"Vraiment pas la peine de se précipiter pour semer"

Thierry Denis, Hauts de France

« Vraiment pas la peine de se précipiter »
 

« Dans les Hauts de France, le potentiel de rendement est maximal pour les blés semés entre le 5/10 et le 10/10. Il diminue ensuite de 2 à 3 % tous les 15 jours. Si 70 % des semis sont effectués avant le 25/10, nous observons que les semis tardifs permettent de bien supporter les coups de chaud. En 2023, des variétés de type KMS Extase semées début octobre font moins bien que les mêmes variétés semées au 20 octobre. Les composantes de rendement de ces variétés sont le PMG et la fertilité épis. Il faut atteindre un nombre d’épis très faible pour voir le rendement se dégrader. Ça ne vaut vraiment pas la peine de se précipiter. Rien ne sert non plus de forcer sur les densités : les blés ne font pas leur rendement là-dessus et une surdensité augmente le risque d’un développement excessif des talles, qui expose davantage les plantes à un coup de chaud de fin de cycle ».

Alexis Decarrier, Nord-Est

« Ne pas atteler les semoirs avant le 15-20 octobre »

« Sur blé tendre, dans le grand quart nord-est de la France, l’incidence de la date de semis sur le rendement a évolué en vingt ans. Là où on perdait 5 % de rendement en décalant les semis d’une quinzaine de jours, il y a désormais peu écart entre un semis de début ou de fin octobre. Ce report simplifie l’itinéraire technique : on n’est plus obligé de traiter systématiquement contre les pucerons. De plus, les variétés développées dans la région, comme Chevignon ou récemment Celebrity, sont des variétés assez précoces : semées trop tôt, elles peuvent redémarrer vite en sortie hiver et s’exposer à des risques de gel de l’épi. Il faut savoir attendre pour exprimer leur plein potentiel.
En Lorraine-Barrois, il est également possible de décaler un peu et de semer sur la première quinzaine d’octobre et de ne plus pratiquer de semis de fin septembre. Un décalage de 15-20 jours permet de diminuer la pression des vulpins de 30 à 50 %. La légère diminution de potentiel est largement compensée par le programme désherbage ajusté. C’est économiquement viable.
Concernant nos préconisations de date de semis, nous gardons en tête que l’hiver moyen de 2050 sera l’hiver que nous avons connu en 2022-2023. Nous remettons donc en place des essais pour mettre à jour nos préconisations de densité. »

Jean-Louis Moynier, Poitou-Charentes

« Jusqu’au 15 novembre, pas de perte de rendement en groies »

« En Poitou-Charentes, nous faisons face à une pression JNO forte et régulière, qui peut avoir un impact aussi important sur le rendement qu’une forte densité de ray-grass/vulpins. D’anciens essais montrant des pertes de rendement en semis tardif, nous avons étudié nos marges de manœuvre localement. Un mémoire de fin d’étude conduit en 2020 a montré que le risque de gel en retardant la date de semis avait tendance à baisser ces dernières années. L’effet de l’accélération du cycle pèse plus que l’augmentation du risque thermique en fin de cycle. Nous avons également engagé le programme Climatika, consistant à tester trois périodes de semis avec une variété adaptée durant trois ans : au 20/10, au 15/11 et au 01/12. Sur le plan du rendement, avec des années très différentes, ces essais confortent les conclusions de l’étude climatique et montrent pour un semis au 15/11 que l’enjeu rendement est anecdotique alors que la pression des pucerons et graminées se réduit. Ces nouvelles données plaident pour retarder les semis d’au moins 15 jours dans les parcelles sales. Dans les sols ressuyant vite comme les groies, c’est un levier qui n’est pas trop compliqué à mettre en place, qui ne diminue pas le potentiel et qui réduit la pression parasitaire. C’est économiquement gagnant. »

Quentin Girard, Normandie

« Commencer avant le 20 octobre est un choix souvent perdant »

« Le décalage de la date de semis est un levier puissant pour maitriser les ray-grass et vulpins, ennemis publiques numéro 1 des blés normands. Mais il s’agit de décaler par rapport aux préconisations habituelles d’Arvalis qui, ici, ne commencent qu’au 20 octobre. Pour toutes les situations, commencer avant n’est ni sérieux ni prudent. Tandis que pour les parcelles sales, il faut plutôt attendre novembre pour espérer observer un vrai bénéfice sur les populations graminées. Des essais ont montré  une baisse du nombre de ray-grass de 60 % entre un semis au 1^er octobre et un semis au 20 octobre. Elle baisse encore de 60 % si on patiente 20 jours de plus, au 10 novembre. C’est un levier puissant qui peut être mis en œuvre facilement vu les débits de chantiers de semoirs actuels. Il diminue le potentiel de rendement de quelques quintaux mais permet d’éviter une perte de potentiel à deux chiffres. Les leviers pour retrouver des parcelles propres avec moins d’herbicides existent encore, à l’heure où le nombre de matière actives diminue, au même titre que leur efficacité. »