Chrysomèle du maïs : une situation sous contrôle, mais pour combien de temps ?

La chrysomèle du maïs poursuit en 2020 un peu plus sa conquête du territoire depuis son apparition en 2002. Si la situation demeure sous contrôle, elle pourrait s’aggraver si les conditions climatiques deviennent plus favorables au ravageur et si les pratiques prophylactiques ne sont pas davantage mises en œuvre.
Présence de la chrysomèle du maïs en France et moyens de lutte.

D’après les réseaux de surveillance mis en place en 2020, l’abondance des populations de chrysomèle du maïs et les surfaces concernées sont en augmentation. Dans les secteurs où ce ravageur est présent depuis plus d’une décennie, les captures se rapprochent des seuils de nuisibilité. Les premiers dégâts sont observés très localement, c’est-à-dire à l’échelle de ronds dans de rares parcelles situées dans la vallée du Grésivaudan dans les Alpes.

En Alsace, les pièges à phéromone répartis sur 97 parcelles ont capturé près de 60 000 insectes en 2020, contre environ 32 000 en 2019. Une parcelle sur trois dépasse plus de 500 captures en 2020, contre une parcelle sur six en 2019. Ces parcelles sont réparties de Mulhouse à Strasbourg.

Depuis deux campagnes, les pièges chromatiques se substituent aux pièges à phéromone dans les secteurs de la Hardt et du Ried sud, là où les plus fortes populations avaient été observées les années antérieures. Sur les 24 parcelles suivies à l’aide de ces pièges, seules deux n’ont pas donné lieu à des captures de chrysomèle (contre la moitié des parcelles en 2019). Le nombre de parcelles dépassant plus de 100 individus capturés sur ces pièges demeure néanmoins limité (4 parcelles sur 24 en 2020, contre 3 sur 31 en 2019) et aucune ne dépasse le seuil de cinq individus capturés par jour et par piège, seuil d’alerte pratiqué aux Etats-Unis (en situation de maïs pluvial).

A noter qu’aucun dégât imputable à la chrysomèle du maïs n’a été signalé sur plantes en 2020 en Alsace.

Deux secteurs en vigilance en Rhône-Alpes

En Rhône-Alpes, 25 000 insectes ont été dénombrés dans les 74 parcelles suivies à l’aide de pièges à phéromone en 2020, soit le même niveau que l’an dernier. Mais ce chiffre doit être pris avec précaution car la majorité des captures provient de parcelles situées dans les Marais de Bourgoin-Jallieu, la Combe de Savoie et le Grésivaudan. Dans ces trois secteurs, près de 70 parcelles ont été suivies à l’aide de pièges chromatiques dans le but d’appréhender avec plus de précision l’abondance des populations.

Dans le secteur Nord Grésivaudan, 7 des 18 parcelles suivies dans cette zone ont comptabilisé un nombre de captures supérieur à 5 chrysomèles par piège chromatique par jour. Une parcelle dépasse même le seuil de 10 individus/piège/jour. Des dégâts de verse attribués à la chrysomèle du maïs ont pu être observés très localement cette année dans quelques parcelles.

Dans la Combe de Savoie, 2 parcelles sur les 12 suivies ont dépassé le seuil de 5 chrysomèles par piège et par jour sur l’ensemble de la campagne de surveillance.

Dans les marais de Bourgoin-Jallieu, quelques parcelles dénombrent un niveau de captures assez élevé, mais aucune ne dépasse le seuil de 5 chrysomèles capturées par piège par jour.

Parmi les autres secteurs de la région, la chrysomèle du maïs est principalement observée dans la plaine de l’Ain / Lyon, les secteurs Bièvres / Terres Froides et la plaine de Valence. Mais les captures y demeurent limitées, avec seulement 4 parcelles dénombrant plus de 500 captures sur pièges à phéromone.

Ailleurs, la chrysomèle du maïs n'inspire pas d'inquiétude

Ailleurs en France, la chrysomèle du maïs confirme sa présence dans certains foyers. En Bourgogne-Franche-Comté, 117 insectes ont été capturés au total dans 15 sites (11 en Saône-et Loire, 3 dans le Jura, 1 en Côte-d'or) sur les 29 sites de surveillance déployés (soit près de 1 site sur 2 !). Ces captures ont eu lieu dans des secteurs où des captures avaient déjà été observées entre 2007 et 2014 ou en 2019.

Concernant l’Île-de-France, des piégeages ont à nouveau eu lieu en Seine-et-Marne avec plus de 500 individus capturés au total dont l’essentiel dans 3 parcelles.

En Nouvelle-Aquitaine,
les captures restent à des niveaux limités et n’inspirent pas d’inquiétude. Mais dans le nord de la région (Charente, Charente-Maritime), la chrysomèle du maïs est désormais présente très largement (avec de nombreuses parcelles faisant état de pièges positifs). à l’inverse, dans le sud de la région (Pyrénées-Atlantiques), les captures semblent encore contenues autour de 3 foyers.

Enfin, des captures en nombre limité ont eu lieu dans 3 parcelles sur les 7 faisant l’objet d’une surveillance en région PACA. Aucun problème pour cette région où la culture de maïs est peu dense, donc peu exposée.

