Note commune 2024 INRAE, ANSES, Arvalis : limiter les résistances aux fongicides

INRAE, ANSES et Arvalis rappellent de concert comment et pourquoi il importe de limiter le développement des résistances. L’application de ces recommandations retarde l’émergence et la progression des résistances et contribue à une agriculture durable.
En 2023, plusieurs solutions à base de SDHI ont subi une baisse d’efficacité en essais, en situation de forte résistance.

En 2023, plusieurs solutions à base de SDHI ont subi une baisse d’efficacité en essais, en situation de forte résistance.

Cette note, corédigée par des représentants d’INRAE, de l’ANSES et d’ARVALIS, dresse l’état des lieux, par maladie et par mode d’action, des résistances aux fongicides utilisés pour lutter contre les maladies des céréales à paille et formule des recommandations pour limiter les risques d’évolution de résistance et maintenir une efficacité satisfaisante.

Elles se basent d’une part sur la connaissance du statut des résistances dans les populations (occurrences et fréquences des résistances, régions concernées, pertes d’efficacité éventuelles observées dans les essais), et d’autre part sur la connaissance des mécanismes de résistance et les caractéristiques des souches résistantes (niveau de résistance, spectre de résistance croisée notamment, valeur sélective).

Ces différentes informations sont issues :

  • du plan de surveillance national de la résistance aux produits phytopharmaceutiques piloté par la DGAL. Les analyses sont réalisées par l’unité CASPER de l’Anses (laboratoire de Lyon)
  • des projets de recherche d’INRAE,
  • d’autres plans de surveillance comme celui du Réseau Performance animé par ARVALIS, ou du groupe de travail de Végéphyl,
  • des données de terrain, notamment issues d’essais d’efficacité en situation de résistance,
  • des communications de professionnels et des sociétés phytopharmaceutiques auprès des experts du groupe de travail.
  • de la littérature scientifique.

À retenir du côté du blé

En 2023, les souches résistantes de Zymoseptoria tritici aux SDHI (CarR, tous phénotypes et génotypes confondus) poursuivent leur progression et atteignent une fréquence moyenne de 42 %. Dans ce contexte évolutif, une baisse d’efficacité de plusieurs solutions à base de SDHI a été observée en essai en situation de forte résistance.

  • La gestion de cette résistance doit demeurer une priorité dans cette situation où sa fréquence devient compatible avec l’observation de résistance en pratique.
  • Depuis 2019, près d’une souche sur quatre de Z. tritici est désormais de phénotype MDR (résistance multidrogues) ce qui contribue également à augmenter les facteurs de résistance pour les IDM, SDHI.
  • Dans un contexte d’érosion de plus en plus prononcée de l’activité au champ des triazoles, l’efficacité relative des IDM s’avère dépendante de la structure des populations de Z. tritici présentes localement.

Du côté de l’orge

  • La résistance de Pyrenophora teres aux SDHI est généralisée et affecte sévèrement l’efficacité des SDHI en relation avec la fréquence et la nature des souches résistantes présentes localement dans les parcelles.
  • La fréquence des souches de P. teres résistantes aux QoI est forte mais stable (environ 60 %)

Du côté des rouilles des céréales

Des isolats portant des mutations associées à la résistance aux SDHI sont détectés chez P. triticina, P. striiformis et P. hordei, à des fréquences et des occurrences variables selon les espèces et les régions. Ces résistances semblent progresser ; leurs impacts en pratique restent à préciser.

Recommandations générales pour 2024

Nos recommandations visent en première intention à limiter la pression de maladie en encourageant le recours à la prophylaxie, aux variétés résistantes et aux outils d’aide à la décision, pour limiter le recours aux traitements et leurs effets non-intentionnels.

  • Préférer des variétés peu sensibles aux maladies, en priorisant la résistance aux maladies ayant le plus d’impact sur le rendement, ou sur la qualité sanitaire et/ou permettant de réduire l’usage des fongicides. Le recours à des variétés résistantes à la fois à la rouille jaune et à la septoriose, permet par exemple de supprimer systématiquement le premier traitement des blés et ainsi de limiter la pression de sélection exercée par les fongicides.
  • Diversifier les variétés à l’échelle de l’exploitation, de la microrégion et d’une année sur l’autre pour favoriser la durabilité des résistances génétiques et opposer des barrières à la dispersion des résistances aux fongicides.
  • Privilégier les pratiques culturales permettant de réduire le risque parasitaire, notamment en limitant l’inoculum primaire (ex : rotation, labour, date de semis, gestion des repousses de céréales notamment dans l’interculture…) ou la progression de la maladie (densité, azote).
  • Ne traiter que si nécessaire, en fonction du climat, des conditions de culture, des prédictions des modèles et des observations au champ.
En savoir plus :

Pour connaître l’état des résistances et les recommandations associées, maladie par maladie, retrouvez la note commune dans son intégralité sur https://arvalis.info/2pk

Lorsque traiter est nécessaire

  • Raisonner le positionnement des interventions en fonction du développement des maladies grâce à des méthodes fiables d’observation et/ou de prévision du développement de l’épidémie.
  • Limiter le nombre d’applications avec des substances actives de la même famille (caractérisées généralement par une résistance croisée positive) au cours de la même campagne. De même, dans le cas où une même substance active peut être utilisée en traitement de l’épi et en traitement des semences, éviter si possible de cumuler deux traitements avec la même molécule.
  • Diversifier les modes d’action en alternant ou en associant les substances actives dans les programmes de traitement, pour minimiser le risque de développement de résistance.
  • Recourir lorsque cela est possible et utile aux fongicides multisites, moins susceptibles de sélectionner des populations résistantes, en particulier sur septoriose et ramulariose.
  • Limiter de préférence l’utilisation des SDHI, des QiI et des QoI à une seule application par campagne.
  • Éviter de recourir au même IDM, plus d’une fois par campagne pour prévenir la résistance et associer des molécules à mode d’action différent.
  • S’agissant des traitements de semences avec un SDHI, dès lors qu’il est revendiqué pour leur usage une activité sur les maladies foliaires, ils ne doivent pas être suivis d’une application foliaire fongicide contenant également un SDHI.
• Sur blé comme sur orge, limiter l’utilisation des SDHI à une seule application par saison.

• Sur blé face à la progression des résistances multiples, n’intervenir que si strictement nécessaire et maintenir si possible un fongicide multisite dans le programme.

• Sur orge, pour éviter de sélectionner davantage des souches présentant une résistance multiple, le recours à l’utilisation d’un mélange trois voies QoI+SDHI+IDM doit être rigoureusement limité aux situations où l’helminthosporiose est très difficile à contrôler.

• Sur rouilles des céréales, éviter de recourir aux SDHI, préférer les associations de triazoles et de QoI.

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