Quelle variété de sorgho choisir ?

Le sorgho n’est pas la solution miracle pour remplacer les cultures d’été conduites « en sec », qui sont particulièrement exposées au manque d’eau et aux fortes températures. En revanche, c’est une culture de diversification intéressante et compétitive en raison de son faible coût de production (peu d’intrants). Autre atout au champs : sa conduite ne nécessite pas de matériel spécifique - semis comme récolte peuvent se réaliser avec les mêmes outils que les céréales à paille.

Pour acquérir toutes les connaissances utiles au choix des variétés adaptées aux différents contextes, des essais sont menés au sein d’un réseau commun Arvalis-GEVES-UFS Sorgho. Il a pour objectif de caractériser et de confirmer la valeur agronomique des nouvelles variétés qui sont comparées à des variétés de référence reconnues et largement cultivées.

Les variétés évaluées proviennent d’inscriptions au catalogue officiel français, mais aussi du catalogue européen lorsqu’elles font l’objet d’intention de développement en France. Les nouvelles variétés sont expérimentées plusieurs années afin d’apprécier la stabilité de leurs performances. En sorgho grain, la régularité des rendements sous contraintes hydriques est évaluée à l’aide de réseaux d’essais différenciés en matière de potentiels de rendements et de conduites de culture.

SORGHOS GRAIN

Le sorgho grain est destiné avant tout à un usage alimentaire, principalement animal. Il représente environ 75 % des surfaces de sorgho en France.

Comment raisonner le couple date de semis/précocité ?

Avec l’élévation des sommes de températures moyennes et le développement de génétiques précoces, la culture du sorgho s’est étendue vers le nord (Pays-de-la-Loire, Nord Centre voire Normandie et Bourgogne). Cependant, pour garantir une levée correcte du sorgho, qui est assez sensible à la perte à la levée du fait de sa petite graine, il est nécessaire d’avoir une température de sol proche de 12°C. Une telle température n’est, en moyenne, généralement pas atteinte avant début mai en zone septentrionale, ce qui conditionne le début des plages de semis dans cette zone. En zone méridionale, le semis peut être avancé de 15 jours.

Même en semant une variété très précoce (dont le cycle est plus court), plus on va vers le nord de la France, plus le risque de récolter du sorgho grain humide augmente. Ainsi, il est difficile d’envisager des récoltes de sorgho grains à moins de 20-25 % d’humidité au nord de la Loire, en dehors des années climatiques extrêmes comme 2022. De plus, le panicule du sorgho est directement exposé aux variations d’humidité et aux pluies après maturité physiologique, ce qui peut engendrer une réhumidification du grain lors des automnes humides.

Au moment de choisir sa variété, pour éviter des frais de séchage trop élevés, il faut prendre en compte la précocité et la date de semis. Dans le centre de la France, on misera sur des variétés précoces (ou milieu de groupe) du réseau septentrional, en se tenant prêt à semer dès que possible début mai (accompagnement possible avec une fertilisation starter et la protection insecticide).

Les évaluation 2022

Depuis 2021, les essais variétés sont regroupés en deux réseaux (figure 1) contre trois précédemment : le groupe septentrional pour les variétés les plus précoces de la gamme (ancien groupe des très précoces à précoces + certaines demi-précoces), et le groupe méridional pour les variétés plus tardives cultivées au sud d’une ligne La Rochelle-Lyon (ancien groupe des demi tardives à tardives + quelques demi-précoces).

• Groupe septentrional
En 2022, dix essais ont évalué six variétés de référence (Arfrio, Arsky, Arabesk, RGT Belugga, RGT Dodgge et Armorik), une variété présente au titre de ses ventes (Arkanciel), une variété du groupe méridionale, Arcane, demi-précoce (pour indiquer la borne de précocité du groupe septentrional), deux variétés en première année de post-inscription, Ponant et Sinaï, et deux variétés en expérimentation probatoire, ES Willy et Podium (figure 2-A).

La campagne 2022 s’est distinguée par son printemps-été très chaud, ce qui a engendré des avances de stades record sur les sorghos et un séchage des grains au champ. Ainsi, selon les variétés, le taux d’humidité moyen des grains a varié de 15 à 19 % pour des rendements moyens compris entre 65 et 71 q/ha.

Certaines variétés tirent leur épingle du jeu en 2022 : la nouveauté Sinaï se distingue par un rendement élevé et un taux d’humidité très faible, l’éloignant de la relation générale rendement-humidité, ainsi que par un bon comportement en potentiel limité ; RGT Dodgge, plus tardive, a aussi été performante.

En pluriannuel, les variétés RGT Dodgge, Arkanciel, Sinaï confirment leur potentiel de rendement élevé, de même que Podium - mais cette variété demi-précoce est, de ce fait, un peu plus à risque au niveau des frais de séchage.

