Fertilisation azotée : les fondamentaux pour trouver le bon compromis

Associer les RSH à une estimation fine de la quantité d’azote déjà absorbée, en s’appuyant sur un OAD, est un bon moyen pour ajuster la dose prévisionnelle aux conditions de croissance de l’année et limiter les pertes d’azote.
Chaque unité d’azote compte et doit être valorisée au mieux en l’apportant au bon moment.

Chaque unité d’azote compte et doit être valorisée au mieux en l’apportant au bon moment.

Des retards de semis à l’automne, des sols engorgés en hiver, des biomasses au tallage en retrait par rapport à la  moyenne... sont autant de situations justifiant, en complément de la mesure de reliquats azotés de sortie d’hiver (RSH), le recours à des outils1   permettant une estimation de la dose totale prévisionnelle. Ces outils aident à ajuster au mieux la dose prévisionnelle d’azote, calculée pour assurer rendement et qualité optimale, en fonction des objectifs de production. L’impasse d'apport au tallage dans certaines conditions peut être recommandée, si les conditions d’absorption d’azote et de croissance ont été très favorables.

Viser des apports au plus proche des besoins du blé

Chaque unité d’azote compte et doit être valorisée au mieux en l’apportant au bon moment. Pour le blé, les besoins en azote sont relativement faibles durant le tallage mais augmentent fortement durant la montaison. Il ne faut donc pas négliger l’importance d’une bonne estimation de l’azote fourni par le sol, avec la mesure du RSH, et le couplage à des OAD permettant d’estimer l’azote déjà absorbé. Le deuxième apport, autour du stade épi 1 cm, est l’apport principal pour garantir le rendement. Il est donc fondamental de bien le valoriser, en intégrant, avant toute chose, les conditions météorologiques permettant la valorisation par la plante des apports d’azote.

Enfin, le dernier apport contribue grandement à la teneur en protéines des grains mais aussi au rendement et donc à la rémunération du blé. Si la dose totale à apporter est faible, mieux vaut réduire les deux premiers apports, voire faire l’impasse sur le premier apport au tallage dans les cas où le niveau de reliquats en sortie d’hiver est satisfaisant.

En cours de campagne, des outils de pilotage visent à ajuster la dose d’azote à apporter en fin de cycle, en fonction du potentiel de production. Leur principe de fonctionnement s’appuie généralement sur la mise en réserve préalable d’une partie de la dose totale d’azote. La décision de l’apport de cette mise en réserve, ou d’une fraction de celle-ci, s’appuie elle-même sur un diagnostic de l’état de croissance et/ou de nutrition azotée du couvert courant montaison. Ce diagnostic permet de revoir à la hausse ou à la baisse les besoins en azote de la culture au regard du potentiel de production actualisé et des objectifs de qualité (concentration en protéines des grains).

Certains outils permettent également de moduler la dose d’azote du dernier apport à une échelle intraparcellaire. Les parcelles les plus hétérogènes peuvent en tirer des bénéfices substantiels.

Minimiser la volatilisation ammoniacale

La volatilisation de l’ammonium contenu dans les engrais en gaz ammoniac est une source de pollution et diminue la marge de production. Ce phénomène est favorisé par les sols dont le pH est supérieur à 7,5, les conditions chaudes, sèches et venteuses. Ce processus peut intervenir tant que l’azote apporté n’a pas migré dans les couches inférieures du sol sous l’action de la pluie.

De fait, la volatilisation ammoniacale est drastiquement réduite quand les engrais sont enfouis, même superficiellement (5 cm), où lorsque les apports sont réalisés avant un épisode pluvieux significatif (10 à 15 mm dans les 30 jours suivant l’apport). L’addition d’inhibiteur(s) d’uréase est également efficace pour limiter les pertes par volatilisation.

Chez le blé, les urées additionnées de NBPT ou de NBPT + NPPT s’avèrent même un peu plus efficaces, en sols calcaires, que l’ammonitrate pour le rendement et ces deux formes s’équivalent pour le taux de protéines. En revanche, les performances des solutions azotées restent très inférieures à celles de l’ammonitrate, même additionnées d’inhibiteurs d’uréase, car la volatilisation n’est pas le seul vecteur de la baisse d’efficience.

