Méthanisation : quel équilibre technico-économique entre CIVE et cultures principales ?

Selon son développement et sa date de récolte, une CIVE peut avoir un impact sur le rendement de la culture suivante. Quelle est la date de récolte idéale pour la CIVE ? Quel est le meilleur compromis technico économique ? Une série d’essais conduits dans le cadre du projet RECITAL apporte des réponses à ces questions.
Près de 40% de l’énergie produite par la méthanisation pourrait être issue de CIVE.

La recherche du compromis entre production de biomasse et culture alimentaire est une question majeure pour les agriculteurs impliqués directement ou indirectement dans des projets de méthanisation. Il s’agit d’un compromis technique et de productivité mais aussi économique, selon les prix de vente des cultures alimentaires et les opportunités de valorisation des CIVE. Quel est l’impact de la date de récolte de la CIVE sur le rendement de la culture suivante ? Cette question a été travaillée dans le projet RECITAL1 au travers de 3 essais : 2 essais annuels et un pluriannuel présent sur la plateforme SYPPRE - Béarn.

Les raisons des pertes de rendements

Sur cet essai pluriannuel, un maïs grain est semé après une CIVE d’hiver précédée d’un soja ou d’un maïs grain, et comparé à une monoculture de maïs sans CIVE mais avec mulch (système de référence). La productivité moyenne des CIVE sur six ans est de 7 tonnes de matière sèche par hectare (tMS/ha) pour la CIVE implantée entre deux maïs, et de 7,4 tMS/ha pour la CIVE implantée après le soja. Cette légère différence de productivité s’explique par l’implantation plus précoce de la CIVE après un soja (début octobre) par rapport à un maïs (seconde quinzaine d’octobre). La perte de rendement du maïs post-CIVE (semée généralement au 10 mai) est en moyenne de 10 % (soit une perte de 1,2 t/ha) (figure 1). Elle peut être causée par un changement de gamme de précocité du maïs dû à ce semis plus tardif (en moyenne 20 jours plus tard que le témoin). Cette perte peut également être due à un bilan hydrique plus défavorable après la CIVE qui consomme une part du réservoir utile pour le maïs suivant. L’impact de la CIVE sur la structure de sol ou l’impact de l’espèce de CIVE pourraient aussi expliquer cet écart.

PRODUCTIVITé DU MAÏS : des écarts liés aux dates d’implantation


Pour mieux comprendre cette perte de rendement, deux essais complémentaires ont été conduits :

  • à Boigneville, un maïs irrigué a été implanté après différentes CIVE d’hiver. Le système témoin est un maïs plus tardif semé à une date de référence (15/04) après couvert détruit (effet variété de la CIVE et date d’implantation) (figure 2) ;
  • à Montardon, un maïs a été semé après différentes CIVE d’hiver et comparé à la même variété semée à la même date sur sol nu (effet précédent CIVE versus sol nu).

SUR LE MAÏS SUIVANT : pas d’impact de l’espèce de Cive sur le rendement

Ces deux essais conduits sur deux ans (2021 et 2022) ne montrent pas d’impact de l’espèce de CIVE sur le rendement du maïs suivant. L’effet d’association avec des légumineuses n’est pas non plus mis en évidence. On notera toutefois qu’une CIVE constituée d’une association de céréales avec 20 à 30 % de légumineuses permet de maintenir la productivité des CIVE et de réduire légèrement la fertilisation azotée, tout en renforçant la teneur en azote de la biomasse apportée aux digesteurs et du digestat.

À Boigneville, la perte de rendement du maïs grain irrigué (136 mm en 2021 et 30 mm en 2022) après une CIVE par rapport au système de référence (précédent CIPAN détruit en janvier) est d’un peu plus de 10 % (11 % en 2021 et 13 % en 2022), pour un semis du maïs début mai.

Ces premiers résultats sont obtenus avec des contraintes spécifiques de production (date de récolte de la CIVE et date d’implantation de la culture suivante fixes) : cette perte ne peut être appliquée pour des dates plus tardives. Ces travaux doivent être poursuivis et étendus à d’autres espèces (sorgho, tournesol, soja…).

 

Une récolte tardive de CIVE induit une perte de rendement sur la culture suivante pouvant atteindre 20 à 30%.
Une récolte tardive de CIVE induit une perte de rendement sur la culture suivante pouvant atteindre 20 à 30%.
 

Quelles pertes de rendement ?

Si l’espèce de CIVE n’est pas un facteur explicatif de l’écart de rendement du maïs post-CIVE par rapport au témoin, le changement de gamme de précocité du maïs qui suit en est un, avec une différence de 0,5 t/ha en moyenne par groupe de précocité.

