Digestats : Une bonne valorisation par les CIVE d’hiver comme d’été
Le procédé de méthanisation produit de l’énergie, sous forme de biométhane ou d’électricité, mais également des résidus de digestion appelés digestats. Ces produits résiduaires organiques (PRO) sont valorisables sur les sols agricoles, mais pour cela il est important de bien les caractériser.
Différentes études ont montré que le processus de méthanisation prélève la fraction la plus facilement dégradable du carbone pour produire le biogaz. Cependant, en sortie de méthaniseur, il reste dans les digestats une part du carbone non dégradé ainsi que l’azote et les minéraux (P, K, S, Ca, Mg…) apportés par les substrats du méthaniseur (biomasse, lisiers, fumiers, compost d’ordures ménagères, boues d’épuration, résidus de cultures…). Les digestats sont donc des produits organiques ayant à la fois un effet fertilisant avec un comportement « azote » proche de celui des lisiers et fientes de volailles, et un effet amendant proche de celui des composts (figure 1).
La composition des digestats varie fortement, notamment en fonction des intrants admis dans le digesteur, des conditions du processus de méthanisation (durée, température…) ou encore de la présence éventuelle de post-traitement (séparation de phase, compostage…). Afin de les utiliser au mieux, il est nécessaire d’en effectuer l’analyse au plus près de la date d’épandage, pour en connaître leur composition précise.
De l’azote et du potassium immédiatement disponibles
Suite à la minéralisation qui a lieu lors de la méthanisation, l’azote des digestats bruts est majoritairement présent sous forme ammoniacale (NH4 +), rapidement disponible pour les cultures dès que le digestat est apporté.
Les digestats sont donc à épandre en priorité durant la période d’absorption intense de la culture réceptrice, soit souvent au début ou courant du printemps. Des épandages de fin d’été ou de début d’automne sont parfois à envisager pour vider des cuves. Si nécessaire, ils peuvent être épandus dans certaines régions pour des implantations de colza, voire de cultures intermédiaires. Dans tous les cas, se référer à la réglementation régionale.
Lorsqu’il y a une séparation de phase, cet azote minéral se retrouve préférentiellement dans la phase liquide, tandis que l’azote organique restera essentiellement dans la phase solide.
Les risques de pertes d’azote par volatilisation d’ammoniac sont à prendre en compte lors des épandages. Ils ont lieu dans les heures qui suivent l’épandage. Les expérimentations au champ donnent des pistes pour les limiter. Quand c’est possible, il faut privilégier l’utilisation de rampes à pendillards, l’incorporation ou l’enfouissement immédiat des digestats, effectuer les apports en l’absence de vent et, si possible, quand une pluie est attendue dans les 24 heures(1).
Les digestats apportent aussi du phosphore et du potassium. Le potassium sera la plupart du temps disponible à 100 % pour la culture. Le phosphore sera complétement disponible au bout de deux ou trois ans. Dans tous les cas, le phosphore non assimilé l’année de l’apport alimentera le stock de P2O5 du sol dont pourront disposer les cultures suivantes.
« Les digestats de méthanisation augmentent le rendement des CIVE quand ils sont apportés dans de bonnes conditions pour limiter le risque de volatilisation. »
Les digestats contribuent aux apports de matière organique au sol
La matière organique apportée par les digestats est constituée essentiellement de chaînes carbonées qui n’ont pas été dégradées par les micro-organismes du méthaniseur. Elle possède une stabilité élevée et participe donc positivement au bilan humique de la parcelle.
