Cultures en relay cropping : le sorgho est un bon candidat
Expérimentée depuis 2016 en France par Arvalis, la technique du relay cropping permet d’explorer des perspectives de successions culturales inédites. L’objectif est d’effectuer une double récolte par an en semant une culture de printemps directement dans une culture d’hiver déjà implantée. Lorsque cette dernière est récoltée, elle laisse place à la deuxième culture qui aura déjà débuté son cycle.
L’enjeu est d’optimiser la rotation, de simplifier l’interculture et de réduire les charges de l’exploitation. Différents travaux ont démontré la faisabilité de la technique et en ont identifié les difficultés ainsi que des leviers pour les contourner ; ils ont aussi produit des références agronomiques sur cette technique(1).
Plusieurs successions de cultures ont été testées dans ces essais menés au Magneraud entre 2017 et 2020 : orge ou féverole en culture d’hiver et maïs, soja sorgho ou tournesol en culture-relai. Les caractéristiques du sorgho lui ont permis de bien s’adapter à la cohabitation avec l’orge d’hiver.
En culture-relai, le sorgho voit son offre climatique accrue
Sur le site du Magneraud, cette culture d’été a été introduite en 2018, et conduite en relay cropping (semis le 9 mai sous une orge d’hiver), en dérobée (semis le 29 juin après une orge d’hiver) ou de façon classique (semis le 9 mai après une interculture classique). Ses performances ont été comparées à chaque fois à celles de la conduite classique.
Le sorgho s’est comporté d’une manière satisfaisante en relay cropping, se développant lentement sous l’orge, mais avec une bonne capacité de rattrapage après la récolte de la céréale d’hiver. En comparaison, le sorgho cultivé en dérobée pour une valorisation en grain a été récolté tard et était trop humide, malgré des périodes estivale et automnale plus chaudes que la normale cette année-là.
Cette technique ouvre donc la voie à la culture de sorgho grain en deuxième récolte grâce à cette phase de cohabitation qui permet de précocifier son cycle. Cet exemple illustre bien l’augmentation de l’offre climatique des cultures d’étés dérobées permise par le relay cropping(1).
Le soja, également candidat en culture-relai, est quant à lui cultivable dans ce contexte pédoclimatique en dérobée stricte. Dans ces essais, il obtient un meilleur niveau de performance technico-économique en dérobée qu’en relay cropping.
Avec une orge d’hiver, la perte de densité de semis est en grande partie compensée
La synthèse de ces essais confirme les résultats déjà acquis sur orge d’hiver : même en semant à 125 gr/m² afin de laisser de l’espace pour le semis de la culture-relai, au lieu de 250 gr/m², la faculté de tallage de l’orge d’hiver compense la moindre densité de semis, notamment grâce au nombre d’épis. Finalement, le rendement de l’orge en relay cropping atteint en moyenne 88 % du rendement de l’orge témoin (figure 1).
En plus de sa plasticité, l’orge d’hiver présente l’avantage d’être précoce à maturité. Se récoltant tôt, elle laisse donc plus vite le champ libre à la culture-relai : dès le début de l’été, période où chaque jour compte car l’ensoleillement est alors quasiment à son maximum mais commence à diminuer.
À l’inverse, les essais de relay cropping avec une féverole d’hiver n’ont pas été fructueux : la culture s’est révélée trop étouffante pour les cultures de printemps en début de cycle, car elle n’a pas pu être récoltée avant la deuxième quinzaine de juillet. L’impact sur la biomasse du sorgho, et in fine sur son rendement, a été trop important.
Des résultats plus hasardeux en situations pluvialesDes suivis de parcelles d’agriculteurs dans le Gers, en conduite pluviale, ont eu des résultats plus contrastés. En effet, la culture-relai, en plus d’être en concurrence avec la culture d’hiver pour la lumière, est aussi en concurrence pour l’eau du sol. Sans possibilité d’irrigation pour pallier un stress hydrique précoce, le relay cropping se révèle plus hasardeux et très dépendant des conditions climatiques du printemps. Dans ce cas, les stratégies en double culture ont été plus satisfaisantes car elles permettent de saisir l’opportunité d’une seconde culture seulement si les conditions climatiques sont réunies, ce qui réduit ainsi le risque d’échec. Ces observations incitent à privilégier la double culture en situation pluviale lorsque l’offre en précipitation printanières est habituellement insuffisante.
