Tassement des sols : la vigilance reste de mise

L’évolution des matériels et des pratiques font que les tassements du sol sont de moins en moins visibles en surface ; pour autant, les conséquences peuvent être importantes. Tout doit être mis en œuvre pour les éviter.
Prévenir les tassements du sol en surface et surtout en profondeur

Le tassement, ou compaction du sol, peut apparaître à l’occasion de phénomènes naturels liés au climat et au type de sol (encadré), mais surtout lors des passages plus ou moins nombreux des engins agricoles.

Un tassement se produit lorsque la résistance du sol ne permet plus de supporter le passage des engins sans dégrader profondément la qualité structurale du sol. Cette qualité structurale dépend du maintien de la porosité du sol ; celle-ci est favorable au développement du système racinaire de la culture (pores créés par le travail du sol, la présence de microfissures, l’activité des vers de terre, l’activité biologique ou encore le passage d’anciennes racines). Un tassement réduit l’aération du sol et l’infiltration de l’eau. Il pénalise le développement racinaire et le fonctionnement biologique (encadré).

La régénération naturelle des horizons tassés, qu’ils soient superficiels ou profonds, est lente. Elle nécessite au moins six mois dans les meilleurs cas. Un tassement situé en profondeur ne peut être récupéré par les opérations culturales habituelles.

Un phénomène parfois naturel

En sols battants à l’occasion de pluies intenses, les liens (argile, matière organique), lorsqu’ils sont en quantité limitée, ne permettent pas de conserver une cohésion suffisante, non seulement au sein des agrégats, mais aussi entre les agrégats. Dans ces conditions, la porosité du sol se dégrade naturellement. La macroporosité du sol, là où circule l’air, et la microporosité, là où circule l’eau, disparaissent progressivement, pouvant conduire à une déstructuration du milieu et à une asphyxie, fortement préjudiciable au fonctionnement de la culture et au développement du système racinaire. Ce phénomène est majoritairement observé dans des sols à dominante limoneuse, comme les sols de type boulbène caractéristiques de la région toulousaine, notamment après des hivers doux et humides.


Des facteurs physiques et biologiques

Les passages plus ou moins nombreux et rendus nécessaires pour satisfaire les exigences des cultures (travail du sol plus ou moins intense, binage, épandage d’amendements organiques, etc.) occasionnent parfois une dégradation de la qualité structurale des sols. Ces altérations pénalisent globalement le fonctionnement du sol. Le système racinaire devient inefficace à cause d’une moindre exploitation du sol, à la fois en volume et en profondeur. D’autres facteurs biologiques, tels que la faune lombricienne, peuvent être perturbés, voire bloqués dans leur activité, avec une réduction des effectifs. Les galeries de vers de terre sont importantes pour favoriser le drainage du sol, mais aussi pour le cheminement des racines dans les horizons profonds, source d’alimentation hydrique entre autres.

5 à 30 % de pertes de rendement

Des expérimentations ont mis en évidence l’impact de la dégradation structurale, occasionnée par des passages répétés aux mêmes endroits, sur le rendement de différentes cultures. Ces dernières réagissent en fonction de leurs caractéristiques physiologiques et de leur période de développement. L’altération du rendement est ainsi plus ou moins importante suivant la sensibilité de la culture au tassement (figure 1). Quels que soient la culture et le système pratiqué (irrigué ou non), les pertes de rendements sont systématiques. Elles sont comprises entre 5 et 30 %.

Des moyens de prévention doivent ainsi être mis en œuvre. Ils vont contribuer à augmenter la résistance du sol ou à limiter la contrainte appliquée. Un des facteurs clé est d’attendre, avant d’entrer sur une parcelle, que le sol soit suffisamment ressuyé. Il doit être à l’état friable, en surface mais également dans les horizons sous-jacents. Le choix des pneumatiques et l’adaptation des pressions (télégonflage) facilitent les interventions ; toutefois, la réduction de la charge des engins agricoles doit rester une priorité. Il convient ainsi d’adapter la rotation des cultures.

La résistance d’un sol, et donc le maintien de sa porosité, dépend principalement de la texture (proportion de sable, de limons et d’argile), de la teneur en matière organique et de l’humidité du sol. Les sols limoneux sont ainsi plus sensibles aux tassements naturels que les sols argileux. Pour augmenter la résistance du sol, on peut chercher à l’enrichir en matière organique par l’apport d’amendements organiques, la restitution des résidus de culture ou encore la mise en place de couverts végétaux. Ces derniers contribuent aussi à accélérer le ressuyage du sol en consommant l’eau qu’il contient. A contrario, après destruction du couvert, les résidus peuvent limiter l’évaporation superficielle et favoriser le maintien de l’humidité, conduisant à un risque plus élevé de tassement superficiel (observé surtout en semis direct).

La portance du sol varie également en fonction du type de travail du sol : plus le sol a été récemment travaillé, plus il est sensible au tassement. À l’inverse, en semis direct, les risques de tassement sont moindres. En effet, une nouvelle organisation du sol, à travers une plus grande continuité des horizons, améliore la résistance du sol à la compaction. En revanche, lorsqu’un tassement se produit, il est plus pénalisant, les possibilités de régénérations mécaniques étant réduites.


