Réservoir utile : « Augmenter la matière organique, c’est bien, éviter le tassement, c’est mieux »
Perspectives Agricoles : Quels facteurs impactent la disponibilité en eau dans les sols agricoles ?
Pascale Métais : Dernièrement, on entend beaucoup qu’augmenter la matière organique des sols a un impact positif sur le réservoir utilisable (RU), c’est-à-dire la quantité d’eau que le sol peut absorber et restituer aux plantes. C’est vrai, et augmenter la matière organique a par ailleurs plein d’autres effets bénéfiques sur le sol. Mais il y a un enjeu fort qui est trop souvent occulté, et qui pourtant a un impact bien plus important sur la RU que la quantité de matière organique : le tassement du sol. Non seulement il réduit la capacité de stockage de l’eau dans le sol, mais il amoindrit également la capacité d’enracinement. Les racines des plantes ont donc plus de mal à explorer le sol pour aller chercher l’eau. Et si l’eau vient à manquer, en cas de sécheresse par exemple, les conséquences sur les rendements peuvent être lourdes. À titre d’exemple, sur des limons argileux profonds, on considère qu’une hausse de 0,5% de la matière organique sur l’horizon 0- 30 cm améliore le RU de 4 mm. Mais une compaction anormale dans l’horizon travaillé dégrade le RU de 13 mm ! Autrement dit, augmenter la matière organique, c’est bien, mais éviter le tassement, c’est mieux. Car l’augmentation de la matière organique ne suffira jamais à compenser l’impact négatif du tassement sur le RU.
PA : Quelles conséquences les faibles précipitations hivernales ont-elles sur les risques de tassement ?
PM : Sur certains sols argileux, il peut y avoir un effet positif. Les argiles ont des propriétés de retrait et de gonflement, et un manque d’eau va provoquer des fissures qui peuvent avoir un impact bénéfique sur la porosité des sols. Ces fissures sont des voies préférentielles pour l’enracinement et l’infiltration de l’eau. Hormis ces fentes de retrait, le problème est que plus un sol est sec, plus il oppose une forte résistance à la pénétration racinaire. Un sol sec sera également plus résistant au tassement : il risque moins d’être compacté par la circulation des engins agricole. A contrario, plus il est humide, plus il faudra être vigilent et réduire le poids des machines pour éviter le tassement. Ce que l’on constate actuellement, c’est que grâce aux pluies de mars, le réservoir utile est plein dans la majorité des sols français. Bonne nouvelle pour les cultures, mais attention au risque de tassement dans ces conditions !
PA : Comment savoir si le sol est effectivement tassé et que faire si c’est le cas ?
PM : Le test bêche, un profil cultural ou le recours à un pénétromètre sont des méthodes de diagnostic efficaces. S’il n’y a pas de tassement, ce n’est pas la peine d’intervenir en préventif. Et ça va aussi dépendre de la culture que l’on va implanter dans la parcelle. Le maïs, par exemple, est sensible au tassement et il supporte mal les ruptures de perméabilité. Si l’on décide d’intervenir pour décompacter, il faut s’assurer de le faire dans de bonnes conditions. Pour cela, il faut prélever une motte et l’écraser dans sa main. Si elle ne s’éclate pas et reste en gros pavé ou qu’elle colle aux mains, ça ne sert à rien d’intervenir (figure 1). Mieux vaut attendre l’automne. Dans tous les cas, il faut garder à l’esprit qu’un sol sec est dur à travailler, nécessite une consommation d’énergie importante et abîme davantage le matériel. Il faut donc que ce soit vraiment justifié.
Propos recueillis par Justine Gravé
j.grave@upterra.fr
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