Le carbone apporté participe à l’entretien de l’état organique des sols, voire au stockage du carbone (voir l’article Evolution des sols - Les CIVE contribuent aux apports de matière organique). L’étude réalisée dans le cadre du projet VADIMETHAN a ainsi mis en évidence que le remplacement des épandages de lisiers ou de fumiers par des digestats ne modifiait pas sur le moyen terme (vingt ans) la teneur en matières organiques des sols des exploitations concernées. Ces travaux ont montré que la mise en place d’une unité de méthanisation générait des modifications plus ou moins importantes selon les exploitations. La répartition des restitutions organiques sur les parcelles de l’exploitation est ainsi en partie modifiée, de même que le système de culture dans son ensemble, par l’introduction de cultures intermédiaires récoltées pour sécuriser l’alimentation du méthaniseur. La répartition des digestats sur les cultures et les parcelles est différente de celle des effluents d’élevages car l’effet fertilisant, en particulier la forme d’azote, est différent. L’utilisation de digestats ouvre de nouvelles opportunités d’épandage - par exemple, en sortie d’hiver sur cultures installées ou sur prairies pour certaines exploitations.
Ces modifications conduisent à diminuer les apports de carbone sur certaines parcelles et à les accroître sur d’autres mais, au final, le bilan de restitution de carbone est neutre au niveau de l’exploitation agricole. Ces résultats sont confirmés par d’autres études, comme celle du projet SOLéBIOM ou l’étude de cas conduite par AgroTransfert sur le méthaniseur CBVER dans la Somme.
Les digestats épandus sur les CIVE sont bien valorisés au champ
Avant d’évaluer l’intérêt d’utiliser des digestats pour la fertilisation azotée des CIVE, la réponse de la culture à la fertilisation azotée minérale a été, étudiée lors d’expérimentations au champ dans le cadre du projet OPTICIVE. Les essais ont été conduits avec ou sans fertilisation minérale. L’azote a été apporté en sortie d’hiver sur CIVE d’hiver et après le semis pour les CIVE d’été.
Les résultats montrent que les deux types de cultures valorisent l’azote en produisant une biomasse plus importante (voir l’article Techniques de production – Optimiser la biomasse des CIVE). Répondent-elles aussi bien à la fertilisation sous forme de digestats ?
Afin d’étudier d’utiliser des digestats pour fertiliser les CIVE, des essais ont été conduits en 2017 à Larreule (64) sur différentes espèces de CIVE d’été non irriguées : maïs, tournesol et sorgho. Les modalités d’apports de digestats ont été comparées à des modalités sans fertilisation ou avec apports d’urée. Les CIVE ont été semées le 17 juillet en semis direct. Les peuplements du sorgho et du tournesol ont été plus faibles, ces deux espèces étant moins adaptées à cette technique de semis. Les apports d’engrais ont été effectués sur un couvert déjà en place et n’ont donc pas pu être enfouis. Afin de limiter les risques de volatilisation, les apports ont été réalisés juste avant des pluies. L’effet fertilisant est confirmé, avec une bonne valorisation des digestats ; ceux-ci apportent 50 kg d’azote total par hectare. Les rendements obtenus avec les digestats sont équivalent à ceux obtenus par fertilisant minérale (50 kg N/ha sous forme d’urée) et supérieurs à ceux obtenus sans fertilisation (figure 2).
Des essais ont été réalisés en 2017 sur CIVE d’hiver. Les digestats ont été comparés à des modalités témoins non fertilisées et des modalités fertilisées avec de l’ammonitrate. L’absence d’enfouissement au moment des apports de digestats, ainsi que des conditions météorologiques non favorables, ont sans doute conduits à une forte volatilisation de l’azote apporté. Les apports d’engrais minéral permettent une augmentation de la production de biomasse par rapport au témoin. Par contre, les digestats n’ont pas été valorisés dans ces essais avec une production équivalente au témoin non fertilisé.
Les essais conduits mettent donc en évidence que le rendement en biomasse produite par les CIVE peut être augmenté par une fertilisation azotée. Les digestats peuvent être utilisés pour cela, à condition qu’ils soient apportés dans de bonnes conditions pour limiter le risque de volatilisation.
(1) Se référer au Guide des bonnes pratiques agricoles pour l’amélioration de la qualité de l’air, publié par l’Ademe sur https://www.ademe.fr/guide-bonnes-pratiques-agricoles-lamelioration-qualite-lair.
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