Protection des cultures : ce qu’il faut retenir de l’actualité réglementaire
Dans le cadre du plan « Écophyto II+ », lancé en avril 2019, les actions portant sur la sortie du glyphosate se sont poursuivies avec le lancement d’une mission interministérielle. Cette substance est en cours de réévaluation au niveau européen. Un premier rapport, diffusé en juin 2021 par le groupe d’évaluation, se prononce en faveur du maintien de la classification actuelle du glyphosate, sans retenir le classement cancérogène ou mutagène. Une consultation publique a été lancée fin septembre 2021, pour deux mois. La décision de réautoriser ou d’interdire la molécule au niveau européen est prévue fin 2022.
Du côté de la première loi ÉGalim (2018), le principe de la protection du voisinage avait été instauré. En décembre 2019, un arrêté lançait le dispositif des zones non traitées de protection du voisinage (« ZNT riverains ») à proximité des zones d’habitations ou d’accueil de personnes vulnérables. Toutefois, cet arrêté a été annulé après l’avis du Conseil d’État. L’État a six mois, à compter du 26 juillet 2021, pour revoir sa copie. Une nouvelle zone « riverains » pourrait être introduite sur les parcelles qui jouxtent des zones accueillant des travailleurs, ainsi qu’une ZNT incompressible pour les produits classés CMR2.
Qu'est-ce qu’un produit de biocontrôle ?Il n’existe pas de catégorie de produits de biocontrôle à l’échelle européenne. Chaque état applique ses propres règles. La Commission européenne doit rendre un diagnostic de situation avant le 31 décembre 2022 et identifier les contours de la future réglementation. En France, il existe un double statut pour les produits de biocontrôle. Ceux qui répondent à la définition générale*, établie dans le cadre de la loi d’avenir de 2014, et ceux qui figurent sur la liste des produits de biocontrôle**, actualisée chaque mois dans une note de service de la DGAL. Cette liste exclut les produits qui présentent certains critères de toxicité et d’écotoxicité.
* : article L253-6 du code rural : les produits de biocontrôle sont des « agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Ils comprennent en particulier : les macro-organismes, les produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques, comme les phéromones et les kairomones, et des substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale. »
** : liste d’octobre 2021 disponible sur http://arvalis.info/28x
Conseil stratégique et renouvèlement du Certiphyto
La séparation des activités de vente et de conseil, un dispositif également issu de la loi ÉGalim, est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Les distributeurs d’intrants ont dû choisir entre activité de vente et activité de conseil sur les produits phytopharmaceutiques. Le dispositif prévoit un conseil stratégique obligatoire pour les agriculteurs et un conseil spécifique non obligatoire. Les justificatifs du conseil stratégique seront exigés lors du renouvèlement du « Certiphyto » de l’agriculteur sauf, entre autres, en cas d'usage exclusif de produits de biocontrôle, si l’exploitation est en agriculture biologique (y compris en phase de conversion) ou si une certification HVE a été obtenue. Les producteurs ne seront pas obligés de fournir une preuve de conseil stratégique si le renouvèlement de leur Certiphyto intervient en 2021, 2022 ou 2023. Il faudra fournir un seul conseil stratégique si le renouvèlement intervient en 2024 ou 2025 et deux conseils stratégiques à partir de janvier 2026.
Le dispositif des Certificats d’économie de Produits phytopharmaceutiques (CEPP) s’applique aux distributeurs de ces produits. En octobre 2021, 88 fiches-actions, donnant accès à des CEPP, sont reconnues comme mesures mises en œuvre par les agriculteurs pour réduire les phytos (voir En savoir plus). Pour janvier 2022, un projet de décret vise l’élargissement, aux traitements de semence, des produits pris en compte dans le calcul des obligations, ainsi que l’extension du périmètre des obligés (agriculteurs qui importent des produits, applicateurs prestataires de service exerçant l’activité de traitement sur les semences).
De plus en plus de produits de biocontrôle
Annoncée dans le plan Écophyto II+, la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle a été diffusée en novembre 2020. Elle fixe des objectifs ambitieux de développement de ce levier pour 2025 : 1000 produits de biocontrôle (contre 523 en janvier 2020), 60 % d’usages couverts (contre 40 % en janvier 2020), 40 macro-organismes en plus pour la lutte biologique. Dans le cadre de cette stratégie nationale, un projet de décret a été notifié en septembre 2021 à la Commission européenne pour consolider la définition des produits de biocontrôle. Les critères d’exclusion, retenus pour élaborer la liste mensuelle des produits de biocontrôle (encadré), seraient conservés, auxquels s’ajoute la mention H334 « peut provoquer des symptômes allergiques ou d’asthme ou des difficultés respiratoires par inhalation ». Les pièges associant un attractant à un insecticide seraient également reconnus comme biocontrôle dès lors que le dispositif évite la dissémination de l’insecticide dans l’environnement.
