Orge de printemps semée en automne : quand la stratégie est-elle gagnante ?
Semée en automne, l’orge de printemps développe un système racinaire plus important qui la rend plus robuste vis-à-vis des aléas climatiques du printemps comme une sécheresse à la montaison. Mais surtout, ce semis précoce entraîne la « précocification » de son cycle comparé à un semis au printemps, en limitant l’exposition aux stress thermiques et hydriques de fin de cycle, très préjudiciables aux rendement en sols superficiels. Ainsi le nombre d’épis par m², principale composante du rendement, et le remplissage tendent à être sécurisés.
Comment estimer le « pour » et le « contre » d’un semis automnal ?
Le réchauffement climatique est « malheureusement » un allié
L’un des principaux risques auquel l’orge de printemps est confrontée en étant semée en automne est le gel. Les variétés de printemps sont, en effet, moins résistantes que les orges d’hiver à une exposition aux froids marqués de janvier-février, alors qu’elles sont au stade « 2-3 feuilles ».
Toutefois ce risque a beaucoup diminué presque partout en France ces dernières années (figure 1). Ainsi, à Bourges, en Champagne berrichonne, la survenue de gels forts est devenue rare : sur la période 1980-2000, les températures hivernales descendaient sous -10°C trois à quatre années sur dix, mais actuellement (période 2000-2020) cela n’arrive au pire que deux années sur dix.
Le risque directement lié au gel peut être encore minimisé en choisissant une variété d’orge de printemps la moins sensible au gel possible.
Cependant, parce qu’elle reste plus longtemps en culture, l’orge de printemps semée en automne est aussi davantage exposée aux maladies fongiques, principalement la rhynchosporiose. Il est donc conseillé d’opter pour une variété peu sensible à cette maladie et, en années les plus à risque, d’avoir un programme fongicide renforcé.
Fonder de façon fiable son choix variétal sur les notes de tolérances aux maladies indiquées dans les catalogues s'avère compliqué, car ces notes sont établies sur des orges de printemps semées au printemps. L’exposition accrue aux maladies en semis d’automne dégrade les notes « officielles » de façon systématique mais différemment d’une variété à l’autre.
De plus, la filière brassicole impose ses propres critères variétaux, et le choix des variétés est davantage orienté par les besoins du marché que par des critères agronomiques pertinents. Les variétés préférées comme RGT Planet ou Lauréate sont quelques exemples de ces exigences contradictoires.
Quels sont les autres risques d’un semis automnal ?
Concernant la gestion des adventices, les orges semées à l’automne ne bénéficient pas de l’effet agronomique « nettoyant » d’un vrai semis de printemps. De plus, peu de solutions de désherbage d’automne efficaces sont sans risque vis-à-vis du gel en raison d’une sensibilisation accrue au froid. Enfin les herbicides efficaces de sortie d’hiver sont quasi-inexistants en raison des résistances.
Le contrôle des graminées adventices en orge de printemps semée en automne s’avère donc complexe.
"La pratique, à risque, est à réserver à certains contextes pédoclimatiques mais peut s’avérer payante."
C’est pourquoi il est conseillé de semer dans une parcelle propre ou peu infestée par les graminées (ce qui est toutefois de plus en plus difficile à trouver !) et, idéalement, de ne pas désherber chimiquement à l’automne. Cette précaution évite d’investir inutilement si la culture est détruite par le gel.
D’autre part, la culture est plus longtemps exposée aux ravageurs d’automne - notamment aux pucerons, vecteurs de la jaunisse nanisante de l’orge (JNO) et de la mosaïque. Or les variétés de printemps sont sensibles aux deux pathotypes, Y1 et Y2, de la mosaïque. Il est donc conseillé d’éviter de semer en parcelles où la mosaïque est présente, même si cela peut être délicat à déterminer, notamment concernant la présence du variant Y1, car presque toutes les orges d’hiver sont résistantes aux virus Y1.
Un développement accéléré qui déplafonne les rendements
Les études d’Arvalis ont montré qu’un semis d'automne autour du 10 novembre entraîne une précocification du cycle de la culture : le stade « Épi 1 cm » est atteint, en moyenne, une vingtaine de jours plus tôt par rapport à un semis traditionnel vers la fin du mois de février. L’épiaison est avancée au 10 mai environ, contre début juin pour le semis de printemps. Déterminante pour le rendement, la période de remplissage plus précoce limitera a priori le nombre de jours échaudants et de stress hydrique auxquels la culture sera confrontée.
Par ailleurs, la récolte peut être avancée de quinze jours, passant du 25 juillet environ pour un semis de printemps au 10 juillet pour un semis d’automne.
En sols argilocalcaires superficiels où les semis de printemps sont à risque, ces modifications du rythme de développement sont un avantage et conduisent à une augmentation des rendements de 10 à 15 % en moyenne (figure 2) ; ceux-ci sont aussi davantage sécurisés. En revanche, en sols profonds ou en zones irrigables, l’intérêt d’un semis automnal est moins marqué.
La fertilisation azotée de cette orge de printemps semée en automne sera gérée comme celle d’une orge d’hiver. Fractionnez en deux ou trois apports selon la dose totale initiale, sans oublier un éventuel pilotage du dernier apport grâce aux OAD disponibles sur le marché. L’objectif est de sécuriser le rendement tout en gardant une teneur en protéines compatible avec le débouché brassicole.
Côté protéines justement, en moyenne sur 2008-2020 et en tendance, les semis d’automne valorisent mieux les apports d’azote, mais l’effet de dilution des protéines dans le rendement reste très modéré. Ainsi, les écarts observés entre les taux de protéines des orges de printemps semées en automne ou au printemps restent généralement faibles, de l’ordre du dixième de pour cent.
Adaptez la densité de semis à la situation
Les essais d’Arvalis, des simulations technico-économiques (effectuées, toutefois, dans le contexte de prix d’avant la hausse des prix des céréales, des carburants et des engrais) et diverses expérimentations chez des exploitants bourguignons montrent qu’il vaut la peine de prendre le risque de semer une orge brassicole dès l’automne dans ces zones intermédiaires car les résultats économiques sont souvent au rendez-vous.
Cela concerne avant tout la Champagne berrichonne et le Gâtinais (terrains argilo-calcaires et sols limoneux sains et peu profonds, en situations non irriguées), voire le Perche, hors limons battants hydromorphes.
Le rendement de l’orge de printemps s’appuyant avant tout sur le nombre d’épis par m², la composante « nombre de pieds par m² » et, par conséquent, la densité de semis sont donc importantes pour sa réussite.
Pour un premier semis effectué entre le 1er et le 10 novembre, Arvalis préconise une densité de 300 à 350 graines/m² si la préparation du sol est bonne, et de 350 à 380 graines/m² si elle est mauvaise ou que le sol est très caillouteux.
Pour un semis tardif (après le 10 novembre), il faudra porter cette densité à 350-380 graines/m² pour un sol bien préparé, et jusqu’à 380-400 graines/m² en cas de mauvais préparation ou de sol très caillouteux.
En savoir plusLes itinéraires techniques conseillés en zones où il est intéressant de semer en automne les orges de printemps sont précisés dans les guides
« Choisir & Décider-Orge d’hiver » dédiés aux régions Bourgogne et Centre, sur le site d’Arvalis : http://arvalis.info/2gc
Édouard Baranger - e.baranger@arvalis.fr
Paloma Cabeza-Orcel - p.cabeza@perspectives-agricoles.com
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