Quand faut-il chauler une parcelle ?
Perspectives Agricoles : Comment le pH des sols agricoles évolue-t-il ?
Hélène Lagrange : À l’exception des sols naturellement carbonatés, le pH tend à diminuer au fil des ans. Les bases de données sur les sols, alimentées par les analyses de terre, montrent que les pH diminuent moins vite ces dernières années. Cela provient, entre autres, d’une fertilisation gérée au plus près des besoins des cultures, ainsi que des couverts piège à nitrate, limitant la lixiviation de l’azote. Ces constats ne peuvent être confirmés que si des mesures sont régulièrement réalisées - celles issues des laboratoires sont les plus fiables.
P. A. : Sur quels indicateurs se basent les apports d’amendement calcaires ?
H. L. : Le pH eau évalue le niveau d’acidité. La CEC metson estime le pouvoir tampon dont on déduit la quantité d’amendement à apporter. Ces deux indicateurs sont particulièrement bien référencés en France grâce aux nombreuses données disponibles. Les recommandations tiennent compte de la variabilité saisonnière. Il est ainsi établi que la toxicité aluminique, qui affecte la nutrition des plantes, est pénalisante en grandes cultures si le pH eau descend en dessous de 5,5. Le meilleur compromis à rechercher se trouve entre 6 et 6,5. Certaines situations sont spécifiques, selon les cultures ou la nature des sols. C’est le cas des limons battants à faible teneur en matière organique pour lesquels il faut viser un pH neutre (7) en vue d’améliorer la structure du sol.
P. A. : Peut-on adapter le raisonnement au contexte économique ?
H. L. : Rappelons tout d’abord qu’en sols naturellement carbonatés - calcaires, craies et argilo-calcaires où le pH reste stable - tout amendement est inutile. En grandes cultures ou prairies temporaires, un « redressement » est indispensable si le pH eau est inférieur à 5,5. Dans la zone comprise entre 6 et 6,5, un apport « d’entretien » à base de carbonates grossiers est suffisant. Une impasse peut être raisonnée après avoir vérifié l’évolution du pH de la parcelle. Ne pas oublier d’intégrer, dans le calcul des doses à apporter, les produits organiques éventuellement épandus. Leur effet sur l’augmentation du pH est difficile à évaluer mais a bien été constaté, même s’il s’agit de lisier. Pour situer le statut d’une parcelle, il est ainsi important de réaliser des mesures de pH tous les 4-5 ans, au même endroit et à la même période de l’année.
P. A. : D’autres effets sont-ils à attendre de ces amendements ?
H. L. : Le pH du sol peut exercer une influence sur les émissions de gaz à effet de serre, en lien avec l’activité des micro-organismes : la production de protoxyde d’azote diminue si le pH passe au-dessus d’un seuil compris entre 6,4 et 6,8. En revanche, cette action peut être contrebalancée par les émissions de CO2, soit indirectement, lors de la fabrication des produits et par le carburant consommé, soit directement par la dissolution des amendements. Des travaux sont en cours afin de comptabiliser ces émissions dans le bilan carbone des amendements. D’autre part, un essai d’une dizaine d’années conduit par Arvalis va prochainement s’achever. Il complétera les résultats d’essais antérieurs en vérifiant, sur un autre type de sol, l’effet ou non du chaulage sur la structure du sol.
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