Désherbage du maïs : des alternatives au « tout chimique »
Avec un indice de fréquence de traitement (IFT) de 1,75, le maïs fait partie des grandes cultures ayant le moins recours aux traitements phytosanitaires. Les produits appliqués sont essentiellement des herbicides. Des techniques alternatives se développent, poussées par l'innovation ainsi que par les contraintes économiques et réglementaires.
Le maïs étant cultivé avec un large inter-rang, les adventices disposent de cet espace sans concurrence du semis jusqu’au stade « 12-14 feuilles », quand le maïs recouvre l’inter-rang. Il est donc important de maîtriser la flore adventice pendant les six premières semaines suivant l’implantation.
Arvalis et de nombreux partenaires régionaux ont réalisé depuis près de quinze ans des essais évaluant et comparant différentes stratégies de désherbage, selon des critères techniques, économiques et environnementaux.
Les doubles applications herbicides de postlevée « en plein » (c’est-à-dire couvrant le rang et l’inter-rang) et celles en prélevée puis en postlevée « en plein » représentent actuellement 70 % des programmes conventionnels de désherbage chimique du maïs. Deux autres stratégies chimiques à deux applications ont aussi été évaluées : l’une tout en postlevée, et l’autre consistant en un traitement sur le rang en prélevée (encadré) suivi d’une application en plein de postlevée. Sept stratégies « mixtes » (alliant désherbages chimique et mécanique) représentatives ont été testées, ainsi qu’une stratégie « tout mécanique » où seul le binage a été étudié car il s’agit de la technique la plus représentative.
Par construction, les stratégies alternatives désherbent différemment le rang de maïs et l’inter-rang, contrairement au désherbage chimique conventionnel. L’alternative mécanique n’intervient que sur l’inter-rang, et l’application chimique localisée couvre le rang de maïs sur quelques centimètres de largeur.
Les stratégies incluant une part de chimique ont une efficacité globalement satisfaisante
Le premier critère d’évaluation d’une stratégie de désherbage est l'efficacité sur les adventices. Cette notion doit tenir compte de la satisfaction globale du programme, mais aussi de son efficience sur le rang et l’inter-rang et sur les différents types de flore.
Il est considéré qu’une stratégie est efficace si sa note de satisfaction est très proche ou dépasse 7. Cette note caractérise un désherbage non nuisible pour la culture et non préjudiciable pour la valeur patrimoniale de la parcelle : c’est-à-dire que, selon les espèces, 95 à 97 % des adventices ont été éliminées.
Parmi les stratégies conventionnelles « tout chimique », les stratégies les plus sécurisantes demeurent celles qui combinent deux applications chimiques « en plein » (figure 1). En effet, le passage unique de postlevée « en plein » n’offre qu’une efficacité moyenne. Effectuer un passage de prélevée sur le rang de maïs uniquement fait perdre quelques points d’efficacité, qui s’explique par un moindre contrôle de la flore sur l’inter-rang, mais sa performance globale est néanmoins supérieure à la stratégie du passage unique de postlevée.
Pour les stratégies alternatives utilisant le désherbage mécanique, la bineuse a une efficacité limitée sur le rang. Le binage peut néanmoins être complété par une application chimique « en plein », que ce soit en prélevée ou en postlevée de la culture, afin de compléter le désherbage sur le rang. Ces stratégies dites mixtes, avec double intervention où l’une des applications chimiques (en prélevée ou en postlevée) est remplacée par une intervention mécanique, ont généralement une efficacité globale plus faible que les stratégies « tout chimique ». Cela s’explique principalement par une efficacité plus faible sur le rang, désherbé par une seule application chimique.
En cas de double intervention de postlevée, le positionnement du binage a un impact sur le salissement du rang : lorsque le binage remplace le second passage de postlevée, le premier traitement « en plein » permet de contrôler précocement les premières levées d’adventices sur le rang comme sur l’inter-rang ; le binage assure ensuite la maîtrise des relevées sur l’inter-rang, comptant sur la croissance du maïs pour concurrencer suffisamment les nouvelles levées sur le rang. En revanche, biner précocement à la place du premier passage élimine les adventices sur l’inter-rang mais ne contrôle pas celles qui lèvent sur le rang de maïs. Or, lors du rattrapage chimique en plein au second passage, celles-ci risquent fort d’être à un stade trop avancé pour pouvoir être maitrisées par une application d’herbicide en postlevée.
Des stratégies évaluées à l’aune d’une batterie d’indicateurs
L’efficacité d’une stratégie est un critère essentiel de son choix, mais d’autres tels que les conditions de mise en œuvre (sa faisabilité technique) ou les critères économiques sont tout aussi importants.