Une autre voie pour contenir la volatilisation consiste à enrober l’engrais. Les urées enrobées, ou « engrais protégés », libèrent l’azote minéral progressivement pendant le cycle de la culture, limitant ainsi la quantité d’azote directement exposée au risque de volatilisation. Par ailleurs, cela peut permettre de s’affranchir en partie du fractionnement et d’économiser ainsi un passage d’épandeur, et donc du carburant.

Tenir compte de la forme de l’azote utilisée

Le choix de la forme d’azote est important : il impacte le rendement mais aussi la qualité de la récolte. De nombreuses études sur les céréales montrent que l’ammonitrate est plus efficace que l’urée et les solutions azotées (non adjuvantées ou non enrobées) en termes d’efficience d’absorption de l’azote. En blé tendre, l’ammonitrate et l’urée donnent des rendements similaires lorsque les conditions de valorisation de l’azote sont favorables. Cependant, l’urée est moins efficace pour assurer une teneur en protéines conforme aux exigences du marché (-0,23 point de protéines par rapport à l’ammonitrate).

Les solutions azotées sont moins performantes. Elles entraînent en moyenne une perte de rendement de -3,3 q/ha et une diminution de 0,58 point de protéines par rapport à l’ammonitrate. Cette inefficience est liée, très probablement, à une plus forte organisation de l’azote par les micro-organismes du sol ou à des pertes par lixiviation accrues.

Et les engrais foliaires ?

Certains engrais azotés se pulvérisent sous forme foliaire (urée, nitrate d’ammonium, amides ou urées polymérisées). Une étude d’Arvalis montre qu’à dose totale d’azote équivalente, une stratégie ammonitrate à deux premiers apports complétée par des engrais foliaires aux doses recommandées par les fournisseurs au stade « dernière feuille » est égale, en termes de rendement, à une stratégie 100 % ammonitrate. Toutefois, la plupart de ces engrais sont préconisés par les fabricants à des doses de 20 à 100 L/ha, ce qui correspond à des apports de 6 à 20 kg/N/ha, insuffisants pour les besoins en fin de montaison.

Ainsi, en raison des faibles doses d’azote que permettent d’apporter des engrais foliaires appliqués en fin de cycle, les deux premiers apports doivent être plus conséquents que dans une stratégie 100 % ammonitrate classique pour avoir une dose d’azote totale équivalente. Cette différence de répartition de l’azote aux cours du cycle génère une teneur en protéines inférieure de 0,5 % pour la stratégie « apports foliaires » par rapport à la stratégie « 100 % ammonitrate » (tableau 1). Ainsi, l’obligation de restreindre l’apport à de faibles quantités d’azote pour éviter les brûlures et leur coût à l’unité fertilisante limitent fortement l’intérêt technico-économique de ces produits.

ABSORPTION DE L’AZOTE : une meilleure valorisation avec l’ammonitrate
Tableau 1 >>> Absorption de l'azote : une meilleure valorisation avec l’ammonitrate. écarts de rendement et de taux de protéines observés en blé pour une fertilisation avec de l’urée ou une solution azotée par rapport à de l’ammonitrate. Poids statistique des écarts : NS : écart significativement non significatif ; 1 écart très significatif. Synthèse d’essais Acolyance, Arvalis, Chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire, Soufflet et Vivescia conduits de 2012 à 2019.

 

Et les biostimulants ?

Plusieurs biostimulants revendiquent une amélioration de la nutrition azotée des cultures par le biais de la fixation de l’azote atmosphérique par des bactéries soit rhizosphériques, soit colonisant les feuilles des cultures. Toutefois, les essais d’Arvalis et de nombreux partenaires (chambres d’agriculture, coopératives et négoces), dans une large gamme de contextes pédoclimatiques et en conditions légèrement limitantes en azote, n’ont révélé aucun gain significatif en termes de rendement ou de qualité (taux de protéines)2. Compte tenu de leur coût, ces produits n’ont actuellement pas démontré leur rentabilité.

(1) Arvalis recommande de privilégier les outils labellisés PREV’N par le COMIFER dont la liste est disponible via https://comifer.asso.fr/outils-labelises
(2) Sur le sujet, lire notre dossier de septembre 2024.

 

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