Protection des riverains : buses à injection d’air et haie font la paire

Les buses à injection d’air et les haies sont deux moyens efficaces pour réduire la dérive des produits phytosanitaires. En les associant, celle-ci est même réduite de plus de 90 % par rapport à une buse de référence utilisée sans haie. C’est ce dont témoignent les résultats du projet CAPRIV tout juste achevé.
Les buses à injection d’air affichent bien souvent des performances de réduction de la dérive supérieures à celles annoncées dans leurs homologations.

Le projet CAPRIV, pour Concilier Application des Produits phytosanitaires et Protection des RIVerains, a démarré en 2020 et a réuni le CTIFL, l’IFV, Arvalis ainsi que l’INRAE et l’ACTA. Son objectif ? Caractériser l’exposition des riverains à la dérive de pulvérisation de produits phytopharmaceutiques, et trouver et évaluer des moyens d’atténuation de cette exposition tout en optimisant l’emprise sur le foncier agricole1. L’approche s’est basée sur des campagnes expérimentales en arboriculture, grandes cultures et viticulture et une étude de modélisation.

Côté grandes cultures, les expérimentations se sont divisées en trois temps : tester l’efficacité des matériels disponibles sur la réduction de la dérive d’une part (en 2021), tester l’efficacité de barrières physiques d’autre part (en 2022) et enfin, évaluer l’intérêt de la combinaison des deux. Pour le matériel, quatre buses ont été choisies : une buse de référence à fente classique (XR-Teejet); et trois buses à injection d’air correspondant aux trois classes de réduction de dérive homologuées2 : 66 % (CVI-Albuz), 75 % (ID-Lechler) et 90 % (TTI-Teejet).

Haie basse taillée au carré de type buissonnante

La haie naturelle utilisée en 2022 pour l’expérimentation est composée majoritairement de Troènes, Pruneliers, Noisetiers, Cornouillers (mâles et sanguins) et de Merisiers. Il s’agit d’une haie « basse taillée au carré de type buissonnante ».
La haie naturelle utilisée en 2022 pour l’expérimentation est composée majoritairement de Troènes, Pruneliers, Noisetiers, Cornouillers (mâles et sanguins) et de Merisiers. Il s’agit d’une haie « basse taillée au carré de type buissonnante ».

Des performances supérieures aux prévisions

Pour mesurer l’efficacité du matériel, l’application d’un fongicide a été simulée à deux stades du blé (« 2 nœuds » et dernière feuille étalée - DFE) à l’aide d’un pulvérisateur porté de 24 m. La bouillie, appliquée à la dose de 80 l/ha, était composée d’eau et d’un colorant : la Brillant Sulfaflavine utilisée à 1 g/l. Le dispositif a été placé de telle sorte à ce que le vent soit perpendiculaire (+/- 30°) par rapport à la zone traitée. Une zone d’échantillonnage a donc été mise en place parallèlement à la zone traitée et à l’opposé du vent (figure 1). À différentes distances entre 1 et 20 m de la zone traitée, trois types de collecteurs ont été positionnés : des boîtes de Pétri pour mesurer la dérive sédimentaire, des fils PVC horizontaux à 5 m de la zone traitée et positionnés de 0,5 m à 6 m de hauteur pour mesurer la dérive aérienne, et enfin, des mannequins en 2D équipés de t-shirts en coton afin de mimer une exposition cutanée.

Protocole de prélèvement : des échantillons collectés sur boîtes de Pétri,  fils et mannequins


Il en ressort que la réduction de dérive sédimentaire, par rapport à la buse de référence XR, est supérieure à celle déterminée en soufflerie pour leur homologation (figure 2). En effet, elle est de 64% à «2 nœuds» et de 79% à DFE pour la buse CVI, de 86% à DFE pour la buse ID (non validée à « 2 nœuds ») et de 97 % pour la buse TTI aux deux stades. Un effet de la distance est également observé: plus on s’éloigne du point d’émission, plus la dérive est faible. Dès 2 m par rapport à la zone traitée, la dérive est même très faible pour les buses à injection d’air (< 0,5% du volume appliqué) par rapport à celle de la buse à fente classique (<3% du volume appliqué).

