Les vingt ans de la station expérimentale d’Ouzouer-le-Marché : happy « Arvaliserres », Ouzouer !
Construite en 2000 dans le but de regrouper les bureaux de Chartres et de Blois, la station d’Ouzouer (voir Fiche d’identité) accueillait au départ trois ingénieurs, quatre techniciens et une assistante. Deux autres personnes viennent étoffer à plein temps l’équipe quand la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (FNAMS) rejoint la station en 2010 (encadré). Depuis 2014, Ouzouer gère PhénoField (encadré), une plateforme de recherche sur le stress hydrique nécessitant la contribution de différents services et corps de métier. Désormais, une vingtaine de personnes travaillent de façon permanente sur le site.
Fiche d’identité de la station
Coordonnées :
45 Voie Romaine, OUZOUER-LE-MARCHÉ, 41240 Beauce-la-Romaine
Responsable du site :
Manon Boissières - 02.54.82.33.10
Contact FNAMS :
Élise Morel - 02.54.82.33.26
Personnel :
18 permanents, soit
• 13 personnes dans l’équipe DAR-région Centre, sous la responsabilité de Nathalie Bigonneau, directrice pour la région Centre d’Arvalis ;
• 3 personnes dont une détachée chez Photonics à Lannion (22), au service Valorisation des innovations génétiques-Biotechnologies et phénotypage innovant, sous la responsabilité de Jean-Pierre Cohan, chef du service Valorisation des Innovations d’Arvalis ;
• 1 personne au service Agronomie, Économie et Environnement-Agriculture de précision, sous la responsabilité de Sylvain Marsac, responsable du pôle Bioressources-Agro d’Arvalis ;
• 2 personnes de la FNAMS.
Déploiement des activités :
Sur l’ensemble de la région Centre Val-de-Loire et, plus particulièrement, sur les quatre départements du nord de la région : l’Eure-et-Loir, l’Indre-et-Loire, le Loir-et-Cher et le Loiret.
À l’échelle régionale, différentes espèces sont étudiées : blé dur, blé tendre, orges d’hiver et de printemps, triticale, avoine, maïs et sorgho. Les diverses thématiques - variétés, fertilisation, irrigation, physiologie, protection des plantes… - répondent autant à des problématiques locales que nationales. Au total, près de quatre-vingts expérimentations sont menées chaque année, ce qui représente près de 6000 micro-parcelles.
L’activité de la FNAMS à Ouzouer
La station FNAMS est basée à Bourges, avec une plateforme d’expérimentations à St Germain-du-Puy (18). En 2009, l’ingénieur régional spécialisé en semences potagères est délocalisé en Beauce afin d’être plus proche du bassin de production ; aussi, en décembre, une deuxième station FNAMS s’ouvre à Ouzouer-le-Marché dans les locaux d’Arvalis. Fin 2013, un technicien en charge de l’expérimentation arrive et un saisonnier complète l’équipe.
La région Centre Val-de-Loire est la troisième région de production de semences, et la Beauce est un bassin important pour la multiplication des céréales et des plantes potagères. Certaines cultures potagères porte-graine sont d’ailleurs essentiellement produites dans ce bassin, comme l’épinard (88 % des surfaces nationales) ou la mâche (80 % des surfaces nationales).
La carotte porte-graine est également une espèce importante dans la région (40 % des surfaces nationales) et est beaucoup travaillée par la station FNAMS d’Ouzouer. Le radis porte-graine fait dernièrement l’objet de travaux importants pour faire face à des problèmes techniques qui menacent le maintien de cette production en France. Depuis 2018, la betterave industrielle porte-graine est aussi travaillée à Ouzouer.
L’essentiel de l’activité de la FNAMS à Ouzouer est d’élaborer des références techniques sur les cultures potagères et la betterave industrielle porte-graine afin de répondre aux besoins de l’interprofession des semences, et notamment des agriculteurs multiplicateurs. Des prospections et des expérimentations mises en place directement chez les agriculteurs sont réalisées tout au long de l’année. Ainsi, en 2020, dix-huit essais sont planifiés par la station. L’ensemble des thématiques est travaillé, de l’implantation à la récolte en passant par la pollinisation des cultures. Cependant, les études conduites concernent en majorité la protection des cultures, avec des travaux sur le désherbage, sur les maladies spécifiques aux cultures porte-graines et sur les ravageurs des semences comme les punaises, responsables de défaut de germination des semences de carotte.
Par ailleurs, afin de maintenir un environnement favorable à la multiplication de semences, la FNAMS réalise une étude régionale pour mettre au point un mélange mellifère utilisable en jachère pluriannuelle compatible en zone semences et favorable à la faune sauvage. Neuf partenaires participent à ce projet, débuté en 2016, dont plusieurs chambres d’Agriculture, l’Office français de la biodiversité, la Fédération régionale des chasseurs, l’Association de développement apicole, l’association Hommes & Territoires et l’établissement semencier Jouffray-Drillaud.
