Lutte contre les dégâts de corvidés en maïs : combiner les leviers avant le semis
La corneille noire (toute noire, bec compris) est une espèce sédentaire et territoriale présente partout en France. Le corbeau freux possède également un plumage noir mais son bec est blanc grisâtre. Il nidifie essentiellement dans les deux tiers nord du pays et la basse vallée du Rhône. Ces corvidés consomment les graines de maïs dès le semis, et les plantules jusqu’au stade « 4-5 feuilles » (exceptionnellement jusqu’au stade « 7-8 feuilles »). Ils sont capables de faire des dégâts importants pouvant amener à ressemer. Les parcelles les plus à risque sont souvent celles où la présence humaine est moindre : grandes parcelles, parcelles en hauteur avec vue dégagée, parcelles isolées...
L’intensité des attaques dépend de l’offre alimentaire dans l’environnement. Ainsi, une zone avec seulement quelques parcelles de maïs est davantage exposée au risque corvidés qu’un secteur où les semis sont simultanés sur de larges surfaces. C’est pourquoi leur présence est fréquemment signalée dans des régions où la culture de maïs est minoritaire.
Pour les mêmes raisons, il est préférable de ne pas semer les parcelles trop précocement ou trop tardivement par rapport à l’environnement proche. Un semis superficiel (moins de 3 cm) facilite la préhension des graines par les oiseaux : il est préférable de semer à 4 à 5 cm de profondeur. De plus, un lit de semence trop motteux, avec la présence de nombreux résidus, peut faciliter les déprédations de plantules ; dans ce cas il est opportun de bien rappuyer la ligne de semis.
L’efficacité des traitements de semences est vite insuffisante
Les solutions chimiques disponibles pour protéger les semis contre les dégâts d’oiseaux continuent de se raréfier. Ainsi, la substance active thirame n’a pas été réinscrite au niveau européen ; les produits à base de thirame (Gustafson 42S, Royal Flo Rouge ou Orange, Vitavax 200FF…) sont interdits pour les semis 2020.
La substance active zirame demeure autorisée au niveau européen. Autorisé en France, le Korit 420FS, à base de zirame, est donc disponible pour les prochains semis. Cependant, cette spécialité commerciale présente la mention de danger H330 (et aussi H373, H317, H335 et H401), ce qui contraint son application sur semences. L’utilisation de ce produit ne peut donc pas être généralisée.
L’efficacité du Korit 420FS se situe à un niveau relativement satisfaisant en situation de faible attaque. En revanche, dès que la pression de la population de corvidés devient significative, aucune solution ne présente une protection suffisante (figure 1). Par ailleurs, Arvalis continue d’évaluer des produits, qu’ils disposent d’une homologation sur maïs pour une autre cible ou non. Malheureusement, aucun de ces produits ne se distingue du témoin non protégé dans nos essais, ce qui laisse peu d’espoir qu’ils présentent un intérêt à l’échelle d’une parcelle.
L’absence de solution phytopharmaceutique satisfaisante pour protéger les semis contre les déprédations d’oiseaux n’est pas une situation nouvelle. Cependant, les fluctuations de populations de corvidés rendent cette impasse technique plus visible certaines années par rapport à d’autres (encadré).
Davantage de dégâts de corvidés en 2019
La campagne maïs 2019, caractérisée autant par un climat chaotique que par la diversité des ravageurs rencontrés, a vu le retour des dégâts de corneilles et de corbeaux freux. Leurs dégâts ont augmenté au printemps, notamment en Rhône-Alpes, en Bretagne et plus localement dans le Sud-Ouest - en plus des secteurs déjà fortement exposés aux déprédations par ces oiseaux (Ile de France, Haut-de-France, Champagne…). La suppression du thiaclopride et du thirame dans les traitements de semences a sans doute contribué à cette augmentation mais ne constitue pas le seul facteur explicatif. Les conditions climatiques rencontrées autour de la période des semis ont également été propices à l’augmentation des attaques.
D’autres méthodes de lutte sont exclusivement physiques. L’effarouchement sonore utilise des canons à gaz, l’émission d’ultra-sons, ou encore des micros diffusant des cris de rapaces. Il est aussi possible de protéger un espace délimité par un « filet sonore » qui exclut les oiseaux de la zone en les rendant incapables de communiquer vocalement entre eux.
Les corvidés n’aiment pas l’agitation
Il existe aussi des effaroucheurs visuels, comme le cerf-volant en forme de rapace et le ballon aux yeux de rapace. Il est possible d’associer effarouchements visuel et sonore - par exemple, un bruit d’ailes d’oiseaux à l’envol lorsque le leurre monte, un bruit d’oiseau blessé lorsqu’il redescend, et une détonation en deux temps.
Si leur coût est souvent abordable, ces techniques demandent du temps à l’agriculteur, sont peu efficaces au-delà de 4 à 6 hectares à protéger, nécessitent du vent pour certaines, et ne font que déplacer les populations. De plus, leur efficacité diminue dans le temps en raison d’une accoutumance, parfois rapide, des oiseaux. Un passage humain régulier reste le plus efficace pour éviter l’installation des corvidés dans la parcelle.
Ces limites redonnent de l’intérêt à la régulation biologique, gratuite une fois les aménagements effectués. Elle consiste à utiliser la prédation naturelle par des rapaces, favorisée par la pose de nichoirs et de perchoirs.
Mais tout ne se joue pas à l’échelle de la parcelle. Il est important de déclarer les éventuels dégâts de corvidés (à la Direction départementale des territoires, en mairie, à votre chambre d’agriculture, à la fédération de chasse…) afin que des actions de régulation soient conduites, qui limiteront le risque pour les années suivantes.
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