Gestion du datura stramoine dans le maïs : l’itinéraire technique passé à la loupe

À l’automne 2020, une enquête d’Arvalis auprès des producteurs de maïs a décortiqué les itinéraires techniques de cette culture afin de discerner quels facteurs influencent les différents niveaux d’infestation du Datura stramonium au sein des parcelles.
Limiter le salissement des parcelles de maïs par le datura

Un article précédent dans ces colonnes(1) a fait le point sur la présence du datura stramoine dans les exploitations des producteurs de maïs français et sur le degré d’infestation des parcelles. Pourquoi certaines parcelles sont-elles envahies alors que d’autres en sont indemnes ? Quels éléments dans les itinéraires techniques favorisent ou, au contraire, désavantagent l’implantation et la dissémination de cette adventice toxique ?

L’analyse de l’enquête a montré que, quelle que soit la rotation, les producteurs peuvent rencontrer des difficultés pour maîtriser le datura (figure 1). Cependant ce risque est plus élevé lorsque le maïs est en monoculture ou assolé avec d’autres cultures de printemps, dont les cycles de développement coïncident avec celui du datura.

ROTATION : un levier de contrôle insuffisant sans mesures complémentaires

En revanche, les parcelles ayant une bonne alternance entre cultures d'hiver et cultures de printemps sont généralement moins infestées - à condition de soigner les pratiques culturales. De plus, après une culture d’hiver, conserver le sol nu pendant la période estivale peut faciliter le déstockage du datura, grâce à un travail du sol superficiel : ce faux-semis fait lever les graines se trouvant dans les premiers centimètres de sol ; les levées seront ensuite détruites mécaniquement ou chimiquement.

Dans les parcelles ayant connu des problèmes de contrôle du datura, la rotation ne constituera pas un levier suffisant et devra s’accompagner d’autres mesures préventives. Dans ce cas, il est cependant recommandé d’éviter autant que possible de cultiver fréquemment des cultures favorisant le cycle du datura et pour lesquelles des difficultés de désherbage du datura sont rencontrées.

Le travail du sol, un levier agronomique à investiguer

L’effet du type de sol n’a pu être mesuré à travers l’enquête en raison d’un trop grand nombre de facteurs croisés. En revanche, l’effet du travail du sol a pu être analysé.

Dans le cadre de l’enquête, les problèmes de gestion du datura sont moins fréquents en travail du sol superficiel ou en semis direct. Cette analyse concorde avec les caractéristiques biologiques des graines de datura : la graine est capable de survivre dans le sol des dizaines d’années, et de germer à des profondeurs supérieures à 10 cm. Aussi le labour n’est-il pas un levier efficace : il aura tendance à favoriser les levées échelonnées qui compliquent ensuite la stratégie de désherbage. D’autant que, d’après la bibliographie, le taux de germination serait supérieur pour des graines en profondeur remises à la surface que pour des graines laissées en surface ou peu enfouies ; Arvalis réalise actuellement une étude pour approfondir les connaissances sur ce point et adapter si nécessaire les méthodes de lutte. En revanche, un travail du sol superficiel ou un semis direct suscite des levées plus groupées qui facilitent le positionnement du désherbage en postlevée.

Les autres paramètres de l’itinéraire technique analysés sont la date et la densité de semis, la présence de couverts végétaux, l’apport de fumure organique et l’irrigation. Aucun de ces facteurs n’explique les différences de niveaux d’infestation. Les systèmes irrigués apparaissent comme plus touchés mais l’analyse est biaisée par des effets croisés avec le territoire et le type de rotation.

Les stratégies de désherbage manquent de persistance

DÉSHERBAGE : jugé insuffisant plus d’une fois sur quatre

Près d’un producteur sur deux considère que la stratégie de désherbage qu’il met en place, qu’elle soit mécanique, chimique ou les deux, a une efficacité correcte mais qui ne perdure pas assez dans le temps (figure 2). Seuls un quart d’entre eux jugent leur stratégie efficace.

L’enquête montre que les infestations de datura conduisent à une augmentation du nombre de passages : 1,9 en moyenne, contre 1,4 si on se réfère au désherbage d’un maïs sur le territoire national en 2020. Les stratégies intégrant un désherbage de postlevée avec un, voire deux passages, montrent leur intérêt par rapport aux stratégies de prélevée. Leur spectre d’action est, en effet, plus adapté au contrôle du datura que les produits utilisés en prélevée.

Parmi les autres moyens de lutte cités par les producteurs, on retrouve en tête l’arrachage manuel, cité par un quart d’entre eux. Cette méthode est coûteuse et exige de la main-d’œuvre, sans parler des problèmes afférents (protection des opérateurs, disponibilité de la main d’œuvre, destruction des plants de datura…).

La récolte est un moment critique de dissémination des graines de datura vers des parcelles peu ou pas encore infestées. Les pratiques préventives à la récolte sont pourtant peu mises en œuvre, certaines étant jugées très contraignantes. Ainsi, seuls 25 % des producteurs interrogés récoltent la ou les parcelles les moins sales avant les plus sales. Et moins d’un sur cinq nettoie le matériel de récolte entre chaque parcelle.

(1) La première partie de cette enquête a été analysée dans l’article « Présence du Datura stramonium sur le territoire : objectif "zéro datura"" », Perspectives Agricoles n°497, mars 2022.

 

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