Phénotyper les variétés pour repérer les résistances aux bioagresseurs
La caractérisation d’une plante, ou phénotypage, consiste à déterminer toutes les caractéristiques observables de la plante en culture au champ - par exemple, sa précocité, sa résistance aux maladies ou sa hauteur. Activité primordiale pour l’institut, la station d’Ouzouer a développé dès sa création des compétences dans ce domaine, notamment autour de deux problématiques locales : les mosaïques et la cécidomyie orange.
La station étudie les deux virus responsables des mosaïques du blé, transmis par un micro-organisme du sol, le Polymyxa Graminis : le virus de la mosaïque des céréales (SBCMV), particulièrement rencontré en région Centre, et celui de la mosaïque des stries en fuseau du blé (WSSMV), auquel le blé dur est très sensible. L’infestation des parcelles par ces virus est quasi définitive, et il n’existe pas de moyen de lutte autre que le recours à des variétés résistantes et le décalage des dates de semis. Les travaux d’Arvalis sur les mosaïques ont donc été orientés très tôt vers la caractérisation des variétés de blé vis-à-vis de ces virus.
Les premiers essais de phénotypage du blé tendre voient le jour dans les années quatre-vingts, en partenariat avec l’Inra de Versailles. Dix ans plus tard, toutes les variétés inscrites sont mises en essai sur une parcelle contaminée par les deux virus. Une variété indemne est déclarée résistante après deux ans d’essais et un test ELISA. Dès 1997, Arvalis participe à des projets de recherche pour caractériser les gènes de résistance. En 2002, la résistance aux mosaïques devient un bonus au moment de l’inscription des variétés. Le site Arvalis devient l’un des trois sites officiels pour caractériser les variétés en dépôt. À partir de 2016, le nombre de variétés testées diminue grâce aux connaissances apportées par les biotechnologies ; ne sont implantées que les génétiques au profil de résistance favorable.
Des variétés de blé dur sont introduites dans les essais au début des années quatre-vingt-dix. Début 2000, le site de Pray (41), qui ne contient que le virus WSSMV, devient un nouveau terrain d’expérimentation pour l’équipe d’Ouzouer. Grâce à ces expérimentations, le comportement d’environ 130 variétés de blé dur face aux deux virus est connu. Cependant très peu d’entre elles sont résistantes, que ce soit vis-à-vis de SBCMV (5-6 variétés) ou de WSSMV (une variété, Soldur). Les essais sont arrêtés, faute de nouvelles sources génétiques. Il faut attendre un partenariat avec l’Inra de Montpellier en 2006 pour reprendre les travaux sur les mosaïques, notamment sur celle des stries en fuseau. Ces projets ont permis d’améliorer la connaissance des gènes impliqués dans les mécanismes de résistance. Des marqueurs moléculaires liés à ces gènes sont partagés avec les sélectionneurs pour, un jour, pourvoir proposer aux producteurs des variétés de blé dur résistantes.
Dans les années quatre-vingt-dix, une quarantaine de variétés de triticale et une dizaine de variétés de seigle sont aussi testées pour évaluer la nuisibilité des mosaïques sur ces espèces. Grâce aux résultats obtenus, le seigle est considéré comme résistant au WSSMV et cultivable en cas de SBCMV (faible impact sur le rendement). La sensibilité du triticale aux mosaïques est, elle aussi, peu élevée. Un essai est toutefois mis en place un an sur deux pour s’assurer de l’absence de dérive de sensibilité des variétés récentes.
La cécidomyie orange du blé, ravageur discret mais qui peut entraîner des pertes de rendement de plusieurs dizaines de quintaux, est également suivi de près par l’équipe d’Ouzouer. Suite aux travaux sur l’évaluation du risque et l’efficacité des insecticides, Arvalis mène depuis 2005 des essais pour mettre en évidence la résistance des variétés de blé tendre. Comme pour la mosaïque, des projets sont réalisés en collaboration avec les sélectionneurs pour les aider à identifier précisément les gènes de résistance.
Avec PhénoField, le phénotypage haut débit s’installe à Ouzouer
En 2015, au côté de l'État, les agriculteurs ont décidé d’investir pour l'avenir dans un « accélérateur de phénotypage des plantes sous contrainte de stress hydrique ». La plateforme PhénoField d’Arvalis a pour objectif de caractériser le comportement des plantes en période de déficit hydrique pour préparer l’adaptation des grandes cultures aux changements climatiques. Basée à Ouzouer le marché, PhénoField s’intègre dans le réseau français de phénotypage des plantes PHENOME-Emphasis piloté par l’Inrae et subventionnée par l’Agence Nationale de la Recherche.