Limiter la circulation des matériels lourds

La contrainte appliquée sur le sol est liée à la charge, c’est-à-dire au poids soutenu par chaque essieu, et à la surface de contact sur laquelle elle est répartie. L’équipement du tracteur devient alors prépondérant pour répartir cette charge sur la plus grande surface possible. Plusieurs études récentes ont montré que la charge a un impact déterminant sur la profondeur de tassement. Avec le poids actuel des machines (matériel de récolte et de transport notamment), on observe régulièrement des zones compactes sous les traces de roues jusqu’à 40, voire 50 cm de profondeur. Le choix des pneumatiques et de leur pression influence surtout les tassements de surface. Les équipements tels que les pneus basse-pression, les pneus larges, les roues jumelées ou les chenilles limitent la formation d’ornières. Par contre, ils ne peuvent pas empêcher le tassement en profondeur si le matériel est trop lourd (figure 2). Il faut rester dans une certaine limite de charge même avec des pneumatiques performants. Il est aussi important de réduire au minimum la circulation des matériels lourds dans les parcelles pour éviter à tout prix les tassements profonds.


Utiliser le téléglonflage à bon escient

Le pneu agraire reste employé dans la majorité des situations. Toutefois, des innovations visent à trouver le meilleur compromis entre l’équipement du tracteur et la pression exercée au sol. Le télégonflage, en particulier, offre la possibilité d’adapter la pression du pneu selon l’opération culturale et le type de pneumatique équipant le tracteur. Cette nouvelle technologie, encore très peu répandue, permet une adaptation rapide de la pression de gonflage à l’utilisation du pneumatique, sur route ou en parcelle agricole.

La déformation du pneu, engendrée par une pression réduite, accentue la surface de contact au sol, grâce à une déformation dans le sens latéral et longitudinal. Cette caractéristique est spécifique aux pneumatiques adaptés à cette technologie. Au-delà d’une certaine charge, en fonction de la pression minimale que le pneu peut supporter, il n’y aura plus de déformation. La pression au sol et le tassement augmentent alors avec un risque de dégradation de la structure du pneu.

Une utilisation inappropriée de ces nouvelles technologies serait d’amener à faire circuler des charges toujours plus importantes. Elles accentueraient alors les phénomènes de tassement en profondeur. Afin de conserver les bénéfices du télégonflage, il convient de garder une réserve de charge que le pneumatique est capable de supporter. Il apparaît également important de concevoir des systèmes de culture qui prennent mieux en compte les phénomènes de compaction, en particulier lors des périodes les plus critiques (implantation, récolte, épandage organique etc…).


Observer les tassements

L’observation du sol reste fondamentale pour analyser les répercussions du tassement sur le fonctionnement du système racinaire et des cultures. Des outils apportent une aide pour identifier les zones de tassement, leurs profondeurs et les proportions qu’elles occupent dans le sol.

Le pénétromètre, qui mesure à l’aide d’une aiguille la résistance de pénétration dans le sol, nécessite une certaine expertise pour obtenir un diagnostic fiable (la résistance ne dépend pas que du tassement du sol mais aussi de son humidité).

Le profil cultural (fosse ouverte dans le sol) reste la méthode de référence pour observer la qualité structurale d’un sol. Le diagnostic est précis mais il prend du temps.

Le « test bêche » (voir Perspectives Agricoles de novembre 2017) abouti à un diagnostic plus rapide. Cette méthode repose sur une détermination des caractéristiques structurales du sol effectuée sur un volume correspondant à un cube d’une dimension voisine de la profondeur d’une bêche, à découper dans le sol. Cet outil est complémentaire, ou peut être un préalable, à la mise en œuvre du profil cultural.

Comment régénérer un sol compacté ?

Lorsque le tassement du sol est trop important, c’est-à-dire lorsque des pertes de rendement sont observées ou que le sol devient asphyxiant, il est alors nécessaire d’entreprendre une remise en état.

Des travaux de l’Inra (Hubert Boizard et al.) ont montré que la régénération naturelle d’un sol demande plusieurs années avant un retour à l’état initial. Une remise en culture rapide ne sera donc possible qu’après un décompactage. Il favorise la restructuration du sol, facteur indispensable au fonctionnement du système racinaire et à l’activité biologique du sol.

Le décompactage doit rester une opération ponctuelle. Sa nécessité est à confirmer par une observation du sol (encadré) qui déterminera la profondeur de décompactage. L’extrémité des dents de l’outil devra se situer, en moyenne, 10 cm sous la zone à décompacter. Une attention particulière sera à apporter aux réglages afin de limiter le bouleversement de surface, sous peine de remettre en cause l’utilité de cette opération. On utilisera par exemple des outils de type « dents Michel, Agrisem, Durou ou encore Actisol » dont la forme fissure le sol en limitant le risque de bouleversement des différents horizons. Le sol devra être dans un état friable au moment de l’opération. Dans la mesure du possible, il est recommandé d’implanter un couvert végétal afin de favoriser une colonisation racinaire de la fissuration obtenue et de maintenir la structure nouvellement créée, en évitant une reprise en masse hivernale.


Trafic contrôlé

Surtout développé en Australie, le CTF (Controlled Traffic Farming) commence à apparaitre en Europe. Ce « trafic agricole contrôlé » consiste à circuler sur les mêmes passages de roues avec des outils de grande largeur. Pour cela, il est nécessaire de disposer d’un parc matériel adapté avec des outils ayant une largeur identique ou correspondant à un multiple. Idéalement, les différents outils automoteurs (moissonneuse, tracteurs…) doivent disposer de la même voie. Les systèmes de guidage sont une aide précieuse pour revenir sur les mêmes passages. Dans une parcelle agricole classique, au cours d’une campagne, quasiment toute la surface est foulée par au moins un passage de roue. Bien souvent, c’est la première intervention qui provoque le tassement le plus sévère. Le CTF limite ainsi les tassements en réduisant la surface impactée par le passage des matériels.

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