La capacité de rattrapage du sorgho est un atout
Le sorgho en relay cropping a été comparé dans ces essais à un sorgho témoin semé à la même date au semoir monograine sur un sol nu préparé. La culture-relai étant implantée avec un semoir léger sans reprise au printemps - autrement dit, il n’y a eu aucun travail du sol depuis l’implantation de l’orge -, sa densité à la levée est environ 20 % plus faible que pour le sorgho témoin.
Toutefois, la réussite de cette culture est moins dépendante de son peuplement initial que le maïs ou le soja. Aussi, les divers dégâts liés à l’itinéraire (perte à l’implantation, dégâts de macrofaune, limaces…) ont moins de conséquences. En revanche, le début de cycle sous la culture d’hiver a un impact fort sur son potentiel : le rendement du sorgho sous orge a atteint 60 % du rendement du témoin les deux années où il a été testé.
De plus, dans les conditions pédoclimatiques des essais, l’irrigation était incontournable en relay cropping (encadré). Une irrigation de « survie » a, en effet, été nécessaire fin mai/début juin pour les cultures de printemps car l’orge, bien développée, a fortement amenuisé le réservoir utile du sol.
L’étude technico-économique révèle qu’à ce niveau de performance, en comptant la perte de potentiel de l’orge d’hiver et le coût de l’irrigation, la succession de cultures n’a qu’un niveau de rentabilité équivalent à une orge seule dans les contextes étudiés, malgré des baisses de charges.
Ces essais ont néanmoins démontré la faisabilité de cette conduite et chiffré les performances du système. On note ainsi des gains de production globale à l’hectare, ainsi que des avantages environnementaux (couverture du sol en été, baisse des émissions de gaz à effet de serre).
De plus, le sorgho, cultivé ici pour son grain, pourrait trouver sa place dans d’autres systèmes de production avec une valorisation fourragère ou industrielle - des pistes qui restent à explorer (encadré).
(1) Lire ou relire l’article de Perspectives Agricoles sur ce sujet, « Réussir deux récoltes par an : relay cropping ou double culture ? » du n°477 (mai 2020), qui aborde notamment l’adaptation de la conduite des cultures.
Le relay cropping, une méthode d’implantation de CIVE d’été ?Les sorghos fourragers monocoupes et multicoupes ont été évalués en tant que CIVE d’été à destination de la méthanisation pour leur potentiel de production de biomasse verte. Les semis de ces CIVE sont traditionnellement réalisés en début d’été après une culture alimentaire - par exemple, après une moisson précoce d’orge. Leur production se caractérise avant tout par une très forte variabilité interannuelle. Les risques de stress hydrique et d’échecs de levée sont, en effet, élevés. Néanmoins, les sorghos fourragers ont des potentiels intéressants en purs ou en mélanges - par exemple, avec du tournesol, du niger ou du moha. Il est recommandé de les semer le plus précocement possible, et dans tous les cas avant le 10 juillet. Les intrants doivent être limités au minimum et gérés selon le risque et le potentiel de rendement. L’irrigation ne se justifie que pour garantir la levée. Les sorghos multicoupes, notamment de type PIPER, sont intéressants pour leurs faibles coûts de semences dans des zones à contraintes hydriques élevées. Les sorghos monocoupes se justifient dans les zones à plus fort potentiel et où l’on peut assurer la levée. La récolte aura lieu courant octobre. Des récoltes plus tardives augmentent les risques sans assurer un gain significatif de rendement. Les avantages procurés par les techniques d’implantation en relay cropping (faible coût d’implantation, précocification du cycle, meilleures conditions de levées) seront d’autant plus importants dans ces systèmes de production. En revanche, les références sur les potentiels en biomasse restent à déterminer.
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