Comment réussir la conduite d’un blé dur ?
Perspectives Agricoles : Quelles sont les conditions favorables au blé dur ?
Matthieu Killmayer : Les meilleures conditions pédoclimatiques se trouvent dans les zones d’implantations traditionnelles du Sud-Est, du Sud-Ouest, de l’Ouest-Océan et du Centre. Toutefois, le blé dur peut être produit en dehors de ces régions avec succès - des initiatives existent en Alsace par exemple - en privilégiant les secteurs ayant une fin de cycle séchante ; la prise de risque est alors un peu plus importante. Il est recommandé de choisir des parcelles n’ayant pas un précédent maïs ou sorgho afin de limiter le développement de mycotoxines. De même, les sols avec un historique mosaïque sont à éviter. Bien que la variété de blé dur la plus utilisée occupe la moitié des surfaces - et un quart pour la seconde - il est fortement conseillé d’utiliser une plus grande diversité variétale afin de réduire les risques des différents aléas, en particulier celui des maladies dont le contournement des résistances variétales peut compromettre la production, comme cela s’est produit cette année dans le Sud-Est avec la rouille jaune. En moyenne pluriannuelle, le blé dur s’avère plus rentable que le blé tendre. Ainsi, lorsqu’il est possible d’implanter du blé dur, la meilleure stratégie consiste à le faire chaque année. Dans le contexte actuel d’une production mondiale inférieure à la demande, les perspectives de marché semblent plutôt favorables.
P. A. : Certains aspects sont-ils plus particulièrement à surveiller ?
M.K. : La période de semis s’étend de fin octobre à début novembre selon la région et la précocité de la variété. Il pourra être utile de semer plus tard, notamment face à un enherbement important, et même d’attendre le printemps s’il le faut, afin d’assurer une bonne qualité d’implantation. Un ressuyage suffisant et une bonne structure du sol sont essentiels à cette espèce dont l’enracinement est plus faible que celui d’un blé tendre. Le positionnement des intrants demande un ajustement précis selon les conditions de l’année. Il sera ainsi important d’économiser les apports d’azote s’ils ne peuvent être valorisés ou, au contraire, d’en ajouter au moment opportun, en vue d’atteindre les 14 % de protéines requis. Il est également capital d’assurer la qualité sanitaire, principalement en protégeant la fleur contre la fusariose, tout en économisant sur le budget des fongicides, lorsque cela est possible. Le choix de variétés récentes, plus tolérantes, peut y contribuer en supprimant le premier traitement, si la pression maladie n’est pas trop élevée. En fin de cycle, en présence de forte chaleur et de vent, les grains perdent 2 à 4 % d’humidité par jour. En deçà de 14 % d’humidité, le nombre de grains cassés risque d’être élevé. De plus, les orages peuvent dégrader la qualité en quelques jours : 1 mm de pluie entraine 1 % de mitadin en plus. Il faut donc être en mesure d’arbitrer les priorités de chantiers grâce au suivi de la dessiccation des grains.
P. A. : Comment réaliser ce pilotage précis de la culture ?
M.K. : Les nombreux outils d’aide à la décision existants apportent un soutien appréciable. Face à des années de plus en plus atypiques, ils sont une réponse efficace pour gérer les aléas climatiques. Plus particulièrement avec le blé dur, piloter finement chacune des interventions réduit les incertitudes. D’autre part, les acteurs de la filière se sont organisés pour conseiller au plus près les producteurs. Des comités techniques blé dur, dans les quatre régions de production françaises, construisent les messages adaptés à chaque zone, sur la base des suivis locaux et des essais réalisés par les différents partenaires. Ces messages sont ensuite diffusés localement, notamment par les ingénieurs régionaux d’Arvalis et sur www.arvalis-infos.fr
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