• Groupe méridional
Sur les dix-neuf variétés de ce groupe évaluées dans treize essais (figure 2-B), Margo, Aria et Diadem sont en première année de post-inscription, et Pretoria est en expérimentation probatoire. En plus de la synthèse globale de tous les essais, des synthèses par niveaux de potentiel, modéré ou élevé, sont réalisées. Dans les essais à potentiel modéré (parcelles superficielles, non irrigués…), le rendement moyen est proche de 56 q/h, quand il est autour de 85 q/ha pour les essais aux potentiels plus élevés (sols plus profonds, parcelles souvent irriguées…).

Parmi les demi-précoces, les variétés récentes Margo, Gibson et Diadem sont proches des variétés Arcane, RGT Aliggator et Ariane. À noter : la belle performance d’Aria, variété la plus précoce du groupe, qui fait jeu égal en 2022 avec les variétés demi-tardives. Parmi ces dernières, Armelia, RGT Ggustav et ES Monsoon ont confirmé leurs bons potentiels des années précédentes.

Les conditions sèches de 2022 ont été moins favorables à Pretoria, variété très tardive, Balaguere et ES Foehn, avec des résultats en retrait par rapport aux années précédentes pour les deux dernières.

SORGHOS FOURRAGERS MONOCOUPE

Les sorghos fourragers représentent environ 25 % des surfaces de sorgho en France. Une de leurs particularités est leur capacité à rester vert sur de longues périodes sèches, et à repartir en végétation si des pluies significatives reviennent. Leur culture est encore difficile au nord de la Loire et dans l’est de la France, mais on peut « l’espérer » à l’avenir vu l’évolution des températures.

Des critères de choix à prioriser

Seuls les sorghos fourragers monocoupe sont actuellement évalués en post-inscription. Ils se distinguent par leur valeur alimentaire (tableau 1). Les types « grain » contiennent à la récolte un plus fort taux d'amidon, moins de sucres solubles et une matière sèche plus élevée. À l’autre bout du spectre, les types « sucriers PPS BMR » offrent le pourcentage le plus faible d’amidon et de matière sèche et une teneur en sucres solubles élevée.

Le premier critère de sélection d’une variété fourragère est son type d’usage afin de déterminer un objectif de valeur énergétique. Si la finalité du sorgho est l’alimentation des vaches laitières productives et des jeunes bovins à l’engraissement, on sèmera une variété de type « ensilage », à valeur énergétique élevée. Une variété dite « double usage », à valeur énergétique moyenne, conviendra à l’alimentation des vaches allaitantes et des génisses ainsi qu’à la méthanisation. Les variétés offrant une faible valeur énergétique ont une vocation purement industrielle (méthanisation, biomatériaux, biocarburants…).

Le deuxième critère est sa précocité (figure 3), qui influence à son tour la teneur en matière sèche à la récolte - un critère important pour trouver une variété adaptée à sa région, et qui influence l’organisation de la récolte ; c’est d’autant plus important si le fourrage doit être ensilé seul (risque de jus s’il est trop humide).

La productivité n’intervient qu’en dernier ; généralement lorsqu’elle augmente, la valeur alimentaire décroît.

Deux réseaux d’évaluation selon la taille

Les sorghos fourragers monocoupe sont évalués dans deux groupes différents, répartis dans toute la France : les monocoupe 1 sont des variétés plutôt de petite taille, généralement assez précoces ; les monocoupe 2 sont de grande taille et souvent plus tardives.

En 2022, trois variétés monocoupe 1, RGT Ggolf, Forum et Argensor, et quatre variétés monocoupe 2, Iris, Rutile, KWS Juno et KWS Fenixus, ont été évaluées en première année de post-inscription.

En monocoupe 1 (figure 4-A), Arigato (demi-précoce) et BMR41 (demi-tardive) sont des variétés destinées à l’alimentation des animaux à hauts besoins qui ont le meilleur compromis « valeur alimentaire/productivité ». Parmi les variétés à double usage, les demi-précoces Vegga, Forum et RGT Bigben et la variété RGT Ggolf, plus précoce, se distinguent par leurs bons UFL (unitées fourragères lait). Vegga et RGT Swing (précoce) amènent un peu plus de productivité.

En monocoupe 2 (figure 4-B), Iris, Nutrigrain, ES Athena et ES Hyperion ont les plus hautes valeurs alimentaires (rubrique ensilage), tandis qu’Emeraude et Rutile, plus productives, conviennent à un double usage. Parmi les variétés à usage principalement industriel, Amiggo et Joggy font partie des variétés à plus forte biomasse, en 2022 comme en pluriannuel.