Climat 2019-2020 : les campagnes atypiques deviennent-elles la norme ?

Les excès ou anomalies climatiques s’enchainent à différentes échelles temporelles et géographiques et perturbent le développement des cultures. Retour sur une campagne 2020 qui a encore réservé son lot de surprises.
Une saison climatique pertubée

Après un été 2018 au troisième rang des étés les plus chauds en France, la tendance chaude s’est maintenue : sur l’Europe, l'automne 2019 a été le quatrième plus chaud depuis le début des mesures, derrière les automnes 2006, 2018 et 2015, avec une anomalie de température de +1,1°C. En France, la douceur a également été de mise. Hormis une période de fraîcheur assez marquée au mois de novembre, les températures ont été le plus souvent supérieures aux normales : plus de 1°C au-dessus du nord de la Nouvelle-Aquitaine à la Bourgogne-Franche-Comté, sur le nord des Alpes et le long du couloir rhodanien, mais proches des valeurs de saison sur les régions bordant la Manche et près des Pyrénées.

Un hiver d’une grande douceur

Après un mois de septembre sec et ensoleillé, de nombreuses perturbations très actives se sont succédées sur la France début octobre, s'accompagnant de pluies très abondantes sur l'ouest du pays, notamment sur le sud de l'Aquitaine. En outre, plusieurs épisodes méditerranéens intenses ont généré des pluies diluviennes sur le Sud-Est. En moyenne, sur la France et sur la saison, la pluviométrie a été excédentaire de plus de 30 % (figure 1-A).

L'hiver 2019-2020 a été l'hiver le plus chaud en France depuis le début du XXe siècle. Le pic de douceur a été atteint en février, classé au second rang des mois les plus chauds depuis 1900, derrière l’année 1990. Côté pluviométrie, janvier a été relativement sec, sauf localement, de la Bretagne au Poitou-Charentes et sur le Roussillon. En revanche, les pluies de février ont été plus conséquentes, avec un excédent de l’ordre de 20 %, mais aussi une forte disparité géographique : la moitié nord a bénéficié de pluies abondantes, alors que le déficit perdurait dans la moitié sud, en particulier sur le pourtour méditerranéen. À l’échelle saisonnière, les pluies ont été excédentaires de plus de 10 %, avec, néanmoins, un déficit marqué au sud de l’Aquitaine, et du centre-est à la Méditerranée (figure 1-B).

Les tempêtes (encadré) ont été particulièrement nombreuses cette année. On dénombre onze tempêtes depuis février, dues à une importante différence de pression entre la zone des Açores et la zone nord-atlantique, qui favorise de puissants vents d’ouest et un fort courant jet en altitude, et pas moins de quinze tempêtes depuis l’automne, la plupart d’intensité faible à modérée.

Un printemps globalement très chaud et agité

La tendance chaude s’est poursuivie au printemps, malgré un sévère refroidissement fin mars à début avril avec le retour des gelées en plaine, en particulier du nord-est au centre-est, avec des valeurs comprises entre -8°C et -5°C, puis de nouvelles gelées à la mi-mai. Le printemps 2019 vient ainsi au deuxième rang des printemps les plus chauds depuis 1900, derrière 2011 et devant 2007.

Dans son ensemble, le printemps 2020 a été déficitaire en pluies de plus de 10 %, avec de fortes disparités régionales (figure 1-C). Le déficit a été particulièrement marqué dans le Grand Est et la Bourgogne - à l’opposé de la région PACA qui a connu d’intenses épisodes orageux.

Cependant, à la fin mai, le niveau des nappes phréatiques restait très satisfaisant dans la plupart des régions du fait des pluies hivernales. Les pluies de début mai ont stoppé la vidange et permis de stabiliser les niveaux. Au nord, le manque de pluie au printemps pénalise fortement certaines nappes à inertie faible, en particulier en Lorraine et en Alsace.

Après ce printemps doux, le changement en juin a été assez net, avec un temps frais et de nombreuses pluies orageuses. Surtout, juin marque la fin de douze mois consécutifs où les températures ont été supérieures aux normales. Malgré cela, le premier semestre 2020 s’affiche comme le plus chaud jamais enregistré en France, devançant 2007 et 2014.

