RMT BESTIM : stimuler la santé des plantes pour des systèmes performants
La société demande de réduire drastiquement l’utilisation d’intrants de synthèse, et notamment de produits phytopharmaceutiques. Cette demande se décline en politiques publiques (plans Ecophyto, stratégie nationale sur le biocontrôle, loi Egalim, orientation du Plan national de développement agricole et rural) et en orientations réglementaires. Pour y répondre, agriculteurs et professionnels en charge du développement agricole doivent inventer une agriculture dite « agroécologique » qui assure à la fois la rentabilité et la durabilité des systèmes de production.
Le réseau mixte technologique (RMT) BESTIM s’insère dans cette logique et propose le concept d’immunité agroécologique des plantes : il s’agit d’optimiser l’immunité des cultures, c’est-à-dire l’ensemble des mécanismes physiologiques qui assurent l’expression d’un système immunitaire performant protégeant la plante des bioagresseurs, tout en lui garantissant un développement optimal (rendement, qualité) et en tenant compte de son environnement (figure 1).
Le but du RMT BESTIM ne s’arrête donc pas à la seule compréhension des mécanismes physiologiques liés aux variations de l’immunité des végétaux en réponse à divers facteurs. Il prend aussi en compte les objectifs de production, ce qui soulève la question du compromis entre immunité et productivité de la culture, ces deux stratégies pouvant être concurrentes.
Le RMT Elicitra, socle du projet BESTIM
Affilié au réseau ACTA et piloté par Arvalis, le RMT BESTIM réunit de nombreux organismes désireux de s’engager collectivement dans cette démarche. Plus de cinquante partenaires ont déjà rejoint le réseau : instituts de recherche fondamentale et appliquée, instituts d’enseignement supérieur et secondaires, organismes de développement agricole… Ils couvrent toutes les filières de productions végétales, des grandes cultures à la vigne, en passant par les fruits et légumes, l’horticulture et les plantes aromatiques et médicinales.
Le RMT BESTIM s’appuie sur un précédent réseau, le RMT Elicitra (2010-2019). Celui-ci a permis la création d’une communauté scientifique et technique dynamique, qui a défini la notion de stimulateurs des défenses des plantes (SDP), dressé une liste des nuisibilités ainsi que des verrous pour chaque filière, et déterminé les priorités de recherche sous forme de couples plante-pathogène.
Une base de données(1) répertoriant les essais évaluant l’efficacité des produits stimulant l’immunité sur différentes cultures et vis-à-vis de différents bioagresseurs a été créée ; les tests de plus de 200 solutions y sont consignés. Parmi les succès à l’actif des partenaires du RMT Elicitra figurent l’homologation et, surtout, l’utilisation en condition de production d’un SDP pour lutter contre la rouille blanche du chrysanthème (qui permet de diviser jusqu’à quatre fois le nombre de traitements phytosanitaires), et la transposition à la vigne, la tomate, la pomme de terre, au blé et, plus récemment, à la carotte d’un outil moléculaire mesurant le niveau d’activation des gènes de défense qui avait été mis au point par INRAE pour le pommier.
Quels facteurs influencent le système immunitaire d’une culture ?
Outre des produits (qui présentent toutefois une grande diversité d’efficacité selon les matières actives, leur formulation ou encore leur mode d’application), plusieurs facteurs biotiques et abiotiques stimulent également l’immunité des plantes.
La génétique d’une culture conditionne sa capacité à réagir à une infection. La sélection peut avoir progressivement appauvri la diversité de défenses au profit de la productivité ou de la qualité gustative, comme cela a été démontré chez le pommier et le haricot, par exemple. Pour les espèces au turn-over variétale rapide, une avancée des connaissances pourrait orienter différemment la sélection ; pour d’autres au turn-over lent (espèces pérennes notamment), un état des lieux serait déjà très utile.
Les pratiques culturales, quant à elles, visent surtout à améliorer la productivité de la culture. Cependant, elles affectent aussi la capacité de la plante à mettre en place son système immunitaire ; c’est notamment le cas de la fertilisation, qui peut parfois favoriser la croissance au détriment de la santé de la culture. Les pratiques qui agissent sur l’holobionte (le système « plante et/ou microbiote ») seront également étudiées de près, car sa modification pourrait avoir des effets positifs comme négatifs sur le potentiel immunitaire de la plante.
Les contraintes climatiques peuvent, elles aussi, prédisposer la plante à une plus ou moins grande sensibilité aux bioagresseurs et à une plus ou moins grande réceptivité aux stimulants de l’immunité.
Enfin, la plante cultivée interagit avec de multiples organismes de son environnement (outre ses bioagresseurs) : des végétaux, des animaux ou encore des micro-organismes vivants à sa surface, sur ses racines, voire en elle-même. Les conséquences sur sa physiologie et son système immunitaire restent en grande partie incomprises.
Tous ces facteurs constituent des leviers qui, selon les cas, sont actionnables ou subis par la culture. Le RMT BESTIM a pour objectif de hiérarchiser leurs importances respectives et de les combiner en trouvant un compromis optimal entre immunité et développement.
Concevoir de nouveaux systèmes de culture, notamment pour le blé
BESTIM organise des recherches pour concevoir des systèmes de culture mettant en œuvre ou prenant en compte un maximum de ces leviers. Une veille à l’innovation examinera les produits et leurs modes d’application ainsi que les procédés (mécaniques ou physiques) de stimulation, employés seuls ou combinés avec d’autres leviers, qu’ils concernent les productions sous abri ou de plein champ, en agriculture conventionnelle comme biologique.
Les actions de recherche fondamentale qui seront entreprises viseront à comprendre l’impact de ces différents leviers et leurs interactions avec l’immunité végétale afin d’optimiser leur utilisation combinée. Côté recherche appliquée, les modes d’application de traitements de stimulation seront plus particulièrement scrutés, et notamment la pulvérisation, les apports au niveau racinaire et les traitements de semences. Des travaux spécifiquement dédiés à l’optimisation des modes d’application, en partenariat avec des équipementiers si besoin, sont donc nécessaires pour adapter les méthodes traditionnelles à ce type de produits ou pour trouver de nouvelles méthodes (injection, traitement localisé, arrosage sur frondaison, etc.).
Le RMT BESTIM s’emploie également à mettre en place une méthodologie rigoureuse, en réponse aux attentes de la profession - par exemple, en harmonisant et/ou en mettant au point des outils et des méthodes d’expérimentation en conditions contrôlées (en laboratoire) comme au champ. En particulier, des méthodes de diagnostic de la diversité microbienne doivent être mises au point et intégrées aux expérimentations afin d’évaluer l’influence des différents leviers et de mieux comprendre le levier « microbiote » en tant que tel dans l’immunité agroécologique.
L’ensemble de ces résultats seront mis en application et évalués sur le terrain avec pour objectif la re-conception de quatre systèmes de culture autour de la pomme, de la vigne, du blé et de la tomate. L’apport des statistiques et de la modélisation sera alors précieux.
Durant les cinq années du projet (2021-2025), les connaissances fondamentales et pratiques progressivement acquises seront transférées du laboratoire au terrain, et diffusées aux professionnels et aux étudiants via différents supports. Le site web (à venir) du RMT, https://www.bestim.org, sera régulièrement mis à jour pour rendre compte de ces activités.
(1) Cette base de données peut être consultée sur le site web http://www.elicitra.org ainsi que sur la plateforme API-AGRO.
Régis Berthelot - r.berthelot@arvalis.fr
Paloma Cabeza-Orcel - p.cabeza@perspectives-agricoles.com
Marie Turner - turner@vegenov.com
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