Innovation de rupture : les technologies agricoles dans vingt ans
Cette étude apporte un éclairage sur les évolutions des technologies et leurs futurs développements. Le rapport classe les innovations selon leur degré de maturité à l’horizon 2038 et le positionnement, plus ou moins marqué, de l’Europe sur chacun des sujets identifiés à l’heure actuelle. Les travaux ont été réalisés à partir d’analyses d’experts mais aussi d’outils d’intelligence artificielle (encadré).
Parmi les sujets innovants liés au secteur agricole, celui de l’agriculture de précision occupe une place importante. Elle repose sur les dernières technologies disponibles - GPS, imagerie satellitaire, systèmes de contrôle, capteurs, robots, télématique, logiciels, etc. - et a pour but d’améliorer les performances des cultures à chaque étape du cycle de production. Il s’agit d’augmenter les rendements mais aussi de réduire les temps de travaux, les coûts et les l’impacts environnementaux.
Une démarche prospective
L’étude a été conduite à travers une procédure qui a combiné des algorithmes d’intelligence artificielle et l’évaluation humaine. Des entretiens auprès d’experts de 22 pays européens ont ainsi été réalisés. Après plusieurs séries de retraitements des informations pour les affiner, une liste de cent innovations a été établie. L’analyse a portée sur l’importance potentielle de chacune de ces innovations, leur degré de maturité actuelle et la force relative de l’Europe sur les sujets identifiés ; autant d’éléments qui pourront servir à orienter les programmes de recherche, les politiques publiques de développement ou encore les stratégies des entreprises. Les aspects sociaux et sociétaux ont également été pris en compte.
Aides à la production
Les robots agricoles, aussi appelés « Agrobots », existent déjà pour épandre de l’engrais ou travailler le sol. Ceux capables d’identifier des mauvaises herbes, à l’aide de caméras, et de les détruire avec une dose d’herbicide ciblée sont encore en développement, avec des économies de produits phytosanitaires à la clé. D’autres types de capteurs, installés sur les outils agricoles, apporteront de nouveaux services, comme ceux détectant la chlorophylle pour distinguer les plantes vertes du sol nu.
L’ « Internet des objets » relie aux systèmes informatiques les données physiques mesurées au champ par des capteurs. Ces technologies rendent aussi possible le contrôle à distance de différents matériels, comme des tracteurs. Une aide peut ainsi être obtenue lors des récoltes par le contrôle d’un tracteur avec sa remorque en ajustant sa vitesse et sa direction à celles de la moissonneuse-batteuse. Des kits de direction automatique ont déjà fait leur apparition sur le marché.
Un appareil portatif devrait permettre aux agriculteurs, dans le futur, de tester l’ADN des cultures et des mauvaises herbes. Cette technologie donnera des indications sur les résistantes à la sécheresse ou aux insectes, ou encore précisera si les mauvaises herbes échantillonnées sur le terrain portent des gènes de résistance aux herbicides.
Des analyses en temps réel
Une autre solution logicielle innovante a pour but de détecter les stress des cultures en utilisant la caméra d’un smartphone. Cette application mobile pourra aider à déterminer les mauvaises herbes, classer et compter les insectes, reconnaître les maladies, analyser les dommages aux feuilles et évaluer le statut azoté de la culture. L’utilisateur sera informé lorsque les risques augmenteront dans les champs et recevra des informations sur les maladies et la pression des ravageurs.
Par ailleurs, un groupe de chercheurs a disposé des capteurs sur une bandelette à fixer aux plantes pour détecter leur transpiration : un nouveau moyen d’évaluer l’état hydrique des cultures et d’ajuster les apports en eau.
Un « laboratoire sur puce » (de l’expression anglaise lab-on-a-chip) intègrera des fonctions d’analyse chimique dans un appareil de petites dimensions. Cette technique mettant en œuvre des systèmes micro-électromécaniques peut traiter de très petits volumes de fluides avec des réponses rapides. La technologie lab-on-a-chip facilitera les diagnostics au champ. Les applications seront aussi développées dans le domaine médical, de même que dans celui de la surveillance de l’environnement via, par exemple, des projets de science participative ouverts au grand public.
Les bioplastiques
Les bioplastiques sont des matériaux issus en tout ou partie de matières premières végétales. Il peut s’agir de maïs, de riz, de pommes de terre, de fibres de palme, de tapioca, de fibres de blé ou encore de cellulose de bois. Selon leur composition chimique et le pourcentage d’ingrédients végétaux, les bioplastiques peuvent être ou non biodégradables. Ils présentent a priori l’avantage d’avoir une empreinte environnementale plus faible. Les bioplastiques sont utilisés dans les différentes industries comme l’emballage des aliments, les soins de santé, les textiles, l’agriculture, l’automobile ou l’électronique. Par exemple, une équipe de chercheurs chinois a mis au point des composants électroniques en bioplastique dégradable. Les produits électroniques sont fabriqués à partir d’un bioplastique dérivé de l’amidon de maïs appelé acide polylactique. Ce type de procédé trouvera toute sa place au regard du développement actuel des produits électroniques et de la problématique de leur recyclage.
Le cas de l’agriculture urbaine
Les entreprises japonaises progressent rapidement dans ce type d’agriculture robotisée dont la production, indépendante des conditions climatiques, est stable. Plus de 200 usines de transformation au Japon sont capables de récolter 20 000 laitues par jour. Les laitues sont cultivées dans une substance gélatineuse riche en nutriments et dans un environnement stérile sous des lampes LED. Ce concept de ferme industrielle intérieure est maintenant exporté au Moyen-Orient, où l’environnement désertique, le manque de ressources en eau et d’autres facteurs géographiques posent des défis pour la culture des légumes. En France, des start-up se sont aussi lancées dans ce type d’agriculture, en équipant des containers.
Vers un nouveau type de développement
La plupart des auteurs de l’étude s’accordent à dire que la période dans laquelle nous nous trouvons est toujours celle des technologies de l’information et de la communication, portée par les évolutions scientifiques et technologiques. Le numérique et l’intelligence artificielle sont perçus comme les éléments clés de cette période, qualifiées parfois de « quatrième révolution industrielle ». Ces technologies investissent tous les secteurs d’activité. La reconnaissance vocale, la réalité augmentée, les « chatbots » (robots conversationnels) et la robotique en essaim (travail de plusieurs robots de manière coordonnée) apparaissent comme les technologies « montantes ». D’autres, moins matures comme la blockchain, l’imagerie hyperspectrale ou la reconnaissance des émotions pourraient entrainer des évolutions encore inattendues à ce jour.
Selon les auteurs de ce rapport, la période de développement qui suivra reposera sur d’autres facteurs, tels que la santé ou le caractère durable des innovations. Les progrès techniques concernant les énergies, les matériaux ou la bioéconomie seraient alors davantage mis en avant. Un autre aspect des tendances à venir tourne autour de l’autonomie et de la résilience locales. Cela comprend les technologies de l’impression 3D (fabriquer soi-même ce dont on a besoin), de l’agriculture en conditions contrôlée (encadré) ainsi que les solutions énergétiques locales telles que le recyclage de l’urine, pour produire de l’énergie (extraire de l’hygrogène) ou encore la réutiliser sous forme de fertilisant. Des innovations qui pourraient trouver leur utilité dans les pays en voie de développement.
0 commentaire
Réagissez !
Merci de vous connecter pour commenter cet article.