Buses à injection d’air : des performances incontestablement supérieures à la buse de référence

La dérive aérienne reste concentrée près du sol

Pour la dérive aérienne, on remarque que la réduction de dérive des buses à injection d’air, par rapport à la buse de référence XR, est également proche voire supérieure à celle déterminée pour leur homologation : de 56 à 83% pour la buse CVI, 86% pour la buse ID (non validée à «2 nœuds») et de 90% à 94% pour la buse TTI aux deux stades végétatifs du blé (figure 2). Un effet de la hauteur est aussi observé : plus on accroît la hauteur de prélèvement et plus la dérive aérienne est faible. Ce fait est beaucoup moins marqué pour les buses à injection d’air puisqu’elles ont une faible dérive dès le fil le plus bas (0,5 m) (excepté la CVI à « 2 nœuds »).

Dès 4 m de hauteur, la dérive est très faible pour les buses à injection d’air (< 0,5% du volume appliqué) par rapport à la buse à fente classique (< 1,5% du volume appliqué). On observe une adéquation parfaite entre la classe de réduction de dérive de la buse en question et sa réduction de dérive aerienne en conditions extérieures. L’exposition des riverains a été difficile à mettre en évidence car des problèmes d’extraction du traceur sur le coton sont venus perturber les mesures. Néanmoins, avec seulement 50 % de traceur extrait, on retrouve une nette différence entre la buse de référence et les buses à injection d’air. Les pourcentages de réduction de dérive n’ont toutefois pas pu être calculés pour les raisons évoquées ci-dessus.

Boites de Pétri

Positionnées à intervalles réguliers, les boites de Pétri permettent d’évaluer la dérive sédimentaire après pulvérisation.
Positionnées à intervalles réguliers, les boites de Pétri permettent d’évaluer la dérive sédimentaire après pulvérisation.

La haie réduit la dérive d’au moins 70 %

En 2022, le même dispositif a été mis en place mais en présence d’une haie entre la zone traitée et la zone d’échantillonnage. Quelques ajustements de distances ont été effectués ainsi qu’un changement de traceur pour éviter les problèmes d’extraction : c’est la Sulphorhodamine B qui a été ici utilisée. La haie naturelle utilisée dans le dispositif a été caractérisée entre les stades « 2 nœuds » et DFE du blé selon une méthode validée sur le plan statistique et permettant d’avoir une précision des mesures à +/-30 cm. In fine, la hauteur de la haie varie, sur la longueur de l’expérimentation, entre 1,90 m et 3,68 m, et l’épaisseur entre 1,67 m et 3,20 m.

La combinaison de moyens : le duo gagnant

On observe un potentiel de réduction de dérive important post-haie quelle que soit la buse utilisée par rapport à la même buse testée sans haie. Avec la buse de référence, par exemple, la réduction de dérive sédimentaire est de 71 %, et de 75 % pour la dérive aérienne. Avec la buse TTI, elle est de 72 % pour la dérive sédimentaire, et de 83 % pour la dérive aérienne. En définitive, la haie permet de réduire la dérive de plus de 70 %, équivalent à elle-seule à une buse homologuée à 66 %, voire à 75 %.
 
Les essais réalisés en 2022 ont eu pour but d’évaluer l’intérêt de la combinaison de moyens (buses homologuées + haie) sur la réduction de la dérive. Pour cela, les données issues des essais 2022 (en présence de haie) ont été comparées à la buse de référence XR utilisée sans haie en 2021. Cette méthode peut être constitutive d’un biais difficilement contournable vu le caractère naturel de la barrière physique testée ici.

Toutefois, au vu des conditions météorologiques similaires mesurées entre les deux années, ce biais méthodologique n’affecte pas les pourcentages de réduction de dérive obtenus. En moyenne, combiner la haie avec une buse à injection d’air revient à réduire la dérive sédimentaire ou aérienne de plus de 90 % par rapport à la buse de référence utilisée sans haie. Ainsi ce dispositif permet très largement de respecter la réglementation sur les distances de sécurité pour la protection des riverains (ex « ZNT riverains »). Cette dernière s’avère par ailleurs très précautionneuse compte tenu des faibles pourcentages de dérive observés dès deux mètres.  Enfin, pour ce qui est de l’installation de haies, ce fait dépasse le périmètre agricole et doit être réfléchi à l’échelle du territoire, en concertation avec tous ses acteurs.

(1) Plus de précisions sur le contenu du projet CAPRIV dans le N°483 de Perspectives Agricoles (Décembre 2020).
(2) Telles que définies dans la Note de Service DGAL/SDSPV/2022-425-01/06/2022.

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