Dans un contexte de plus en plus contraignant pour l'exploitant, la faisabilité du désherbage est déterminée par le nombre de passages à réaliser et le temps d’intervention (qui doit être le plus réduit possible, selon le souhait des producteurs), et par la souplesse des fenêtres d'intervention ; cette dernière est liée à la sensibilité de la mise en œuvre optimale du traitement aux contraintes climatiques ainsi qu’aux exigences spécifiques, qui peuvent se cumuler. Enfin, les contraintes liées à l’état du sol sont à prendre en considération : type de sol, préparation du sol (présence de mottes et régularité du lit de semences) et potentialité agronomique (aptitude au ressuyage, présence ou non d'éléments grossiers).
Si l’on ne tient compte que du nombre de passages pour désherber, les stratégies faisant appel à une ou des interventions mécaniques sont globalement défavorisées. En effet, les débits de chantier sont nettement inférieurs et l’efficacité n'est qu'instantanée. De plus, les relevées successives engendrées par chaque intervention mécanique imposent un nombre de passages supérieur pour couvrir la période de sensibilité de la culture à la concurrence des adventices.
Les stratégies mixtes apparaissent plus compliquées à mettre en œuvre car elles cumulent les contraintes propres aux stratégies chimiques et mécaniques. Et la sensibilité aux conditions pédoclimatiques est globalement plus importante pour les interventions mécaniques, en raison des exigences spécifiques de travail du sol et de ressuyage.
Afin d'intégrer des éléments décisifs dans le choix d'un type de technique de désherbage, différents indicateurs économiques spécifiques ont été calculés (tableau 1) :
• le coût moyen de la stratégie, qui comprend le coût des produits phytosanitaires (base 2018), le coût du matériel (amortissement, taux de dépréciation et frais financiers), le coût de la traction (dont carburant et GPS), et le coût de la main d’œuvre ;
• le temps exigé pour la mise en œuvre de chacune des stratégies étudiées ;
• la consommation en carburant du matériel, tenant compte du cumul des différents passages nécessaires pour chaque stratégie ;
• la consommation d’énergie primaire totale et les émissions de gaz à effet de serre (GES). Prenant en compte la consommation lors de la fabrication et de l’utilisation des machines (durée de vie, carburant utilisées…) ainsi que des herbicides ;
• l'IFT (indice de fréquence de traitement), qui quantifie l’utilisation des produits phytosanitaires.
L'indicateur « coût moyen » montre une forte disparité. Il ne peut être jugé indépendamment d'autres critères tels que la performance technique et la souplesse de mise en œuvre. Le traitement localisé sur le rang présente un coût globalement acceptable par rapport à un traitement en plein (environ 20 € à 40 €/ha). Bien qu’il y ait un gain financier sur l’utilisation de produits (70 % de produit épandu en moins), celui-ci est gommé par le coût du matériel à l’hectare, qui revient encore aujourd’hui jusqu’à 50 % plus cher qu’un pulvérisateur classique en raison, notamment, d’une performance à l’hectare plus faible.
Concernant le temps passé pour désherber la parcelle, l’avantage est très net pour les stratégies chimiques. Toutefois, la rampe pour les traitements localisés en postlevée a un débit de chantier inférieur à un pulvérisateur classique du fait d’une moindre largeur, mais l’évolution du matériel comblera probablement assez rapidement cette différence.
Inévitablement, la consommation de carburant va dans le même sens. Davantage d'interventions et d’allers-retours sur la parcelle en raison d’une moindre largeur de passage génèrent une plus grande consommation de carburant avec les stratégies mixtes et surtout mécaniques.
Les stratégies en prélevée localisée étant associées au semis dans nos essais, le temps passé et le carburant consommé pour désherber sont moins importants que pour les stratégies de prélevée « en plein », car ces dernières dissocient le semis du désherbage, obligeant à intervenir à deux reprises.
Enfin, la consommation d’énergie primaire - et donc les émissions de GES - sont directement liées à la consommation de carburant. Inéluctablement, l’utilisation accrue d’outils mécaniques ou de matériel « plus lent », comme dans les traitements localisés, conduit à une augmentation de ces paramètres écoenvironnementaux. D’autre part, l’impact de la production des produits phytosanitaires sur la consommation d’énergie primaire ainsi que sur les émissions de GES est dérisoire. Elles sont de l’ordre de 0,45 Mj/ha et 0,01 kg éqC02/ha pour 1500 g de substances actives produites (quantités utilisées dans un programme herbicide « en plein » en prélevée puis postlevée).
L'IFT diminue logiquement avec les stratégies mixtes et celles incorporant un traitement localisé sur le rang, jusqu'à s'annuler avec le tout mécanique. Là encore, ce critère ne suffit pas à lui-même et doit être mis en regard des performances technico-économiques. On peut toutefois noter que certaines stratégies mixtes présentent un IFT équivalent à des stratégies chimiques optimisées. SQUARE
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