Lorsqu’arrive l’heure de la transmission, avoir un bail cessible - si l’on n’est pas propriétaire des terres qu’on exploite et si la reprise n’est pas familiale - est un atout.
Inspiré du bail commercial et introduit dans la loi en 2006, le bail cessible séduit de plus en plus, surtout en zone de grandes cultures. Bien qu’imparfait, il possède plusieurs atouts qu’aucun autre type de bail rural ne possède, tant pour le propriétaire/bailleur que pour le locataire/preneur. « Comme son nom l’indique, le bail cessible peut être cédé à un tiers, quand tous les autres baux ne peuvent l’être qu’à un descendant », indique Me Christophe Gourgues, notaire à Saint-Pierre-du-Mont (40) et fondateur du réseau Ruranot. Lorsque cette cession à un tiers se produit, le propriétaire doit seulement être prévenu de l’identité du nouveau locataire par lettre recommandée. S’il s’y oppose, son motif doit être motivé et légitime. « À l’issue du bail, le propriétaire peut aussi refuser le renouvellement du bail, 18 mois à l’avance, sans motif, mais il devra indemniser son locataire en fonction des conséquences financières que cette décision implique pour le preneur. »
Cette indemnité dite « d’éviction » est à déterminer à l’amiable, par les parties. L’instauration d’une méthode d’évaluation de cette indemnité est la principale doléance formulée par les praticiens du droit, à l’instar de la Section nationale des Fermiers et Métayers de la FNSEA. Elle limiterait les incertitudes et les litiges. « L’indemnité d’éviction peut faire peur au propriétaire », précise Richard Gallot, responsable du pôle juridique AS Entreprises - FDSEA Conseil de la Marne.
Pour le reste, le bail cessible possède toutes les particularités d’un bail classique : c’est un bail à long terme d’au moins dix-huit ans, qui se renouvellera pour une période de neuf ans et doit être signé devant un notaire. Le bail cessible est un acte authentique.
Un fermage majoré
Son principal atout : avec un bail cessible, le propriétaire peut demander un droit d’entrée au locataire, une pratique parfois courante à l’occasion d’une cession mais strictement interdite par le code rural, via son article L411-74. Le bail cessible est le seul bail qui n’est pas soumis à cette interdiction (encadré).
La même fiscalité qu’un bail à long terme
Les terres louées par bail cessible bénéficient de la même fiscalité que celle des baux à long terme lorsqu’elles font l’objet d’une donation ou d’une succession.
Les droits de mutation sont partiellement exonérés de taxation à concurrence des trois quarts de la valeur des biens transmis, jusqu’à 300 000 € ou 500 000 € selon l’engagement de durée de conservation pris par les héritiers/donataires. Au-delà, l’exonération porte sur la moitié de la valeur.
Le bail cessible permet également à un bailleur soumis à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) de bénéficier d’une exonération partielle correspondant à 75 % de la valeur du bien jusqu’à 101 897 € et 50 % au-delà. C’est le cas pour tout bail à long terme.
Autre spécificité : le montant du fermage. Alors que le montant d’un bail à long terme classique est plafonné, le bail cessible bénéficie d’une majoration de 50 % : le locataire paiera son loyer plus cher. Un point qui doit faire l’objet d’une discussion entre les deux parties. « Il faut que l’exploitant ait la possibilité de supporter ce surcoût et puisse verser une indemnité d’entrée dans les lieux », averti Me Gourgues. Ce surcoût n’est pas infondé : pour un propriétaire en quête de rentabilité et qui ne se soucie pas de l’identité de son locataire, c’est une belle opportunité. Pour le locataire, le bail cessible constitue un élément de stabilité économique important pour son exploitation : il permet d’exploiter le foncier sur lequel repose son activité sur un temps long et d’investir. Grâce à son indemnité de sortie, il est beaucoup plus sécurisant que d’autres baux comme le bail de 25 ans avec long préavis, qui fait planer un risque important sur le devenir de tout l’outil de travail.
Lorsqu’arrive l’heure de la transmission, avoir un bail cessible - si l’on n’est pas propriétaire des terres qu’on exploite et si la reprise envisagée n’est pas familiale - est un atout. L’agriculteur peut valoriser la cession de son entreprise.
« Que vaut une entreprise si elle exploite des terres dont elle n’est pas propriétaire ? Pas grand-chose », rappelle Richard Gallot. « La valeur de l’entreprise agricole se résume alors à la valeur du matériel et le fermier dépend du bon vouloir du propriétaire ». Le bail cessible permet de corriger cette anomalie. Par contre, attention : pas de défaut de paiement. Un seul oubli peut justifier la résiliation du bail.
Et si le bien loué venait à être vendu, le fermier conserve un droit de préemption mais ne peut réviser le prix de vente. Il devra acheter au prix notifié par le propriétaire. Enfin, si le bail cessible a plus de trois ans, la SAFER ne peut exercer de droit de préemption.
Se prémunir d’une demande de restitution
Le versement des « pas de portes », ou autre « droit d’entrée » payés à l’occasion de la signature d’un bail à long terme est sanctionné par l’article 411-74 du Code rural, qui prévoit une restitution par le propriétaire assortie d’intérêts de retard. Cet article s’applique si la valeur de la cession dépasse de plus 10 % de la valeur réelle des biens cédés.
Les professionnels alertent sur les conséquences économiques importantes que cela fait planer sur soi ou – et c’est presque plus grave – sur ses descendants : « La demande de remboursement est possible sur toute la durée du bail, ce qui signifie que les descendants d’un propriétaire restent exposés à cette sanction s’ils bénéficient d’un bail transmis par leurs parents. Pire, ce couperet est assorti d’intérêts de retard. La demande de remboursement intervient souvent lorsque le propriétaire refuse le renouvellement du bail ou en cas de difficultés économiques du fermier, sur pression des créanciers », indique Richard Gallot. « Ce risque n’est pas (plus) théorique et constitue une véritable épée de Damoclès pour les propriétaires. Il convient donc de s’en prémunir ». Lorsque le versement d’un droit d’entrée se justifie, le bail cessible constitue le seul moyen légal de le prévoir.
0 commentaire
Réagissez !
Merci de vous connecter pour commenter cet article.