La plateforme Phénofield en chiffres
2013 : début du chantier de construction à Mézières
2015 : première expérimentation sur maïs
2017 : première expérimentation sur blé avec les portiques de phénotypage
7,5 hectares, dont 2 ha de surface expérimentale
8 toits roulants, soit 5000 m² de surfaces couvrables
384 micro-parcelles couvrables par les toits et autant en pluviales
Jusqu’à 400 variétés phénotypables par an
16 chariots d'irrigation, soit jusqu’à 32 conduites hydriques différentes
650 m3 d'eau de pluie récupérés et recyclés pour l'irrigation des essais
Plus de 100 points de mesure pour le suivi en temps réel et à différentes profondeurs de l’état hydrique du sol
Budget de 9 millions d'euros, financé à 50 % par l’Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du projet PHENOME - EMPHASIS France
PhénoField est constituée de huit toits roulants couvrant automatiquement un demi-hectare de culture à chaque pluie et est équipée de systèmes d’irrigation intégrés. Grâce à ce pilotage de la quantité d’eau apportée à la culture, il est ainsi possible de créer des scénarios différenciés de stress hydrique sur les plantes (pendant la croissance végétative, au moment de la floraison, pendant le remplissage des grains...) et ce, quelles que soient les conditions météo de l'année.
Depuis 2017, de nombreuses méthodes de mesures par capteurs sont développées en parallèle des mesures manuelles : ce sont des techniques de phénotypage à haut débit. Des lasers, des caméras ou encore des spectroradiomètres sont embarqués sur des portiques et fournissent en dynamique des estimations de la hauteur des plantes, de la fraction de couverture du sol, de la fraction de vert (figure 1), de l’indice foliaire vert, et des indices de végétation (NDVI, MTCI, MCARI2...). Ces informations, acquises sans détruire les plantes, sont très utiles à la compréhension des mécanismes de tolérance au stress hydrique, puisqu’il est possible de suivre toutes les semaines la croissance des plantes et leur sénescence.
Depuis cinq ans, grâce aux toits mobiles, les comportements des variétés à des contraintes hydriques très précises ont été évalués : à partir de l’épiaison et pendant tout le remplissage du blé (2016, 2017), pendant la phase végétative avec retour à l’optimum pendant le remplissage du maïs (2015, 2018) ou du blé (2019).
Les données ont été partagées avec des programmes de recherche nationaux tels que BREEDWHEAT et AMAIZING qui fournissent aux sélectionneurs des marqueurs moléculaires associés à une tolérance utilisables dans leurs schémas de sélection. Les conditions particulières mises en place permettent d’affiner les préconisations variétales. Enfin, les mesures enregistrées sur PhénoField dans des scénarios climatiques variés améliorent le modèle de culture CHN et, par la même occasion, les outils d’aide à la décision qui lui sont liés, tel Irré-LIS.
Des travaux pour alimenter le modèle CHN
En collaboration avec d’autres équipes d'Arvalis et depuis maintenant trois ans, la station d’Ouzouer-le-Marché mène des essais pour améliorer le modèle de culture CHN. Cet outil simule les flux de carbone (C), d’eau (H) et d’azote (N) entre la plante, l’atmosphère et le sol (figure 2). Le modèle est relié aux bases de données « Variétés », « Sols » et « Météo » d’Arvalis et valorise vingt-cinq ans d’essais. Il est prévu de l'intégrer dans de nombreuses applications d’aide au diagnostic et au pilotage des cultures, auxquels il apporte une dimension dynamique.
CHN peut simuler la croissance des cultures de blé, d’orge et de maïs ainsi que les effets sur celle-ci des facteurs limitants (stress hydrique et azoté, par exemple), en temps réel et en projection jusqu’à la fin de la campagne grâce au calcul fréquentiel. Ce modèle de culture a été utilisé pour mettre au point une nouvelle approche du raisonnement de la fertilisation azotée des céréales adaptée au climat de l’année, en se basant sur l’évaluation en continu du besoin en azote de la culture et des flux azotés sol/plante/atmosphère.
Au sein de la station d’Ouzouer, un des ingénieurs est missionné à temps plein depuis un an pour animer et coordonner au sein de l’institut les travaux de recherche et de valorisation menés sur ce modèle et ses applications.
Le maïs est également à l’étude
L’enjeu principal du maïs est le choix variétal. Le renouvellement génétique étant très important, la majorité des essais conduits depuis la création de la station portent sur la caractérisation des variétés en conduite irriguée ou restreinte. Récemment, des essais sont aussi menés en conduite pluviale pour comparer les différents indicateurs de performances agronomiques et technico-économiques de plusieurs groupes de précocités de variétés de maïs grain. Des protocoles sur la physiologie du maïs ont été expérimentés pendant plusieurs années par l’équipe d’Ouzouer. L’effet de la densité, de l’écartement entre les rangs et de la précocité de la variété sont autant de facteurs ayant été étudiés. De plus, un réseau « Désherbage », piloté par Arvalis et regroupant une dizaine de partenaires, teste depuis 2002 en région Centre l’efficacité de différentes solutions de désherbage possibles en fonction des types de flores adventices. Des stratégies de désherbage mixte et d’applications localisées sur le rang sont actuellement expérimentées.
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