Gérer le couvert pour réussir son maïs grain en ACS
Comme nombre de cultures de printemps, le maïs grain reste une culture potentiellement délicate en ACS, notamment du point de vue de son implantation. Or la qualité de cette dernière conditionne souvent de manière décisive le peuplement et donc le rendement du maïs, celui-ci n’ayant pas de capacité de compensation par le tallage, contrairement aux céréales à pailles. De ce point de vue, les spécificités de l’ACS résident dans la gestion des couverts, dans l’humidité et la température du sol (ces deux paramètres étant intimement liés), ainsi que dans les dynamiques de minéralisation de l’azote.
Les points d’attention de la conduite en ACS
La présence d’un mulch de résidus de cultures peut entrainer un réchauffement plus lent du sol comparé à un sol nu pour deux principales raisons. La première est le phénomène d’albédo : les résidus de culture réfléchissent davantage la lumière, et donc la chaleur, qu’un sol nu, plus sombre. La seconde est que ces résidus peuvent augmenter l’humidité superficielle du sol et donc ralentir son réchauffement.
Pour les mêmes raisons, en cas de fin d’hiver humide, le ressuyage du sol peut être plus lent qu’en systèmes avec travail du sol.
À l’inverse, la présence d’un couvert végétal en place au moment du semis ou détruit tardivement avant l’implantation du maïs peut entraîner un assèchement du lit de semences ainsi qu’une inertie plus importante de la minéralisation en azote du sol. Cette dernière peut, en effet, être ralentie par un appauvrissement du sol en azote, consommé par le couvert, notamment s’il est composé de graminées et détruit tardivement.
Une fois ces risques identifiés, il convient également de préciser que le maïs est une plante particulièrement sensible aux phénomènes de tassement : tout dégât de structure impactera négativement l’assimilation des éléments minéraux et l’accès à l’eau.
L’objectif visé en ACS est donc une absence de discontinuité dans le profil de sol ainsi qu’une limitation des risques de tassement en limitant au strict minimum les passages d’engins mécaniques. Par principe, en ACS, l’impact structural de tels passages dans des conditions humides ne pourra être compensé par du travail du sol - sauf à y revenir occasionnellement. En outre, la mise en place d’une couverture permanente des sols vise à limiter le phénomène de battance, auquel le maïs est particulièrement sensible.
Éviter les risques climatiques
L’essai d’Oraison, situé dans les Alpes-de-Haute-Provence (04), bénéficie généralement d’un climat sec en sortie d’hiver avec habituellement une faible pluviométrie de début février à mi-avril. Conjugué à un réchauffement précoce des sols, cela rend possible de semer le maïs grain dès fin mars-début avril, période où le risque de gelée est minime.
L’objectif est de maximiser le potentiel de rendement du maïs en allongeant son cycle de développement et en précocifiant la date de floraison, afin de minimiser les risques de stress thermique à ce stade (stress avérés dès 36°C), de permettre un arrêt précoce de l’irrigation (début août) et ainsi de diminuer les frais de séchage (figure 1).
Les essais d’Oraison ont montré que le potentiel de rendement diminue pour les semis plus tardifs : -27 % en 2022 pour un décalage de la date de semis de fin mars à fin avril (soit un mois). Une variété tardive1 a été utilisée, bien adaptée au climat de la région et vigoureuse au démarrage.
Gérer les couverts vivants dans le maïs
Aucune solution n’a été trouvée pour maintenir un couvert vivant durant tout le cycle du maïs sans pénaliser le rendement de ce dernier. Pour préserver la productivité, il faut donc viser une destruction du couvert avant ou peu de temps après le semis du maïs.
Divers types de couverts, morts et vivants, ont été testés à Oraison2. En cas de graminées dans le couvert, les essais ont montré qu’il était judicieux de détruire celui-ci environ un mois avant le semis du maïs avec un passage de glyphosate (540 à 720 g/ha), afin d’éviter l’assèchement hydrique et les risques de faim d’azote sur la culture de vente. Il est nécessaire de compléter par du 2,4D (Chardol 600 à 0,5 l/ha) en cas de présence importante de sainfoin, que le seul glyphosate ne parviendra pas à détruire, même à dose pleine homologuée.