Les pluies de juin ont été excédentaires de plus de 30 % sur la France. Notamment, un épisode orageux est survenu sur les Cévennes et le Massif Central les 11 et 12 juin, remarquable à cette période de l’année, avec des cumuls dépassant les 300 mm (encadré). Les précipitations, présentes surtout en deuxième et première décade, apportent des cumuls importants sur la Bretagne, les pays de Loire et le Massif Central et, plus localement, en région PACA. La Bretagne enregistre son mois de juin le plus pluvieux depuis 1959, à égalité avec juin 2007.

Le risque de pluies intenses s’accroît en FranceConcernant l’évolution de l’intensité et de la fréquence des pluies intenses, l’ONERC a constaté une augmentation de 20 % des pluies journalières les plus fortes sur le pourtour méditerranéen entre 1960 et aujourd’hui. En automne, sur les Cévennes, la probabilité de dépasser aujourd’hui des seuils élevés (300 mm/jour) a environ triplé en soixante-cinq ans. En fréquence, le nombre d’événements générant des cumuls de pluie supérieurs à 200 mm est également en hausse significative du point de vue statistique depuis 2000.

Une tendance générale se dessine ainsi, avec une augmentation de la quantité de pluie tombant au cours des épisodes les plus extrêmes, à l’instar des phénomènes cévenols. On observe une extension des zones impactées par ces pluies extrêmes au-delà des régions habituellement touchées, notamment vers le sud-est et les Pyrénées.

Ce surcroît de précipitations n’aura été que de courte durée, car juillet 2020 s’affiche au premier rang des mois de juillet les plus secs, devant juillet 1964 et juillet 1979. Les précipitations en moyenne sur la France n'atteignent que 28 % des valeurs de référence. Ce déficit de pluie touche plus particulièrement les régions du Sud-Ouest à la vallée de la Loire et jusqu’au Nord-Est. Ce déficit pluviométrique a multiplié les arrêtés préfectoraux imposant des restrictions d’eau : le 31 juillet, 68 départements faisaient l’objet d’une réduction des prélèvements d’eau à des fins agricoles. Plusieurs des zones géographiques qui avaient souffert du manque d'eau fin juillet 2019 ont été à nouveau touchées, à l’image du centre et de l'est de la France, du Massif central à l'Alsace, la Bourgogne, et d’une partie du Rhône-Alpes.

Ces contraintes climatiques majeures, les précipitations excessives à l’automne qui ont compliqué les semis, puis la sécheresse printanière vont avoir des répercussions fortes sur la production agricole, avec de fortes hétérogénéités selon les régions. Les premières estimations nationales de production de blé sont assez décevantes, même si la qualité ne devrait pas être trop impactée. La sécheresse estivale suscite des inquiétudes pour les cultures d’été pluviales.

Tempêtes : une évolution difficile à cernerSur la période 1980-2018 (figure 2), on observe une forte variabilité d’une année à l’autre, mais trois périodes semblent se dessiner : une augmentation du nombre des tempêtes dans les années 1980, une diminution dans les années 2000, puis une tendance haussière sur les années récentes, qui ne s’accompagne toutefois pas d’une augmentation de leur puissance. Si l’on ne peut encore prédire l’évolution de la force, de l’occurrence et de la trajectoire des tempêtes dans le cadre du réchauffement climatique, il faut toutefois s’attendre à un risque accru d’inondations côtières par les vagues du fait de l'élévation du niveau des océans, et à des précipitations plus intenses du fait du phénomène de dépression et de l’augmentation de la quantité de vapeur d’eau contenue dans l’atmosphère.

Prévisions décennales : toujours plus chaud…Selon l’Organisation Météorologique Mondiale, la température moyenne mondiale sur la période 2020-2024 devrait être supérieure d'au moins 1°C par rapport aux niveaux préindustriels (1850-1900). Et la probabilité qu'elle dépasse 1,5°C pendant au moins une de ces années est de 20 %. Toutes les régions devraient être plus chaudes, en particulier le nord de l'Europe, l'Asie et l'Amérique du Nord. Ces prévisions ne tiennent pas compte de l’impact de l’épidémie de coronavirus sur les émissions de gaz à effet de serre, mais il est fort probable que la variation de la concentration en CO2 dans l’atmosphère restera très marginale. Ces projections confirment l’accélération du réchauffement. La NASA annonce que le premier semestre 2020 a été le deuxième plus chaud à l'échelle de la planète, avec une anomalie de température de +1,12°C, juste derrière janvier-juin 2016. Cette tendance se retrouve également en Europe : selon le site Copernicus, les six premiers mois de 2020 sont les plus chauds jamais enregistrés, avec une anomalie de température de +1,73°C, devant 2007 et 2014.

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