Des recommandations à suivre selon l’abondance de population

Pour la prochaine campagne, il convient de continuer à mettre en place les mesures de lutte adaptées selon l’abondance de population constatée en 2020. Ces mesures doivent être déclinées à l’échelle de la région agricole pour augmenter leurs efficacités.
Il n’existe cependant pas encore de référence établissant un lien entre le niveau de captures et le risque de nuisibilité de la chrysomèle du maïs pour les conditions pédoclimatiques françaises. Par conséquent, il est proposé de se référer aux valeurs-guides utilisées dans les pays confrontés à ce ravageur depuis de longues années, comme aux états-Unis et en Italie. Ces valeurs vont de 5 adultes capturés par piège chromatique par jour aux états-Unis (maïs non irrigué cultivé en sol profond) à 10-15 adultes/piège/jour en Italie (maïs irrigué, indices de précocité de la variété plus élevés). En attendant de pouvoir préciser les valeurs-guides pour chacune des situations françaises, il est donc recommandé de ne pas cultiver de maïs dans la parcelle lorsque les captures ont dépassé cinq adultes/piège/jour (soit plus de 630 captures au total pour trois pièges chromatiques et six semaines de surveillance) l’année précédente. Dans ces situations, en cas de nouvelle culture de maïs, le risque de nuisibilité de la chrysomèle est élevé même si une protection insecticide est appliquée au semis.

En 2020, des parcelles atteignent ces seuils dans deux secteurs : la vallée du Grésivaudan et la Combe de Savoie.

Lorsque les captures sont inférieures à cinq adultes/piège/jour, la culture du maïs demeure envisageable l’année suivante, tout en poursuivant le rythme de rupture de la monoculture initié depuis plusieurs années. Ce levier reste en effet le plus efficace car l’insecte a besoin de consommer des racines de maïs durant son stade larvaire pour accomplir son développement. En absence de maïs au cours du printemps qui suit les pontes (déposées l’été précédent), la quasi-totalité de la population de chrysomèle du maïs présente dans la parcelle sera anéantie. Une seule année suffit pour détruire près de 100 % de la population et assainir la parcelle. Cependant, lorsque du maïs sera à nouveau cultivé, des adultes de chrysomèle provenant des parcelles environnantes viendront à nouveau déposer des œufs dans la parcelle, et la population augmentera au fil des années.

En dessous de 5 captures par jour par piège chromatique : poursuivre la rupture de la monoculture au moins une fois tous les 4 ans.

Une efficacité partielle de la protection insecticide au semis

Si les captures sont comprises entre 0,5 et 5 adultes/piège/jour (soit environ 60 à 630 adultes sur les six semaines de suivi) avec 3 pièges chromatiques, une protection insecticide au semis peut contribuer à limiter le nombre d’adultes qui vont émerger de la parcelle protégée. Les essais d’Arvalis mettent en évidence une efficacité variant de 50 % pour Force 1,5G (12,2 kg/ha) à 30 % pour les autres solutions comme Karaté 0,4GR (15 kg/ha) ou le traitement de semence Force 20CS (figure 1). Cette pratique permet de cultiver du maïs une ou deux campagnes de plus avant de devoir envisager une culture alternative dans la parcelle. Dans le cas où la protection insecticide ne cible aucun autre ravageur que la chrysomèle du maïs, elle n’est pas justifiée s’il s’agit de la première année de culture de maïs (pas de capture dans la parcelle l’année précédente) ou si la culture de maïs sera suivie d’une autre culture que du maïs l’année suivante.

Parallèlement à la lutte directe, il convient d’adapter l’itinéraire technique du maïs pour que les dégâts occasionnés par les larves aient une nuisibilité limitée. Pour cela, toutes les mesures favorisant la rhizogenèse du maïs seront bénéfiques : préparation du sol soignée, semis précoce et apport d’engrais starter (et pas seulement de la stimulation) favoriseront le développement des racines.

Dans les secteurs rhônalpins autres que les marais de Bourgoin-Jallieu, la vallée du Grésivaudan et la Combe de Savoie et alsaciens autres que la plaine d’Alsace, il est recommandé de poursuivre la rupture de la monoculture selon le rythme initié depuis 2011, de telle sorte qu’une autre culture que le maïs soit cultivée au moins une année sur cinq ou six (selon le type de parcelle, tableau 2). La rupture de la succession de maïs doit intervenir en premier lieu dans les parcelles ayant l’historique de maïs le plus long ou bien dans les parcelles ayant rencontré les niveaux de captures les plus élevés au cours de la dernière campagne. Dans ces secteurs, la surveillance à l’aide de piège chromatique semble prématurée pour 2021. Il est donc recommandé de poursuivre la surveillance à l’aide de pièges à phéromone, en privilégiant le suivi des parcelles ayant la plus longue succession de cultures de maïs comme précédent.

En cas de captures significatives sur piège à phéromone : rompre la monoculture de maïs une fois tous les 5 ou 6 ans.

Poursuivre la surveillance dans les zones à risque

Ailleurs en France, dans les secteurs ayant fait l’objet de captures de chrysomèle du maïs, les éventuels dégâts ne sont pas envisagés à courte échéance. Mais il est opportun de poursuivre la surveillance en continuant le déploiement de pièges à phéromone afin d’avoir un suivi des populations de chrysomèle du maïs dans l’espace et dans le temps, et de ne pas cultiver de maïs en 2021 dans les parcelles où les plus fortes captures ont eu lieu en 2020. Lorsque cette dernière mesure peut être mise en place, elle présente un grand intérêt pour gêner l’installation du ravageur.

Enfin, dans les zones géographiques a priori non infestées à ce jour, il est recommandé de poursuivre la surveillance de la chrysomèle du maïs en positionnant des pièges à phéromone en priorité dans les parcelles de maïs situées à proximité immédiate d’une aire de stationnement, d’une zone industrielle avec trafic routier ou aéroportuaire, d’une zone touristique… car il s’agit souvent de point d’entrée de la chrysomèle du maïs dans un nouveau territoire.

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