Comment boucler le cycle de l’azote?
Perspectives Agricoles : Pourquoi le cycle de l’azote est-il devenu un enjeu central ?
Maëva Guillier-Weens : Lors de précédents travaux, il a été constaté que la région Grand Est est excédentaire en azote et que des exploitations céréalières ou d’élevage sont très dépendantes de la fertilisation azotée. Il apparaît donc primordial de limiter les pertes azotées dans l’eau et dans l’air, tout en renforçant la compétitivité des exploitations. Un nouveau projet de recherche, le PEI PARTAGE(1), débuté en septembre 2019 pour une durée de trois ans, ambitionne de répondre à cette problématique. Il repose sur une soixantaine d’agriculteurs, en polyculture-élevage ou grandes cultures, répartis dans une douzaine de groupes. Ces agriculteurs partagent leurs expériences et co-construisent avec les techniciens des systèmes de culture multiperformants. Les réflexions ont été organisées autour du cycle de l’azote(1) en vue d’optimiser les flux de matières entre les activités d’élevage, de cultures et de méthanisation. L’approche se veut donc globale, de la parcelle au territoire, en incluant par exemple l’ensemble des parcelles concernées par un méthaniseur.
P. A. : Quels sont les leviers d’action mis en œuvre ?
M. G.-W. : Trois thématiques prioritaires ont émergé lors du diagnostic initial. Il s’agit en premier lieu de maîtriser les pertes et d’apporter l’azote au bon moment. Cela passe par la gestion des couverts, l’enchaînement cultural, les méthodes de pilotage(2), le matériel d’épandage et l’usage de formes d’azote moins volatiles. L’introduction des légumineuses, en culture dédiée ou associée, est également étudiée afin d’amener de l’azote « gratuit » dans les systèmes, mais il manque à ce jour des débouchés suffisamment rémunérateurs pour développer ces surfaces. Le troisième axe est de gérer les différentes sources d’azote organique utilisables sur le territoire, comme les effluents d’élevage et les digestats de méthanisation, et d’en mieux connaître les comportements.
P. A. : Qu’est-ce que ces travaux apportent aux agriculteurs impliqués ?
M. G.-W. : Des combinaisons de pratiques identifiées comme vertueuses sont testées en conditions réelles chez les agriculteurs. L’analyse initiale a fait ressortir les besoins, les marges de progrès et les objectifs d’autonomie vis-à-vis de l’azote. Des diagnostics agronomiques sont réalisés, ainsi que l’évaluation de la performance des systèmes lors de l’insertion de légumineuses à graines. Le potentiel de contribution à l’atténuation du changement climatique est également calculé et peut être valorisé par le Label bas carbone. Avec ces travaux, les participants ont davantage pris conscience de l’importance des enjeux techniques et économiques liés aux pertes d’azote, notamment par volatilisation. L’objectif est de réduire ces pertes, sans impact sur le rendement, par l’identification des moments critiques dans la rotation. En parallèle, un autre projet, le PEI ARPEEGE, vise entre autres à élaborer des outils d’analyse économique afin de favoriser la collaboration entre les éleveurs et les céréaliers, dans une logique d’autonomie protéique des élevages, un des aspects de l’agroécologie.
(1) PEI = Partenariat Européen à l’Innovation ; informations complémentaires et schéma ci-dessus.
(2) Notamment basées sur les nouvelles méthodes de « pilotage intégral » (voir l’article « Vers des apports azotés limités aux stricts besoins » du n°496 de Perspectives agricoles, février 2022).
0 commentaire
Réagissez !
Merci de vous connecter pour commenter cet article.