Quant à l’alimentation hydrique, les CIVE consomment une large part du réservoir utile (figure 3). Plus la récolte est tardive, plus ce réservoir est entamé. Historiquement, la pluviométrie du mois de mai est toutefois importante et permet de reconstituer une partie de ce réservoir pour la culture suivante. Un calcul fréquentiel a été réalisé pour un sol de 120 mm de réservoir utile et montre une opportunité de reconstitution d’au moins 50 % en dehors du pourtour méditerranéen. Malgré le fait que ce réservoir sera difficilement re-rempli au-delà de 75 %, il pourrait permettre d’assurer un démarrage de la culture suivante sans stress hydrique sévère.
Le poids de chacun de ces facteurs d’impact n’est donc aujourd’hui pas clairement connu.

RÉSERVE HYDRIQUE : les CIVE en consomment une large part

Les résultats de ces essais sur l’impact de l’introduction d’une CIVE sur le rendement de la culture suivante ont été complétés avec de précédents résultats d’expérimentation sur des semis tardifs de maïs et l’expertise régionale des ingénieurs Arvalis. La perte de rendement induite sur la culture suivante pourrait atteindre 20 à 30 % suivant les différentes régions pour des récoltes de CIVE effectuées après le 20 mai.

Etant donné qu’un gain de biomasse de la CIVE se fait au détriment du rendement de la culture suivante, existe-il une date optimale de récolte de la CIVE qui permette de majorer la performance économique de la séquence CIVE + culture suivante ? Pour y répondre, nous avons cherché à déterminer le nombre de jours de décalage de semis de la culture principale (maïs grain dans l’exemple ci-dessous) par rapport aux pratiques de référence (semis au 15/04) qui permette de maximiser la marge nette de la séquence CIVE + culture suivante.

La marge nette totale de la succession est fonction du rendement, du prix et des charges des deux cultures. Les charges de la CIVE ont été considérées constantes quelle que soit la date de récolte. Les charges de la culture alimentaire varient en fonction de la durée de son cycle du fait d’un potentiel de rendement (et donc de besoins en azote) différent.  

En vallée du Rhône, pour un prix du maïs grain de 190 €/t et une CIVE valorisée à 110 €/tMS (rapport prix CIVE/ prix maïs de 0,58), ce sont 18 jours maximum de croissance de CIVE supplémentaires qui permettront d’obtenir la meilleure marge nette à l’échelle de la succession.

 

Les CIVE consomment une large part du RU et plus leur récolte est tardive, plus celui-ci est entamé.
Les CIVE consomment une large part du RU et plus leur récolte est tardive, plus celui-ci est entamé.

 

Un décalage de récolte lié au potentiel de production

Le rapport de prix entre la culture alimentaire et la CIVE est un indicateur clé à prendre en compte dans l’arbitrage de la date de récolte de la CIVE (tableau 1) :

  • Dans le cas d’un rapport faible (prix des cultures alimentaires élevé par rapport au prix de la CIVE), il vaut mieux privilégier la culture suivante et donc récolter la CIVE plus tôt pour éviter une perte de potentiel trop importante sur la culture alimentaire
  • Dans le cas inverse (faible prix des cultures alimentaires par rapport au prix de la CIVE), la CIVE peut être récoltée plus tardivement pour maximiser son rendement. Le gain de marge sur la CIVE permettra de compenser la perte économique sur la culture suivante.

ARBITRER LES PRODUCTIONS : la productivité des cultures dépend de la date de récolte de la CIVE

Des conditions d’optimum technico-économique très proches ont été observées dans cinq grands bassins de production au cours du projet RECITAL : Vallée du Rhône, zone Centre-Est (plateaux de Bourgogne et Champagne), Centre – Ile de France, Grand Ouest et Sud-Ouest (tableau 2). Avec un gradient de potentiel de production de CIVE largement lié aux températures (Sud-Ouest Nord-Est), le décalage sera proche de 15 jours dans les zones plus précoces de la façade Ouest ou méditerranéenne et de 20 jours en remontant vers le Nord-Est, toujours avec ces quelques jours d’ajustement selon les rapports de prix.

CIVE OU MAÏS : décaler la date de semis pour optimiser la marge des deux cultures

(1) RECITAL est un projet soutenu par l’Ademe avec la collaboration de GrDF, coordonné par ARVALIS en partenariat avec AILE, la Chambre régionales d’agriculture des Pays de Loire, l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France, ENGIE, la CAVAC, Oxyane et Euralis.

0 commentaire

Réagissez !

Merci de vous connecter pour commenter cet article.

Se connecter
Ou connectez-vous avec
Pas encore inscrit ?
Créer un compte
Vérification
Saisissez d’abord votre adresse email pour vous connecter ou créer un compte
Ou connectez-vous avec
Mot de passe oublié

Pour réinitialiser votre mot de passe, vérifiez votre adresse mail ci-dessous, cliquez sur Envoyer et suivez les instructions qui vous seront envoyées par mail.