Les doses de glyphosate employées sont moyennement perturbantes pour les légumineuses (féverole, sainfoin, luzerne) présentes dans le couvert, qui pourront ainsi continuer leur croissance jusqu’au broyage du couvert, la veille du semis de maïs. L’objectif du broyage est de « laisser la place » au maïs et de favoriser le réchauffement du sol en le mettant quasiment à nu.
Ensuite, les herbicides de postlevée du maïs permettront d’achever la destruction de la légumineuse. De ce point de vue, l’association mésotrione 25 g + nicosulfuron 8-10 g + clopyralid 9 g a démontré son efficacité, moyennant une adaptation des doses en fonction de la flore adventice présente et de l’état du couvert persistant dans le maïs.
En 2014, un essai « Fertilisation du maïs » a été conduit avec deux modalités de gestion du couvert (figure 2) : soit un couvert d’hiver mixte (féverole, ers, pois vesce, avoine, seigle) détruit au glyphosate une semaine avant semis, soit un couvert semi-permanent de sainfoin qui est détruit partiellement au glyphosate avant semis et ensuite pendant le désherbage du maïs avec les herbicides de postlevée du maïs selon une stratégie proche de celle décrite précédemment.
Le rendement maximum, de 150 q/ha, a été équivalent dans les deux modalités. Toutefois, il a été obtenu en diminuant la dose optimale d’azote pour atteindre ce rendement de 223 kg N en « couvert mort » à 185 kg N en « couvert semi-permanent ». Le maïs est donc une culture qui s’accommode parfaitement de la destruction d’une légumineuse pérenne qui aura fait son cycle les années précédentes.
Enfin, concernant la gestion de la couverture des sols après le maïs, privilégier l’installation d’un couvert annuel aussitôt après la moisson (soit la première quinzaine d’octobre) avec des espèces supportant des conditions tardives de semis, c’est-à-dire des sols humides et refroidis et des jours courts, telles que l’avoine et la féverole. Il est plus délicat, pour des raisons matérielles et de compétition vis-à-vis de la lumière, d’implanter le couvert dans un maïs grain encore installé.
Optimiser les effets de l’irrigation
Ces différentes stratégies ont montré leur efficacité à Oraison au vu du maintien des rendements et des marges de la culture dans l’essai, malgré la détérioration des conditions climatiques (tableau 1), en particulier du point de vue de la pluviométrie estivale. Le rendement moyen est resté compris entre 124 et 130 q/ha depuis 2015. Il reste encore à identifier des leviers permettant une meilleure maîtrise des dégâts de corbeaux ou sangliers.
Du fait de l’amélioration de la maîtrise technique de la gestion des couverts et de la fertilisation grâce à ces essais, les charges en azote ont diminué de 20 % en moyenne entre 2013 et 2022. En revanche, le maintien des rendements s’est fait notamment au prix d’une augmentation significative de la demande en irrigation : + 66 % en dix ans et + 1mm d’eau d’irrigation par quintal de rendement.
Un des futurs axes majeurs d’expérimentation concerne donc l’optimisation de la gestion de l’eau, notamment à l’échelle des séquences couverts-cultures. Des travaux débutent actuellement en ce sens, en partenariat avec la Société du Canal de Provence et l’INRAE. Ils étudieront les spécificités des dynamiques de l’eau en ACS, et détermineront si l’efficience de l’eau de l’’irrigation est différente des systèmes conventionnels et, surtout, si sa gestion doit être différenciée (en volume et en fréquence des tours d’eau), notamment en fonction de la réussite du couvert précédent.
(1) Variété de type P0725 : maïs Pioneer, groupe 5, variété tardive.
(2) Les couverts (vivants et morts) testés et les cultures de la rotation sont précisés en complément web.
Changement climatique : des clés pour réussir l’agriculture de conservation des sols
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