Ravageurs des céréales d’hiver : douceur et humidité, le cocktail préféré des limaces

La lutte contre les populations de limaces nécessite la mise en place de mesures pluriannuelles sur les parcelles les plus touchées. Elle ne peut reposer uniquement sur les traitements en cours de campagne, d’autant que les nouvelles mesures réglementaires contraignent un peu plus l’utilisation du métaldéhyde.
Evaluer le risque agronomique pour lutter contre les limaces

En mars 2020, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a classé les produits formulés avec 3 % ou plus de métaldéhyde dans la catégorie des « CMR 2 » (reprotoxiques de catégorie 2). Plus récemment, depuis janvier 2021, le métaldéhyde est soumis à la redevance pour pollution diffuse (RPD), à raison de 9 €/kg de substance active, ce qui représente un coût supplémentaire non négligeable.

Le métaldéhyde étant l’une des deux seules substances actives autorisées dans les traitements antilimaces (avec le phosphate ferrique), ces évolutions affectent une grande partie des produits présents sur le marché. À compter du 1er octobre 2021, ceux contenant du métaldéhyde comporteront le nouvel étiquetage et feront l’objet de mesures d’utilisation et de stockage plus contraignantes : stockage séparé dans le local phytosanitaire, mélange interdit avec certains traitements de semences, équipements de protection individuels renforcés (gants et combinaison, ainsi que tablier ou blouse pour le chargement et le nettoyage), mesures auprès des salarié(e)s (prévention, déclaration d’un poste à risque auprès de la MSA) et utilisation interdite de ces produits pour les CDD, les femmes enceintes et les mineurs.

Préalablement aux éventuels traitements en cours de campagne, la lutte contre les limaces passe par l’évaluation du risque agronomique de chaque parcelle : l’abondance et l’activité des limaces dépendent des systèmes culturaux (en particulier du travail du sol), des conditions climatiques (pluie, température), du type de sol, du stade végétatif de la plante et de son appétence.

Des pièges pour suivre les infestations...

Le risque immédiat, lié à la présence de limaces, peut être estimé par observation - quand le sol est humide, à l’aube par exemple - ou par piégeage. Un piège efficace est un piège plaqué au sol, conservant l’humidité et isolant des écarts de températures : pièges « maison » (tuiles ondulées, plaques de cartons humidifiées) ou pièges standards de 50 cm de côté (type INRAE, Bayer, De Sangosse, Certis). Afin de piéger efficacement, commencer au moins trois semaines avant le semis. Plusieurs pièges (quatre si possible pour couvrir au moins 1 m²), espacés d’au moins cinq mètres, doivent être positionnés en bordure de parcelle - lieu des premières attaques de limaces - mais aussi à l’intérieur de la parcelle. Il faut humidifier les pièges par un trempage préalable. Ils doivent être mis en place le soir, le comptage étant à réaliser le lendemain matin avant que la température ne soit trop élevée. Pour un suivi dans la durée, il est conseillé de déplacer les pièges toutes les semaines ou, a minima, de retirer les limaces à chaque observation (éviter de créer un refuge qui peut perturber l’activité naturelle).

Le niveau de capture peut être très variable selon les conditions de la mesure (heure de la journée, répartition dans parcelle). Des conditions sèches limitent les observations mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de limace. Un piégeage ponctuel est ainsi insuffisant : il est impératif d’assurer un suivi avant et après la levée de la culture.

...puis décider d’une intervention éventuelle

Lorsque le risque de limaces est important et nécessite une intervention chimique, il faut choisir un produit de qualité et soigner l’application afin d’apporter la bonne dose de façon homogène. L’épandage en plein des produits donne généralement de meilleurs résultats (attention à la ZNT, zone non traitée, de 5 m en bordure de point d’eau). Une grille d’aide à la décision a été établie par les partenaires du projet RESOLIM (figure 1). Il semble judicieux de diversifier les modes d’action disponibles. Les produits de biocontrôle (phosphate ferrique) présentent une efficacité comparable à celle des antilimaces conventionnels (métaldéhyde). Il faut toutefois prendre en compte le fait que les appâts à base de phosphate ferrique agissent moins rapidement que les antilimaces conventionnels. Le coût (achat et application) est similaire entre les produits de biocontrôle et les produits conventionnels (hors génériques).

LUTTE CONTRE LES LIMACES : réduire les risques grâce aux leviers agronomiques et bien observer les parcelles sensibles

L’application de granulés a comme seul objectif de protéger la culture au stade sensible, au vu d’un niveau de population active préoccupant, mais ne réduit pas durablement cette population. Pour cela, il faut engager sur plusieurs années des méthodes de lutte agronomiques (labour et déchaumages, surtout en conditions sèches, couverts intermédiaires peu appétents...), voire modifier le système de culture pour détruire le milieu de vie des limaces.

Benoît Moureaux - b.moureaux@perspectives-agricoles.com
Juliette Maron - j.maron@arvalis.fr

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