Légumineuses à graines : quel désherbage privilégier dans quelle situation ?
Les légumineuses à graines sont plus que jamais un enjeu de la future PAC et de la recherche de l’autonomie protéique. Les dernières campagnes ont prouvé que les aléas climatiques impactent directement la réussite de ces cultures. Aussi, leur désherbage apparaît d’autant plus comme une priorité pour les producteurs.
Face au contexte règlementaire de plus en plus strict et à l’objectif de réduction de l’utilisation des intrants, Terres Inovia mène des travaux pour accompagner les producteurs avec des solutions de désherbage mixte ou mécanique, tout en maintenant des efforts pour rechercher (et défendre) des solutions conventionnelles durables et adaptées.
Pois & féveroles
Le pois et la féverole d’hiver sont en place sur une période longue dans les parcelles. Ces cultures peuvent donc être soumises à des pressions d’adventices variées, hivernales ou printanières. En revanche, pour les variétés implantées au printemps, la gestion du salissement des parcelles se concentre sur les flores adventices printanières (figure 1).
Examiner les caractéristiques de la parcelle
Dans tous les cas (culture d’hiver ou de printemps), il est indispensable d’adapter le programme de désherbage à la pression des adventices et à la flore attendues.
• Quand l’infestation est faible à modérée, et si le sol hydromorphe empêche un passage en sortie d’hiver sur les cultures d’hiver, une unique intervention de prélevée peut être envisagée si la flore attendue est plutôt de type hivernal : crucifères, matricaires, coquelicots… Cette intervention ne permettra toutefois pas de contrôler les éventuelles adventices printanières. Sur cultures de printemps - ou sur cultures d’hiver si les parcelles permettent un passage en sortie d’hiver -, le choix se portera sur des interventions tactiques, après observation des flores en présence. Ce décalage des opérations de désherbage a pour objectif de réduire les coûts de ce poste en ciblant au mieux les adventices par un choix orienté des spécialités employées. Dans ce type de situation, un fractionnement du traitement de postlevée est également envisageable pour maîtriser les levées échelonnées.
• Quand la pression adventices est forte à très forte dans la parcelle, il est recommandé d’orienter le désherbage vers un programme herbicide associant un passage en prélevée et un passage en postlevée.
Le désherbage mécanique s’intègre plus facilement en cultures de printemps
Sur féverole de printemps, des résultats d’essais menés sur 3 ans entre 2016 et 2018 montrent que le désherbage avec l’association Challenge 600+Nirvana S en prélevée à doses modulées (resp. 1,5 l/ha et 2 l/ha), complété par un ou deux passages de herse étrille entre les stades « 2 feuilles » et « 7 feuilles » de la culture, présente une très bonne efficacité, proche de 100 %, sur la flore en présence : renouée liseron, morelle noire, chénopode blanc…
Puisque le désherbage mixte avec herbicide modulé est aussi efficace que le désherbage chimique de prélevée seul, même à pleine dose, la herse étrille permet dans ce cas une économie de 30 €/ha sur les coûts d’herbicides, et de 0,4 point d’IFT, pour un résultat équivalent et satisfaisant (tableau 1).
Un essai plus récent avec binage cette fois, mené dans le cadre du programme Cap Protéines en 2022, montre que sur renouée liseron, la modalité mixte avec un passage de Prowl 400 à 2,5 l/ha en prélevée de la féverole de printemps suivi d’un binage a une efficacité satisfaisante (90 %) et équivalente à celle de la modalité chimique de référence avec un traitement unique de prélevée renforcé avec Nirvana S (3 l/ha) + Centium CS (0,15 l/ha). Cette stratégie mixte est gagnante dans cet essai : elle fait gagner 46 €/ha sur le coût herbicides et 0,35 point d’IFT, pour une efficacité équivalente et satisfaisante.
Dans les deux cas (avec herse étrille ou avec bineuse), les modalités mixtes montrent bien l’intérêt de la complémentarité chimique-mécanique, puisque le même traitement de prélevée seul a une efficacité inférieure et que le mécanique seul est insuffisant.
Sur pois de printemps cependant, le désherbage mécanique est plus délicat en raison des vrilles de la plante.
Néanmoins, un essai récent mené dans le cadre de Cap Protéines en 2022 présente des tendances intéressantes. L’efficacité du désherbage sur renouée liseron et fumeterre est relativement satisfaisante pour la modalité avec un passage de herse étrille en postlevée à « 4-5 feuilles » du pois, suivi d’une application à « 5 feuilles » du pois du mélange Challenge 600 (0,5 l/ha) + Basagran (0,3 kg/ha). Cette efficacité est de 95 % en moyenne dans cet essai, donc légèrement meilleure que celle observée pour le traitement herbicide seul (89 % en moyenne) (tableau 2).
En tendance, cela montre que le mécanique au préalable de ce traitement dans les modalités mixtes apporte un petit bénéfice, en particulier dans les situations où le traitement herbicide est effectué en conditions sèches. Les essais sur pois de printemps sont à poursuivre pour renforcer les références.
Pois-chiche, lentille & lupin
Malgré les homologations récentes de solutions à base de pyridate sur pois chiche et lentille, les solutions de désherbage chimique sur lentille, pois-chiche et lupin restent très restreintes. Elles reposent uniquement sur deux ou trois substances actives pivots dont les spectres d’action ne permettent pas de gérer toutes les flores présentes.
Chez ces cultures, la gestion conventionnelle de l’enherbement uniquement en rattrapage de postlevée est souvent insuffisante, et les applications en prélevée restent largement indispensables pour contrôler les adventices.
Sur lentille, un essai réalisé en 2022 dans le cadre de CAP PROTEINES montre que sur renouée liseron, mouron des champs et sanve, les efficacités des modalités mixtes, avec une association d’herbicides de prélevée (Challenge 3 l/ha + Nirvana 1 l/ha) suivie par un passage de herse étrille ou roto-étrille à « 2-4 feuilles » suivi d’un mois sans pluie, sont très bonnes. Elles atteignent 95 à 100 % et sont équivalentes à celles du programme conventionnel Challenge (3 l/ha) + Nirvana (1 l/ha) en prélevée suivi par Challenge (1 l/ha) à « 4-6 feuilles » (100 % d’efficacité).
Ce résultat montre qu’après un désherbage de prélevée, une herse étrille ou une étrille rotative passée à « 2-4 feuilles » de la culture peut tout à fait remplacer le Challenge pulvérisé à raison de 1 l/ha) au stade « 4-6 feuilles ». Cela est particulièrement vrai lorsque le printemps est sec - comme ce fut le cas sur cet essai. Cela permet d’alléger les programmes (-25 €/ha de coût herbicide et -1 point d’IFT) pour une efficacité tout à fait satisfaisante. Ces références sont à renforcer par des essais complémentaires à venir.
En savoir plusLes programmes conseillés pour votre situation sont détaillés dans les guides « Culture » de Terres Inovia. Ils sont disponibles gratuitement après création d'un compte utilisateur sur le site de l’institut : www.terresinovia.fr.
Fanny Vuillemin - f.vuillemin@terresinovia.fr
Gwénola Riquet - g.riquet@terresinovia.fr
Franck Duroueix - f.duroueix@terresinovia.fr
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