« 1000 produits de biocontrôle sont espérés en 2025 selon la stratégie nationale sur le biocontrôle.»
Bien que 630 produits figurent sur la liste des produits de biocontrôle d'octobre 2021, ils ne représentent que 92 substances actives différentes. De plus, chaque produit n’est pas nécessairement utilisé en pratique, faute d’efficacité suffisante même en combinant plusieurs leviers ; d’où l’importance de se référer aux résultats des travaux de recherche et développement (instituts techniques, chambres d’Agriculture, organismes économiques...).
D’autre part, un projet de nouvel arrêté visant à protéger les pollinisateurs a été mis en consultation en juillet 2021, en même temps que le contenu d’un « plan pollinisateurs ». S’il est confirmé, cet arrêté étendrait les interdictions d’applications pendant la floraison des cultures attractives à tous les produits phytopharmaceutiques et non aux seuls insecticides et acaricides comme aujourd’hui. Une dérogation serait accordée pour les produits portant la mention «Abeilles», avec néanmoins des règles sur les horaires d’application.
À la suite de la grave jaunisse sur betteraves en 2020, une nouvelle loi sur les néonicotinoïdes (NNI) a été votée, déclinée en trois décrets et un arrêté d’autorisation provisoire pour 2021 (dérogation de 120 jours). Cela entraîne des restrictions dans les rotations des parcelles concernées. Par exemple, la pomme de terre ou le maïs (sauf aménagements) ne peuvent être implantés l’année qui suit une betterave semée avec des semences traitées aux NNI (délai porté à deux ans pour le lin fibre). Des travaux ont été conduits en 2021 sur la fréquentation des pollinisateurs dans les cultures afin, si possible, de revoir les modalités de successions dans les futurs arrêtés dérogatoires.
« Contrôle pulvé » : les réparations deviennent obligatoiresLe renouvèlement du contrôle des pulvérisateurs est passé de cinq à trois ans au 1er janvier 2021 ; le premier contrôle restant à programmer au bout de cinq ans après l’achat d’un pulvérisateur neuf. Un nouveau décret, entré en vigueur le 1er octobre 2021, instaure une obligation de réparation, avant toute réutilisation de l’appareil, si un défaut a été signifié lors du contrôle. En cas de non-respect des obligations de contrôle, le Certiphyto peut être suspendu pour une période de six mois.
Un contexte européen en effervescence
Le 13 juin 2021, les citoyens suisses étaient appelés à se prononcer sur plusieurs référendums d’initiative populaire dont un « pour une Suisse libre de pesticides de synthèse » et un « Pour une eau potable propre et une alimentation saine ». La première initiative visait à interdire tous les produits phytopharmaceutiques de synthèse d’ici 2030 et les importations de denrées alimentaires produites avec des pesticides. La seconde avait pour objectif, entre autres, de supprimer les aides aux agriculteurs employant des produits phytopharmaceutiques. Malgré les sondages qui donnaient le « Oui » largement gagnant, 61 % des votants ont rejeté les deux initiatives.
Lancée en septembre 2019 par neuf ONG, l’Initiative Citoyenne Européenne (ICE) «Sauvons les abeilles et les agriculteurs» s’est terminée le 30 septembre 2021, forte de plus de 1,160 millions de signatures (dont plus de 100 000 en France). Cette ICE demande notamment la suppression progressive des pesticides de synthèse d’ici 2035. Si elle est validée par la Commission européenne (vérification du seuil d’au moins un million de signataires issus de sept pays européens différents), cette dernière aura six mois pour justifier sa réponse et, le cas échéant, présenter les actes législatifs qu’elle compte initier.
Rappelons que le Pacte Vert européen (Green Deal) fixe déjà comme objectif de réduire de 50 % les risques et les utilisations des produits phytopharmaceutiques d’ici 2030. L’ambition de ce texte est aussi d’abaisser de 20 % le recours aux engrais et de développer l’agriculture biologique à hauteur de 25 % dans le même délai. Les stratégies « De la ferme à la fourchette » (Farm to Fork) et « Biodiversité » du Pacte Vert concernent ainsi directement le secteur agricole. Ces stratégies doivent se décliner dans le « Plan stratégique national » de cinq ans que chaque État-membre doit finaliser avant le 31 décembre 2021 pour approbation par la Commission européenne.
En savoir plusLes listes des fiches-actions CEPP concernant les grandes cultures et des produits de biocontrôle autorisés en grandes cultures sont disponibles à l’adresse suivante : http://arvalis.info/28x
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