Résistance aux herbicides : le classement HRAC évolue
Le comité HRAC (Herbicide Resistance Action Comitee) est une organisation internationale fondée et gérée par les fabricants d’herbicides qui réfléchit et communique sur la gestion de la résistance des adventices aux herbicides. Le comité a récemment proposé une évolution du classement des modes d’action de ces produits.
Jusqu’à présent, les différents modes d’action herbicide étaient classés au moyen de lettres : A, B, C… Cette nomenclature est progressivement abandonnée au profit de nombres (tableau 1).
Il est facile de s’y retrouver
La codification au moyen de l’alphabet latin est, en effet, limitée de facto à 26 possibilités. Ce nombre, insuffisant pour décrire tous les modes d’action - et notamment les nouveaux - a conduit à ajouter parfois un chiffre après la lettre. Ainsi, des groupes d’herbicides étaient classés K1, K2 et K3 alors que leurs modes d’action sont totalement différents, ce qui peut induire des confusions. Par ailleurs, certaines lettres de l’alphabet latin ne sont pas utilisées par toutes les langues.
Il était aussi souhaitable d’harmoniser cette classification avec d’autres - par exemple, avec le classement américain WSSA ou encore le classement australien. Enfin, la mise à jour des substance actives herbicides et une meilleure compréhension de leur action nécessitaient un réajustement des classements.
Le tableau montre qu’il existe presque toujours une correspondance directe entre les lettres et les nombres : A devient 1, B devient 2, C devient 3, etc.
Cependant, le chlortoluron, classé jusqu’à présent dans le groupe C2, est regroupé avec la métribuzine (ancien groupe C1) dans le groupe 5. Ces substances agissant toutes deux sur la photosynthèse, il était donc logique de les regrouper.
De plus, les anciens groupes N et K3 (prosulfocarbe et triallate d’une part, flufénacet d’autre part) sont fondus dans le même groupe 15. En effet, toutes ces substances inhibent la synthèse des acides gras à longue chaîne.
Nouveau groupe 15 : quelles sont les conséquences pratiques ?
L’attribution d’un même groupe à ces substances très utilisées en céréales à paille pose toutefois question : puisqu’il est conseillé de varier les modes d’action entre les désherbages de prélevée et de postlevée, peut-on encore utiliser du prosulfocarbe en prélevée (Défi, par exemple) puis du flufénacet en postlevée (Fosburi, par exemple) ?
Le risque de résistance est mesuré, notamment si on le compare à ce que l’on a connu avec les spécialités foliaires (Célio, Atlantis WG…). Les produits du groupe 15 sont, en effet, racinaires : le facteur « sol » intervient donc grandement sur leur efficacité (répartition de la substance, séquestration par la matière organique, etc.), contrairement à un produit foliaire qui exerce une pression de sélection supérieure. Par ailleurs, ces substances actives, appartiennent à des familles chimiques différentes (thiocarbamates et α-oxyacétamides).
Le risque de résistance est cependant réel. Des cas de ray-grass résistants au flufénacet ont ainsi été identifiés en France. Il s’agit d’une résistance de type métabolique. Des analyses de cette résistance par l’INRAE sur des populations de ray-grass présentes dans les essais 2019-20 d’Arvalis ont montré, sur deux populations, qu'il existe une dérive d'efficacité du flufénacet. Il est donc important d’appliquer la dose efficace de flufénacet. En revanche, aucune résistance croisée avec du prosulfocarbe n’a été observée, ce qui est rassurant.
Il est donc possible d’utiliser du prosulfocarbe et du flufénacet en association ou en programme - d’autant plus en situations difficiles, car ce sont les seules bases réellement efficaces avec le chlortoluron. Il est toutefois préférable de leur associer des substances ayant d’autres modes d’action (DFF, pendiméthaline, chlortoluron…) ; c’est d’ailleurs presque toujours le cas dans les produits commercialisés.
Éviter, en revanche, de n’utiliser que ces substances, mêmes associées (par exemple, Défi+Sunfire), pour un désherbage en un seul passage.
Enfin, il est plus que jamais indispensable d’intégrer à une stratégie de désherbage tous les leviers non chimiques disponibles et réalisables sur l’exploitation tels qu’un travail du sol profond, le décalage de la date des semis en visant zéro adventice le jour du semis, et/ou l’intégration d’une autre culture à cycle décalé.
Ludovic Bonin - l.bonin@arvalis.fr
Lise Gautellier-Vizioz - l.gautellier-vizioz@arvalis.fr
Paloma Cabeza-Orcel - p.cabeza@perspectives-agricoles.com
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