Épidémiosurveillance : une mini-révolution pour le Bulletin de Santé du Végétal

L’évolution des méthodes de lutte contre les bioagresseurs nécessite davantage de modélisation et de partage d’informations techniques. À cette fin, les observations de terrain doivent être accentuées afin de calibrer des analyses de risque plus diversifiées et d’avertir plus vite, avec plus de précision, sur l’état des nuisibilités.
Les évolutions du Bulletin de Santé du Végétal

Le Bulletin de Santé du Végétal (BSV) présente un état sanitaire des cultures grâce au réseau d’épidémiosurveillance. Il donne une évaluation du risque phytosanitaire en fonction des conditions pédoclimatiques, des sensibilités des cultures, de seuils, de grilles de risques ou des modèles de prévisions pour les ravageurs et les maladies. Le BSV diffuse également des messages réglementaires.

Un comité national et des comités régionaux structurent le dispositif pour chaque filière végétale. Les acteurs du réseau sont composés de techniciens des structures agricoles (coopératives, négoces et autres structures économiques, chambres d’agricultures, instituts techniques, Fredons, enseignement agricole, agriculteurs).

UN CADRE DE RÉFÉRENCE : les BSV donnent une vision globale des risques dans chacune des régions françaises
En 2018, les ministères chargés de l’agriculture et de l’environnement ont confié au CGEDD1  et au CGAAER2 une mission d’expertise du réseau d’épidémiosurveillance de façon à réorienter le dispositif face à une baisse des moyens alloués. À la suite de ce rapport, émis fin 2019, la Direction Générale de l’Alimentation (DGAl) a produit une instruction technique (2022-241) qui priorise le financement.

Ce texte présente une liste de 28 cultures, correspondant à 395 couples d’organismes nuisibles et de cultures qui constituent l’enjeu prioritaire du plan écophyto. Ce premier socle est financé par écophyto dont le budget général a baissé de 6 % en 2022 par rapport à 2021 - et les ressources financières des prochaines années restent encore inconnues. Les réflexions se poursuivent afin de compléter cette liste restreinte et de ne pas réduire la couverture des cultures prises en compte.

D’autre part, les régions pourront justifier du financement d’un BSV pour une culture absente de la liste de priorisation nationale du premier socle sur la base d’un « enjeu phyto local », d’un enjeu économique, d’un besoin de certification pour l’export, d’une exigence One Health3 ou liée à un impact sur la biodiversité et l’environnement (résistance...). L’intérêt de surveiller un organisme de quarantaine d’une culture pourra aussi justifier un financement. Cette surveillance sera réalisée dans le cadre de la SORE (Surveillance des organismes réglementés et émergents).

Des bulletins recentrés sur l’agroécologie

GRANDES CULTURES : 885 bulletins régionaux émis en 2021
La note de la DGAl étend le périmètre des BSV en y intégrant des données relatives à la biodiversité fonctionnelle et à la biodiversité en général, ainsi que des données sur les organismes nuisibles de type One Health (ambroisie, datura, ergot...). La note ajoute également le suivi des organismes nuisibles « à enjeux pour l’export ». Elle maintient des « BSV bilan » en fin ou en début de campagne.

Outre des données météo et les stades phénologiques, le nouveau type de bulletin assortirait les observations de terrain d’éléments de biologie et d’informations sur les risques de confusion à l’examen visuel. Une analyse de risque serait proposée (phytosanitaire, organisme nuisible émergent et/ou réglementé, plante invasive, résistance...), ainsi que les moyens de lutte préventive (variétés tolérantes, pratiques culturales, prophylaxie...), ou encore les méthodes alternatives et de biocontrôle (auxiliaires naturels...).

Vers de nouveaux services

L’instruction de la DGAl décrit par ailleurs l’architecture du nouveau système d’information dans lequel Vigicultures est retenu pour recueillir les données observées. Ce portail et son application mobile sont aujourd’hui largement utilisés en grandes cultures, cumulant 5,6 millions d’observations au 31 décembre 2021 (encadré). Vigicultures devra, à moyenne échéance, étendre ses capacités d’hébergement aux données recueillies en cultures légumières, en arboriculture et en viticulture. Des travaux sont en cours afin que cet outil puisse aussi héberger des données issues des applications collaboratives utilisées par les agriculteurs (Companion, Agricommunity, Agrifind…).

Un portail dédié à la surveillance des bioagresseurs : www.vigicultures.fr

Sur 4590 abonnés au total en 2022, 1245 observateurs sont contributeurs du réseau. Ils proviennent à 47 % de coopératives et négoces, 27 % des chambres d’agriculture et 8 % des instituts techniques. Une centaine d’animateurs - dont 52 % proviennent des instituts, 31 % des chambres et 14 % des Fredons - sont chargés d’examiner les données observées par filière, de les valider et de rédiger chaque semaine un projet de BSV, ensuite validé par un comité de lecture. Depuis son lancement en 2008, Vigicultures recueille, en moyenne chaque année, 460 000 observations sur 4 000 parcelles de 17 grandes cultures différentes, soit un total de presque 6 millions de données. En 2021, 518 000 observations sur 3968 parcelles de 14 cultures ont été réalisées.

Vigicultures dispose d’une interface de programmation applicative (API) donnant un accès depuis différents supports (smartphone, site internet, logiciels de statistiques…). Cette technologie facilitera les besoins d’interopérer avec les applications collaboratives et les outils partenaires comme Companion Pro et Landfiles.

Il est par ailleurs envisagé de bâtir une plateforme de calculs afin d’automatiser l’élaboration de cartes, tableaux et graphiques qui pourraient devenir interactifs et consultables sur un site internet.

(1) CGEDD : Conseil général de l’environnement et du développement durable
(2) CGAAER : Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux
(3) Le concept One Health (« une seule santé ») vise à promouvoir une approche pluridisciplinaire et globale des enjeux sanitaires, du fait des liens étroits entre la santé humaine, celle des animaux et l’état écologique global.

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