaux a été plus marqué la première année d’essai, en raison de la plus forte proportion de grains dans le maïs. En 2020-21, le gain de poids moyen quotidien (GMQ) des jeunes bovins du lot E+ (niveau élevé d’éclatement) a été, en tendance, supérieur de 170 g/j par rapport à ceux du lot E- (niveau faible). Sur les deux années d’essai, l’écart de croissance entre les deux modalités est en moyenne de 135 g/j, soit une réduction de la durée d’engraissement d’environ deux semaines.
L’ingestion du lot E+ a été en moyenne supérieure de 400 g MS/j à celle du lot E- sur la période expérimentale, soit un apport supplémentaire de 0,3 unités fourragères viande(3) par jour (UFV/j). Les dosages d’amidon fécal réalisés au cours des essais (de 68 à 215 jours après la récolte du maïs) ont révélé un faible gaspillage d’amidon, avec en moyenne 2,8 % (sur la matière fécale sèche) perdus pour le lot E- contre 1,8 % pour le lot E+. La qualité de l’éclatement du grain est importante pour bien valoriser l’amidon, notamment en cas d’ouverture précoce des silos et de maïs récoltés à des stades tardifs. Dans les deux essais, malgré les niveaux d’éclatement insuffisants du maïs E-, aucun grain n’était intact, ce qui a nécessairement favorisé l’évolution de l’amidon en fermentation et sa valorisation, d’où les faibles teneurs en amidon fécal.
L’apport de brins longs par le maïs fourrage SCH n’a pas eu d’effet bénéfique sur la croissance des jeunes bovins. La croissance du lot SCH en début d’engraissement a été significativement pénalisée de plus de 200 g/j, et le gain de poids moyen quotidien du lot SCH au cours de la période expérimentale a été inférieur de 85 g/j par rapport à celui du lot E+ (bien que l’écart ne soit pas significatif). L’ingestion a été inférieure de 500 g MS/j pour le lot SCH par rapport au lot E+, soit un écart d’environ 0,5 UFV/j. La consommation de paille volontairement ingérée par le lot SCH a été équivalente à celle des autres lots. Finalement, la durée d’engraissement du lot SCH a été allongée de près deux semaines par rapport au lot E+ (tableau 2).
Malgré le recoupement des fibres dans le sens de la longueur et une potentielle augmentation de leur surface d’attaque, la valorisation des fibres n’a pas été améliorée par cette technique de récolte. Ces résultats sont concordants avec ceux obtenus par Agroscope en 2019 sur des taurillons croisés.
On notera que ni l’éclatement des grains, ni la longueur de coupe du maïs fourrage n’ont eu d’effet significatif sur les performances d’abattage, autrement dit sur la conformation, l’état d’engraissement et le rendement carcasse.
(1) Regardez comment procéder simplement à ce test grâce à la vidéo ARVALIS-TV sur YouTube : http://arvalis.info/292
(2) ECLAT’MAÏS est un projet FranceAgriMer piloté par Arvalis en partenariat avec le laboratoire GERM-Services, INRAE, l’Institut de l’élevage et la ferme expérimentale des Trinottières.
(3) Quantité d'énergie nette pour les ruminants à l'engraissement ou à la croissance rapide (GMQ supérieur à 1000 g/j) ; 1 UFV = 1820 kcal.
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