Fertilisation azotée des cultures : des outils disponibles pour raisonner les apports

Plusieurs stratégies s’offrent aux producteurs pour faire face à l’augmentation du prix des engrais, comme l'intégration de cultures intermédiaires contenant des légumineuses, ou encore la recherche de différentes sources de matières fertilisantes. Le raisonnement de la dose d'azote à apporter reste un des principaux leviers tactiques pour viser le maximum d'efficience : « une unité d’azote apportée est une unité valorisée ». Différentes gammes d’outils sont disponibles pour accompagner les producteurs dans cet objectif d'efficience.

Choisir un outil labellisé Prév’N

Le calcul de la dose totale prévisionnelle fait partie des fondamentaux du raisonnement de la fertilisation azotée, et reste une première étape importante dans la quête d’une fertilisation maîtrisée. Cette démarche permet d’estimer une dose totale d’azote cohérente avec l’historique de production de chaque parcelle en tenant compte de ses caractéristiques connues, et limiter ainsi les situations de sur- ou sous-fertilisation marquées. De nombreux outils de calcul de dose prévisionnelle sont proposés aux producteurs, et dix-neuf d’entre eux ont obtenu le label Prév’N du Comifer ; leur liste, mise à jour en août 2022 par le Comifer, est disponible sur http://arvalis.info/2h0. Mis en place depuis 2019, ce label garantit la conformité des outils à la méthode Comifer et clarifie donc l’offre de conseil.

Si l’estimation d’une dose totale prévisionnelle constitue une première étape importante, nous verrons par la suite que d’autres éléments de raisonnement permettent de l’ajuster en cours de campagne. Car, rappelons-le, ce calcul intervenant en amont de la campagne de fertilisation présente aussi des limites, notamment climatiques. Un calcul le plus précis possible reste néanmoins primordial, notamment si des ajustements de dose sur des critères technico-économiques sont envisagés.

Ajuster la dose totale en sortie d’hiver

En sortie d’hiver, mais toujours en amont de la campagne de pilotage, des méthodes sont disponibles pour ajuster la dose totale prévisionnelle. Leur objectif est de préciser certains postes du bilan, afin de considérer les conditions environnementales automno-hivernales réelles dans le calcul de dose. Parmi ceux-ci, la mesure du reliquat azoté en sortie d'hiver (RSH) par un laboratoire agréé est une pratique à encourager là où elle n’est pas obligatoire. Partout où elle est obligatoire, il est utile d’en réaliser plus d’une par culture, afin d’affiner la connaissance précise du stock d'azote minéral disponible dans le sol à l’ouverture de la campagne de fertilisation. En sols profonds, il est également recommandé de réaliser le RSH jusqu’à 90 cm, où l’azote reste disponible pour les plantes, et non de se cantonner au premier horizon du sol.

Cette pratique permettra de réaliser un calcul plus précis de la dose totale prévisionnelle. Si les stocks d’azote du sol sont élevés, l’opportunité de retarder le premier apport peut être envisagée. La prise en compte de l'azote minéral déjà présent dans le sol est d’autant plus intéressante lorsque les prix des engrais sont élevés, car cela peut conduire à des économies non négligeables.

à cette période de l’année, la prise en compte de la quantité d’azote déjà absorbée par la culture constitue un autre poste du bilan qui peut être affiné par l’utilisation d’outils. De la même manière que la prise en compte du RSH, cette pratique permet des ajustements non-négligeables.

Piloter la fertilisation azotée en cours de campagne

En cours de culture, sur céréales à paille, les outils de pilotage de la fertilisation prennent le relai. Ils visent à ajuster la dose d’azote à apporter en fin de cycle au potentiel de production spécifique à la situation, afin de tendre vers un optimum technique de fertilisation. Ce potentiel de production dépend de la combinaison entre le contexte parcellaire, les pratiques et le contexte de l'année. Ces outils viennent donc en complément de la dose totale prévisionnelle (ajustée ou non par des mesures en sortie d’hiver), qui a permis de raisonner les apports d’azote précédents.

Leur principe de fonctionnement s’appuie généralement sur la mise en réserve préalable d’une partie de la dose totale d'azote. La décision de l'apport de la mise en réserve, où d'une fraction de celle-ci, s'appuie elle-même sur un diagnostic de l’état de croissance et/ou de nutrition azotée du couvert courant montaison, qui permet de revoir à la hausse ou à la baisse les besoins en azote de la culture au regard du potentiel de production actualisé et des objectifs de qualité (concentration en protéines des grains). Ces outils s’avèrent pertinents pour ajuster les pratiques de fertilisation aux besoins de la culture en fonction des conditions actuelles de croissance et de potentiel.

Certains outils permettent également de moduler la dose d’azote du dernier apport à une échelle intra-parcellaire. Les parcelles le plus hétérogènes peuvent en tirer des bénéfices substantiels.

Vers un pilotage intégral de la fertilisation azotée

Des travaux sont en cours pour finaliser le développement d’outils de pilotage intégral de la fertilisation, qui permettront prochainement de piloter tous les apports d’azote en s’appuyant sur des diagnostics des parcelles en temps réel. Ces outils offriront l’opportunité d’un ajustement de chaque intervention, en considérant à la fois les besoins des plantes et la quantité d’azote disponible dans le sol. Expérimentalement, le bilan est prometteur. Ces outils, actuellement testés par quelques dizaines d’agriculteurs pilotes, devraient permettre d'augmenter l'efficience des engrais azotés dans les années à venir.